Une étude publiée dans la revue Current Biology révèle que les orques ont la capacité d’utiliser des outils pour leur toilettage. Certains individus ont été observés détachant des tiges d’algues afin de se frotter le corps, voire de se masser mutuellement — un comportement jusqu’alors inédit dans le milieu marin. Cette utilisation d’outils, commune chez les primates, est ici documentée pour la première fois chez des cétacés.
Un comportement collectif dans un groupe d’orques
Les observations ont été réalisées au sud de la mer des Salish, au large de l’État de Washington (États-Unis) et de la Colombie-Britannique (Canada). Une équipe de chercheurs, utilisant des drones, a suivi un groupe de 73 orques résidents. Ils ont enregistré un individu détachant un fragment de kelp (Nereocystis luetkeana), une algue brune, qu’il déposait ensuite sur son rostre avant de le frotter contre le corps d’un congénère.
Cette pratique s’est rapidement avérée partagée au sein du groupe, comme l’ont constaté les spécialistes du Center for Whale Research (CWR) et de l’université d’Exeter (Royaume-Uni). « Nous avons découvert un comportement totalement inconnu, ce qui est exceptionnel. Il est rare d’identifier ce genre de nouveauté chez les cétacés », ont-ils expliqué.
Une population d’orques fragile et menacée
Si des cétacés ont déjà été repérés avec des algues accrochées sur leur peau, la singularité de ce comportement réside dans la sélection, la préparation et le partage coordonné de l’algue entre individus. Les chercheurs ont remarqué que ce comportement survenait principalement chez des orques du même âge présentant une accumulation notable de peau morte, ce qui suggère une fonction de toilettage visant à éliminer parasites et peaux mortes, tout en renforçant les liens sociaux au sein du groupe.
Michael Weiss, directeur de recherche au CWR et auteur principal de cette étude, souligne la vulnérabilité de cette population d’orques, qui ne se reproduit qu’au sein de son propre groupe. Cette population, déjà impactée par la diminution du saumon — leur principale source alimentaire —, dépend aussi d’une algue menacée par le réchauffement climatique. « Si cette population disparaît, nous risquons de perdre pour toujours ce comportement unique sur Terre. Ce ne sont pas seulement 73 individus qui disparaîtraient, mais l’héritage culturel qu’ils transmettent depuis des millénaires », alerte le chercheur.