La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), accompagnée de scientifiques et de pêcheurs, a lancé lundi un « appel au secours » pour tenter de sauver l’anguille européenne, qualifiée « d’espèce à l’agonie », en demandant un moratoire sur la pêche en France.
« Nous lançons aujourd’hui un appel au secours car on assiste à l’agonie de l’espèce » et « l’État refuse de prendre la mesure élémentaire qui s’impose : un moratoire sur la pêche » recommandé par les scientifiques, a déclaré Allain Bougrain‑Dubourg lors d’une conférence de presse en ligne.
Les populations d’anguille européenne se sont effondrées de 90 % depuis les années 1980, et de plus de 99 % par rapport aux années 1960, conséquence de la dégradation des habitats naturels et de la pression de la pêche, rappelle l’association.
La France autorise toujours la pêche à l’anguille
Depuis 2008, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe l’espèce comme « en danger critique d’extinction ». En 2022, le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) a recommandé l’arrêt de toute pêche de l’anguille, à tous les stades de son développement.
La France reste l’un des derniers pays européens à autoriser la pêche de l’anguille et de ses alevins, les civelles. Un projet d’arrêté gouvernemental, en consultation jusqu’au 24 octobre, propose de fixer les quotas à 55 tonnes pour 2025‑2026 puis 43 tonnes pour 2026‑2027, contre 65 tonnes actuellement.
« Une forme d’irresponsabilité gouvernementale »
« C’est dérisoire et insuffisant », dénonce Allain Bougrain‑Dubourg. Selon les défenseurs de l’espèce, les 65 tonnes de civelles pêchées représentent environ 220 millions d’individus, avec un impact dramatique sur une population déjà fragilisée. « On empêche l’espèce de se reproduire. On ne peut pas continuer comme ça », ajoute le biologiste Gilles Bœuf.
La France reçoit sur ses côtes une part importante des civelles européennes, transportées par le Gulf Stream depuis la mer des Sargasses, unique zone de reproduction connue de l’espèce.
Parmi les civelles pêchées, 40 % sont consommées, tandis que 60 % sont relâchées ailleurs pour des opérations de repeuplement. Sur cette deuxième part, le taux de mortalité est très élevé et il n’existe aucune traçabilité permettant de suivre la survie des individus relâchés, explique la LPO.
La civelle est aussi la cible d’un trafic illégal particulièrement lucratif : le kilo peut se négocier de plusieurs centaines à quelques milliers d’euros, notamment pour le marché asiatique.
