
Lorsque Petro Poroshenko, milliardaire et puissant magnat de l’industrie du chocolat, accéda à la présidence de l’Ukraine en 2014, une réflexion critique s’imposa rapidement. En effet, la gestion d’un pays par un milliardaire soulève la question des priorités : la protection de ses intérêts financiers personnels peut aisément primer sur l’intérêt général. Cette perspective conduit souvent à des comportements éthiquement douteux, voire à des actes de corruption, comme l’illustrent plusieurs figures politiques internationales. Silvio Berlusconi, ancien Premier ministre italien, a été condamné pour fraude fiscale, tandis que Vladimir Poutine gouverne d’une main autoritaire. De même, Poroshenko lui-même fut mêlé à un scandale d’abus financier.
À l’opposé de ce profil, José Mujica, ancien président de l’Uruguay, est devenu célèbre sous le surnom de « président le plus pauvre du monde ». Gouvernant avec simplicité et humilité, il a marqué l’histoire politique par son refus presque radical des privilèges liés à sa fonction.

Élu en 2009, José Mujica ne s’est jamais attribué un salaire princier. À l’inverse, il a reversé 90 % de ses revenus à des œuvres caritatives, se contentant d’un modeste revenu mensuel d’environ 775 dollars, soit le salaire moyen uruguayen. Il vivait dans une ferme modeste et conduisait une Volkswagen Coccinelle datant de 1987, symbole de son refus ostentatoire du luxe. Malgré sa simplicité, Mujica ne se considérait pas comme pauvre ; selon lui, « les pauvres sont ceux qui travaillent uniquement pour maintenir un style de vie coûteux et en réclament toujours davantage ». Il assumait pleinement son choix de vie, convaincu que renoncer à la richesse extérieure représentait une véritable liberté.
Cette posture ne naît pas de nulle part. Dans les années 1960 et 1970, Mujica fut un membre actif des Tupamaros, un groupe d’urbanistes guérilleros inspirés par la révolution cubaine et opposés au régime oppressif de l’Uruguay. Ces guérilleros mènent des actions audacieuses, telles que des braquages et des enlèvements, redistribuant ensuite les ressources aux démunis. Mujica fut gravement blessé, abattu six fois, et passa quatorze ans en prison dans des conditions très dures ; il s’échappa à deux reprises, restant fidèle à ses convictions rebelles.

Toutefois, ce choix de vie ascétique ne l’a pas empêché d’impulser des réformes majeures. Sous sa présidence, l’Uruguay a connu une croissance économique soutenue ainsi qu’un faible taux de chômage. José Mujica est notamment reconnu pour sa politique innovante en matière de légalisation et de régulation du cannabis, avec des effets positifs sur la diminution de la criminalité liée à la drogue. De plus, il a fait de l’Uruguay le deuxième pays latino-américain à légaliser le mariage entre personnes de même sexe.
Conformément à la Constitution uruguayenne, il ne put briguer un second mandat consécutif et, en 2015, il devint sénateur. Fidèle à sa philosophie, il refusa toute pension à la fin de sa présidence, invoquant simplement « la fatigue d’un long parcours ». Ainsi, José Mujica demeure un exemple singulier d’homme d’État dont la richesse ne se mesure pas à son compte en banque, mais à son engagement et à sa sincérité.
