On raconte souvent qu’un ami vous aidera à déplacer un canapé, un bon ami vous aidera à déménager dans la ville, et qu’un véritable ami vous aidera à déplacer un corps. Les pratiques funéraires humaines varient d’ailleurs bien plus qu’on ne le pense : certains sont inhumés, d’autres incinérés, parfois leurs dépouilles sont jetées à la mer ou placées sur un bateau. Les personnages importants bénéficient souvent de sépultures ou de monuments à leur mémoire, à l’image des pharaons dont les tombeaux monumentaux perpétuent le souvenir.
Cependant, certaines disparitions sont entourées de mystère, comme celles d’explorateurs dont les restes n’ont jamais été retrouvés. C’est notamment le cas d’Henry Hudson, dont le fleuve qui porte son nom garde le secret de sa dernière demeure, ou de Spartacus, dont le corps n’a jamais été identifié. D’autres, comme les défenseurs de l’Alamo, ont vu leurs corps réduits en cendres. Le traitement des dépouilles peut donc revêtir des formes diverses selon les circonstances.
Mais que devient la mémoire d’une personnalité influente lorsque, non seulement sa tombe est détruite, mais que ses restes sont arrachés pour être brûlés, comme s’il fallait effacer toute trace de son existence dans le paysage ? C’est précisément ce qui est arrivé à Margaret Tudor, reine d’Écosse et sœur aînée du roi Henri VIII d’Angleterre.

Margaret Tudor, malgré une vie moins mouvementée que son frère en matière de mariages, fut reine d’Écosse pendant une période relativement courte. Elle mourut à l’âge de 51 ans au château de Methven et fut inhumée dans le prieuré chartreux de Perth, un monastère appartenant à un ordre de moines catholiques. Ce lieu de repos, sanctuaire de la royauté écossaise, fut la dernière demeure connue de la reine.
Cependant, cette sépulture fut détruite en 1559 lors de troubles religieux à l’origine d’une expulsion violente des moines chartreux. Une foule en colère saccagea le monastère, incendia le cimetière et exhuma les corps, y compris celui de Margaret Tudor, dont les restes furent brûlés. Par cette action, la mémoire physique et matérielle de la reine fut effacée, laissant derrière elle un vide que ni temps ni respect ne purent combler.

De nos jours, les archéologues s’efforcent de retrouver non seulement les vestiges du prieuré chartreux lui-même, mais aussi les sépultures royales qu’il abritait, notamment celles de Margaret Tudor et du roi Jacques Ier d’Écosse. Un monument commémore approximativement cet endroit, en hommage aux moines. Toutefois, ce témoignage reste une consolation distante, loin du faste et de la pérennité que la reine méritait.
Cette histoire illustre comment la violence politique et religieuse peut effacer des traces historiques essentielles, rendant invisibles certains personnages clés de l’histoire. La disparition physique de Margaret Tudor ne signifie pourtant pas l’effacement total de son rôle et de son influence dans la royauté écossaise et anglaise.
