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Avec son drôle de sourire et ses branchies en épi, l’axolotl semble tout droit sorti d’un roman d’Héroïc fantasy. Cet amphibien mexicain capable de régénérer ses organes est omniprésent… sauf dans la nature, où il est en danger critique d’extinction. Pourtant, sa popularité explose. Depuis 2021, l’axolotl s’est imposé dans des jeux comme Minecraft, Fortnite, Roblox ou Pokémon. Il envahit aussi les réseaux sociaux, cumulant des milliards de vues sur TikTok.
« L’ère numérique a largement contribué à sa popularité croissante », confirme Ivan Lazcano Sanchez, maître de conférences à l’Institut de neurobiologie de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). Les mèmes, émojis et vidéos mettent souvent en avant le « sourire » unique et charmant de l’axolotl, créant un lien émotionnel fort avec le public, notamment les jeunes générations.
Déjà une star à l’époque des Aztèques
Au Mexique, l’amphibien fascinait déjà les Aztèques, qui voyaient en lui une incarnation du dieu Xolotl, symbole de transformation et de résilience. Malgré les siècles, son aura perdure dans la culture populaire. « Pour eux, c’est l’équivalent du dragon chinois », explique Laurent Sachs, spécialiste de l’axolotl et chercheur au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN). Un véritable symbole, confirme Karla Pelz Serrano, professeure et chercheuse à l’Université autonome métropolitaine. « On le retrouve partout : des peluches aux vêtements, en passant par les billets de banque et les jeux vidéo. »
L’axolotl bénéficie même d’une journée dédiée, le 1er février, et figure sur les billets de 50 pesos mexicains, où il est représenté dans son habitat naturel.
Une situation « gravissime »
La région de Xochimilco, habitat endémique de l’axolotl, « se trouve désormais dans les limites de Mexico, l’une des plus grandes villes du monde », souligne Gerardo Ceballos, chercheur à l’UNAM. L’expansion urbaine grignote les marécages où survivent encore quelques centaines d’axolotls sauvages. De plus, « les canaux sont contaminés par des eaux usées non traitées, des déchets et des produits agrochimiques », précise Ivan Lazcano Sanchez.
Ce problème concerne Ambystoma mexicanum, mais aussi seize autres espèces d’axolotls présentes au Mexique. En effet, il existe 17 espèces d’axolotls, toutes endémiques et toutes menacées. Par ailleurs, la concurrence avec d’autres espèces introduites complique la survie des axolotls. « Dans les années 1970, des poissons ont été introduits pour développer une économie de pêche », rapporte Laurent Sachs qui qualifie la situation de « gravissime ». Ces poissons concurrencent ou chassent les œufs et les juvéniles d’axolotls, aggravant leur déclin.
« Être mignon » pour survivre
L’incroyable notoriété de l’axolotl représente une « arme à double tranchant », avertit Ivan Lazcano Sanchez. Cette popularité pourrait laisser croire à tort que l’espèce se porte bien car visible partout, alors que les populations sauvages s’effondrent. Pire encore, « beaucoup d’axolotls vendus ont été capturés ou élevés illégalement » et certains sont abandonnés dans la nature, où ils entrent en compétition avec d’autres espèces d’axolotls, explique Karla Pelz Serrano. Il est donc essentiel de ne pas considérer l’axolotl comme un simple animal de compagnie ou un mème, mais bien comme une espèce menacée.
Heureusement, l’axolotl bénéficie d’un fort soutien du public, des médias et de la population locale. « Les défis sont nombreux, mais la stratégie porte ses fruits », assure Gerardo Ceballos. Son aspect mignon contribue grandement à sa conservation. Laurent Sachs rappelle que « lorsque l’on évoque la disparition de l’ours polaire, les gens sont touchés, ils pensent à la peluche de leur enfance ; en revanche, la disparition des crapauds les laisse indifférents ». Ce sourire naturel attire des financements indispensables pour soutenir des projets comme les chinampas-refugios, ces petits écosystèmes protégés où l’axolotl peut se reproduire à l’abri des menaces.
Pour sauver cet emblème mexicain, Gerardo Ceballos recommande de poursuivre « les campagnes auprès du grand public et des responsables politiques », « les actions de conservation », « la protection des autres populations » ainsi que les projets de « réintroduction ». L’objectif est d’éviter que l’axolotl sauvage ne devienne qu’un souvenir imprimé sur un billet.
