L’élevage intensif de saumons : un danger pour l’environnement

par Olivier
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L'élevage intensif de saumons : un danger pour l'environnement
France, Écosse, Norvège

Une chair rose reconnaissable, réputée pour ses vertus nutritives : c’est le saumon, le poisson le plus consommé par les Français et incontestable star des tables de fin d’année. Dans Un poison nommé saumon, le documentariste Maxime Carsel dresse un constat qui risque de couper l’appétit : une enquête sur une industrie dévastatrice (éd. du Rocher), sortie début octobre, qui met en lumière les dérives de l’élevage de saumons.

Provenance et conditions d’élevage

La France importe 99 % de ses saumons, principalement issus d’élevages en Norvège et au Royaume-Uni. En Norvège, les installations sont relativement plus modernes, puisque le pays a entamé une réflexion sur les conditions de vie du saumon et l’usage de pesticides il y a une quinzaine d’années. Mais la situation en Écosse reste préoccupante : dans les lochs, quelque 200 fermes enferment les poissons dans d’immenses cages marines pouvant contenir jusqu’à 200 000 saumons, suspendues par des filets de 20 à 50 mètres de profondeur. Autour d’eux, le volume d’eau disponible équivaut à « à peu près une baignoire », selon le documentariste.

Le contraste est saisissant avec le cycle naturel du saumon : animal d’une perfection rare, il naît en eau douce, descend vers l’océan pour grandir, puis remonte à contre-courant vers son lieu de naissance pour se reproduire et mourir deux semaines après. En élevage intensif, les saumons sont empilés comme des poulets en batterie et y restent douze à vingt-quatre mois avant l’abattage.

Promiscuité, parasites et traitements chimiques

La promiscuité favorise l’apparition de maladies et la prolifération de parasites, notamment les poux de mer. Ces parasites se nourrissent du mucus du poisson puis de sa chair et de son sang, provoquant des lésions et une forte mortalité. À l’état naturel, les saumons peuvent se débarrasser de ces parasites en sautant hors de l’eau lors de leur remontée ; dans les cages, il n’existe aucune échappatoire.

Pour lutter contre les poux, des pesticides sont employés, contenant notamment du benzoate d’émamectine, de l’azaméthiphos ou de la deltaméthrine. Des études montrent que la contamination peut s’étendre jusqu’à 39 km² autour d’une ferme, affectant la biodiversité locale. Des méthodes alternatives ont été testées, comme l’introduction de poissons nettoyeurs (lompes, labres) qui consomment les poux : bonne idée en théorie, mais ces labres sont souvent capturés à l’état sauvage et retirés en grande quantité de leur milieu naturel. En Norvège, des fermes spécialisées en lompes ont été créées, mais elles ont constaté une forte mortalité.

Une autre technique populaire est le « Thermolicer » : un tuyau géant aspire les saumons pour les faire passer dans un bain de pesticides ou d’eau chaude afin d’éliminer les poux, puis les rejette en mer. La méthode est violente et entraîne également une mortalité élevée. À chaque solution apportée contre les poux, un nouveau problème surgit, comme dans un système de poupées russes.

Visite de fermes et pollution plastique

Lors d’une visite d’une ferme sur l’île de Lewis, au nord de l’Écosse, l’apparence extérieure pouvait sembler anodine : de grands cercles à la surface, une activité économique visible mais sans révéler ce qui se déroule en dessous. « Tout ce qui se passe sous l’eau, vous ne le voyez pas, donc on y fait ce qu’on veut », observe le documentariste, citant le rôle déterminant des lanceurs d’alerte pour révéler ces pratiques.

On constate cependant une pollution plastique : de gros tuyaux noirs arrachés par les tempêtes et retrouvés sur les côtes proviennent en partie des fermes salmonicoles. Ce plastique rigide mettra longtemps à se dégrader et libérera des microparticules dans la mer.

La fabrication de farines de poisson et le chalutage profond

Pour produire 200 g de filet de saumon, il faut environ 400 g de poissons sauvages, principalement transformés en farine de poisson. La production de ces farines repose sur d’immenses chaluts qui raclent le fond des océans, perturbant les chaînes alimentaires. Le chalutage profond est aujourd’hui l’une des formes de pêche les plus destructrices. Il a aussi des conséquences sociétales : des chalutiers viennent piller les ressources maritimes de pays côtiers comme le Sénégal, où une part importante de la population dépend du poisson pour subsister.

Des alternatives possibles mais limitées

Un élevage de saumons qui ne maltraite pas les poissons et ne nuit pas à l’environnement existe, mais principalement à petite échelle. En France, une ferme dans le Cotentin approvisionne directement des grands restaurants. Des élevages en aquaponie se développent aussi : il s’agit de petites fermes reproduisant le cycle naturel avec des bassins aérés et de l’espace, favorisant des saumons en meilleure santé. Ces solutions demeurent cependant de faible production comparées à l’élevage intensif.

Consommation personnelle

Interrogé sur ses propres habitudes, le documentariste confie avoir arrêté de manger du saumon, « et à mon grand regret, parce que j’aime bien, mais ce n’est pas grave. C’est un effort écologique qui ne coûte pas un rond, mais c’est un pas de géant pour le bienfait de l’humanité et de la planète de manière générale. »

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