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Une des choses que vos cours d’histoire n’ont pas toujours révélées sur la Seconde Guerre mondiale est à quel point certains de ses chefs militaires furent singuliers. Avec environ 70 millions de soldats engagés dans les forces armées des pays participants, il était inévitable que quelques-uns présentent des comportements inhabituels.
Lorsque c’était un simple soldat ou un jeune officier ayant une vision du monde différente, montrant des accès de colère soudains ou étant obsédé par l’observation des oiseaux, cela restait relativement anecdotiques. Mais lorsque ces caractéristiques traversaient tous les échelons pour atteindre les rangs supérieurs, leurs bizarreries pouvaient avoir un impact considérable sur les troupes.
Loin de l’image traditionnelle du général stoïque et rigide, certains de ces hommes se sont distingués par leur flamboyance, leur côté littéraire ou leur humeur très colérique. Peut-être que les qualités d’un chef d’armée efficace exigent un cerveau qui sort des normes habituelles. Ces différences, parfois excentriques, ont engendré de nombreuses histoires incroyables liées à la Seconde Guerre mondiale – souvent si étranges qu’elles paraissent inventées, mais pourtant authentiques.
Parfois, ces traits de personnalité ne concernaient que leur vie privée, mais dans d’autres cas, ils ont véritablement influencé le cours du conflit. Voici donc quelques détails étonnants souvent négligés à propos de ces généraux méconnus de la Seconde Guerre mondiale.
Durant la Seconde Guerre mondiale, nombre de règles strictes encadraient la vie des soldats sur le front. Toutefois, la pression constante incitait souvent à relâcher certaines d’entre elles jugées secondaires. Cela ne tenait pas pour les troupes sous les ordres du général George Patton, pour qui le port impeccable de l’uniforme relevait de la discipline fondamentale.
Parmi ses consignes, Patton imposait aux officiers de porter la cravate réglementaire même en plein combat. Il affirmait : « Comment pouvons-nous faire confiance à nos soldats pour mener les combats, si nous ne pouvons pas leur faire confiance pour porter correctement leur uniforme ? » Cette rigueur vestimentaire, si remarquable, fut même brocardée dans des caricatures satiriques publiées dans le journal militaire Stars and Stripes.
Le major général Omar Brady, malgré les critiques, défendait cette discipline vestimentaire stricte en rappelant que chaque nœud de cravate, chaque guêtre boutonnée et chaque casque solidement fixé rappelait instantanément aux soldats que le général Patton avait pris le commandement du IIe Corps, inaugurant une ère de rigueur et de dureté. Néanmoins, il reconnaissait que ces règles n’avaient que peu contribué à augmenter la popularité du général parmi ses hommes.
Un aspect moins reluisant de la personnalité de Patton fut sa méconnaissance des troubles psychologiques liés au combat, alors désignés sous le terme de « choc des obus » (aujourd’hui PTSD). Lors de deux incidents distincts, confronté à des soldats physiquement aptes mais affectés par cette condition dans un hôpital militaire, Patton les agressa verbalement et physiquement, ce qui lui valut d’être sévèrement réprimandé.
General Sir Harold Alexander

Sir Harold Alexander, qui sera par la suite promu maréchal de camp, incarnait ce que ses compatriotes britanniques désignaient comme un « parfait gentleman anglais ». Surnommé « Alex », il était adulé par ses pairs pour son élégance et ses bonnes manières, qualités qui lui ont ouvert bien des portes, y compris dans la carrière militaire.
Cependant, ce sens très traditionnel du décorum lui a parfois joué des tours lorsqu’il a été confronté aux réalités du front. Un exemple notable provient d’un dîner où le futur Premier ministre Harold Macmillan relatait dans son journal que, malgré l’intensité des combats extérieurs, Alexander abordait paisiblement des sujets tels que « les campagnes du général byzantin Bélisaire, les mérites de l’architecture classique comparée au style gothique, ou encore la meilleure façon de chasser la perdrix en plaine ». Un contraste saisissant avec la tourmente qui régnait à l’extérieur.
Cette capacité à discuter d’un tel éventail de thèmes pouvait sembler impressionnante, mais ses contemporains, qui apprenaient à mieux connaître le général ou travaillaient de près avec lui, nourrissaient rapidement des doutes. Beaucoup soupçonnaient que derrière son calme affable se cachait un manque de discernement frappant. Certains chefs militaires jugeaient sa compétence limitée, allant jusqu’à penser qu’il déléguait entièrement à ses subordonnés la réflexion nécessaire à ses fonctions.
Malgré ces critiques, la carrière d’Alexander ne s’en est pas trouvée affectée. Après la guerre, sa réputation et son influence ont continué de grandir, consolidant sa place parmi les figures marquantes des généraux de la Seconde Guerre mondiale.
Major General Dr. Brock Chisholm

Le Major Général Dr. Brock Chisholm fut le directeur général des services médicaux canadiens durant la Seconde Guerre mondiale. Bien qu’il ait traversé le conflit sans susciter de réactions étranges, il compensa largement cette discrétion dès la fin de la guerre. Ce médecin militaire exprimait avec force l’idée que les enfants croyant au Père Noël seraient la menace principale à la civilisation.
En 1945, lors d’un discours marquant, Chisholm déclara : « Tout homme qui dit à son fils que le soleil se couche la nuit contribue directement à la prochaine guerre… Tout enfant qui croit au Père Noël a vu sa capacité de penser détruite de manière permanente… Il deviendra un homme souffrant d’ulcères à 40 ans, se plaignant de douleurs dorsales face aux tâches difficiles et refusant de penser de manière réaliste lorsque la guerre menace ».
Face à la controverse, loin de se rétracter, il réaffirma ses propos auprès d’un journaliste en précisant que « le Père Noël était l’un des plus grands ennemis de la pensée claire et donc une offense contre la paix ».
Si le Père Noël fut la cible principale de son ire, Chisholm, fondateur et premier directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), s’en prenait également aux superstitions. Lors d’un discours en 1946, il dénonça notamment l’omission quasi généralisée du 13ème étage dans les hôtels de New York, qualifiant cette pratique d’« énorme et inquiétante » et regrettant l’absence d’actions pour y remédier.
Général Bernard Montgomery

Souvent considéré parmi les pires généraux de la Seconde Guerre mondiale par certains historiens, le général Bernard « Monty » Montgomery n’a pourtant pas été un commandant totalement inefficace, notamment sur le plan stratégique et militaire. Sur le champ de bataille, ses résultats ont souvent été probants. Cependant, pour ceux qui ont dû collaborer avec lui, il s’est révélé être un véritable cauchemar.
Montgomery, qui fut ensuite nommé maréchal, se montrait brutalement franc au point de manquer de tact avec tous, y compris avec ses supérieurs. Dans son journal, le général Sir Alan Brooke évoque une rencontre avec Montgomery, où il dut sévèrement le réprimander pour son manque habituel de diplomatie et son égoïsme, qui l’empêchaient de comprendre les sentiments d’autrui.
L’exemple le plus marquant de cette insensibilité sociale est sans doute celui de son beau-fils, qui réussit à s’échapper d’un camp de prisonniers allemand et à rejoindre les lignes alliées. Selon The Sunday Times, les premiers mots de Montgomery à son retour furent : « Où diable étais-tu passé ? » Cette difficulté à déchiffrer les codes sociaux a conduit certains historiens à émettre l’hypothèse que Montgomery aurait pu appartenir au spectre de l’autisme.
Le comportement rigide de Montgomery provoqua même des tensions au sein des Alliés. Par exemple, lorsqu’un général américain lui fit une proposition de pari à prendre au second degré, Montgomery gagna et demanda qu’on lui accorde le prix : un bombardier B-17 Flying Fortress pour son transport personnel. Refusant de revenir sur sa demande, il contraignit le général Dwight Eisenhower à mettre à sa disposition cet avion rare et prestigieux.
Général Douglas MacArthur

Le général Douglas MacArthur était une personnalité complexe. Reconnu sans conteste comme un brillant stratège et tacticien militaire, il affichait également un ego démesuré, obsédé par l’image qu’il projetait. Aucun détail ne symbolise mieux cette dimension de sa personnalité que ses célèbres pipes en épi de maïs. Presque toutes les photos emblématiques de MacArthur – qu’il acceptait volontiers voire réclamait – le montrent avec cette pipe au design singulier tenue fermement dans ses lèvres.
Ces pipes, impossibles à manquer, sont devenues un symbole indissociable du général. Cette image n’était pas un hasard : MacArthur a lui-même conçu cette pipe en envoyant ses spécifications à la société Missouri Meerschaum. Après plusieurs échanges, la compagnie lui a fabriqué la « pipe MacArthur 5 étoiles en épi de maïs », modèle qui est encore produit aujourd’hui.
Phil Morgan, directeur général de Meerschaum, confiait au magazine Missouri Life que « lorsque notre personnel lui a envoyé cette création, MacArthur en fut ravi et il était rare de le voir en photo sans elle ». Bien que fonctionnelle, la pipe en épi de maïs n’était pas idéale pour fumer et, dans l’intimité, le général préférait les cigarettes.
Même après avoir été démis de son commandement lors de la guerre de Corée, MacArthur continua d’arborer ses pipes emblématiques. La société Meerschaum conserve d’ailleurs une lettre qu’il envoya à son propriétaire en 1959, dans laquelle il écrivait : « Avec le temps, je trouve chaque année de plus en plus de plaisir à utiliser mes pipes en épi de maïs ».
Les champs de bataille ne sont sûrement pas l’endroit idéal pour observer les oiseaux, tant les bruits des combats les effraient. Pourtant, si le général Sir Alan Brooke s’y retrouvait, il ne manquerait pas de scruter le ciel, un œil toujours aux aguets. Ce militaire, qui devint ensuite maréchal, était en effet un passionné d’ornithologie.
Loin d’être absorbé uniquement par ses responsabilités militaires et son rôle indispensable auprès de Winston Churchill, Brooke n’hésitait jamais à saisir la moindre occasion pour s’adonner à sa passion pour les oiseaux, même au cœur du conflit. Churchill avait l’habitude de faire une sieste l’après-midi ; Brooke en profita pour s’éclipser discrètement et s’acheter des livres sur les oiseaux. Lorsque le général se trouvait au Kremlin, sous haute surveillance soviétique, ses gardes durent parfois le poursuivre lorsqu’il s’aventurait à traquer un pic noir.
Après la guerre, Brooke pouvait partager de nombreux récits incroyables, notamment sa présence aux côtés de Churchill, Roosevelt et Staline lors de décisions qui allaient bouleverser le monde. Pourtant, engagez une conversation avec lui, et il préférait parler d’oiseaux plutôt que des événements historiques qu’il avait vécus. Cette passion, loin de diminuer son aura, ajoutait une dimension humaine à ce grand général. Son biographe, Andrew Sangster, expliquait à Key Military : « J’étais surpris par son amour des oiseaux, et ce n’est qu’en lisant l’autobiographie d’un autre ornithologue que j’ai compris que Brooke pouvait vraiment s’amuser et rire comme n’importe qui. »
Lieutenant général Lewis Brereton

À une époque où l’aviation était loin d’être aussi sûre qu’aujourd’hui, surtout pour les pilotes militaires, le lieutenant général Lewis Brereton s’est illustré comme l’un des pionniers de ce domaine, rejoignant les prémices de ce qui allait devenir l’US Air Force. Pourtant, ses débuts dans l’aviation furent marqués par un paradoxe étonnant : il développa une peur intense de voler, au point d’avoir à consulter un psychiatre.
Le 22 février 1927, Brereton demanda un congé pour raison de santé, expliquant qu’il était « soumis à un stress nerveux dû à mes conditions de vie prolongées… Cette situation affecte négativement mon pilotage ». Le major Benjamin Warriner, du corps médical, confirma ce diagnostic en soulignant que Brereton souffrait d’un « début d’anxiété nerveuse modérée caractérisée par une peur naissante de l’aviation », dont l’origine était attribuée à des problèmes familiaux, vraisemblablement liés à son épouse éloignée.
Sorti de cette crise avant la Seconde Guerre mondiale, Brereton apporta néanmoins certaines particularités intrigantes au cours du conflit. Reconnu pour une mémoire presque photographique concernant les avions et sa maîtrise de plusieurs langues, il était aussi célèbre pour oublier régulièrement ses bagages lors de ses déplacements. Lorsqu’il réussissait à embarquer ses valises, elles contenaient parfois une machine à écrire volumineuse, outil qu’il n’utilisa jamais.
Général Edmund Ironside

Avec le recul, il est facile d’oublier que le régime nazi avait une réelle possibilité de remporter la Seconde Guerre mondiale, et que certains officiers alliés se montraient parfois sympathiques, voire favorables, à la cause fasciste. Si les opinions personnelles du général britannique Edmund Ironside restent incertaines, il est avéré qu’il entretenait une amitié étroite avec le major-général J. F. C. Fuller, connu pour ses convictions ouvertement fascistes.
Pour une raison inconnue, Ironside ne rompit pas ce lien, allant même jusqu’à tenter de réhabiliter la carrière militaire de Fuller. Un carnet de notes relatant une rencontre entre les deux hommes pour discuter d’un emploi révèle qu’Ironside, malgré les opinions fascistes de Fuller, envisagerait son utilité militaire : « Naturellement, il prenait garde à ne pas me révéler trop ouvertement ses sympathies fascistes car il voulait savoir s’il serait embauché ou non… S’il n’avait pas passé autant de temps à jouer avec les fascistes de Mosley, il aurait pu être d’une aide précieuse. »
Cette proximité entre Ironside et Fuller alimenta les rumeurs d’un complot fasciste visant à renverser le gouvernement britannique. Un rapport aujourd’hui déclassifié, reprenant des informations d’agents infiltrés du MI5, détaille un plan selon lequel l’Italie déclarerait immédiatement la guerre, suivie par la reddition de la France, puis celle du Royaume-Uni dans la semaine. Dans ce scenario, Ironside deviendrait dictateur, permettant à l’Allemagne d’exercer son contrôle sur la Grande-Bretagne après stabilisation de la situation.
Considéré comme l’un des plus grands chefs militaires de l’histoire, le général Dwight D. Eisenhower avait cependant une passion bien particulière qui surprendra bien des amateurs d’histoire militaire : le bridge. Ce jeu de cartes, très populaire à son époque, captivait tellement Eisenhower qu’il en faisait un élément influent dans ses choix de collaborateurs.
Au cœur des batailles les plus intenses de la Seconde Guerre mondiale, le général prenait en compte les compétences des officiers au bridge pour certaines décisions importantes. Par exemple, il choisit Captain Harry Butcher, un joueur de bridge reconnu, comme aide naval principal. Ce n’était pas un hasard isolé : après la guerre, lorsqu’il devint commandant suprême de l’OTAN, il désigna comme second un officier célèbre pour être le meilleur joueur de bridge de l’armée américaine, vainqueur de la « Bataille du Bridge du Siècle » en 1931. Eisenhower lui-même déclara : « Je devrais prendre Bedell Smith [ancien Chef d’État-Major], mais je crois que je vais choisir Gruenther car c’est le meilleur joueur de bridge ».
Cette obsession ne le quitta pas lorsqu’il arriva à la présidence des États-Unis, où il organisait régulièrement des parties. Selon Ely Culbertson, l’une des figures emblématiques du bridge, « on peut toujours juger le caractère d’un homme à la manière dont il joue aux cartes. Eisenhower est un joueur calme et posé, qui ne se plaint jamais de ses défaites. Il brille dans la victoire, mais ne commet jamais le pire péché du joueur de bridge : se vanter de sa victoire ».
En août 1944, le général Hermann-Bernhard Ramcke dirigeait la défense allemande de Brest, en France, face aux forces américaines sous le commandement du major-général Troy Middleton. Ce qui rend leur confrontation remarquable, c’est la correspondance régulière et peu commune qu’ils entretenaient pendant les semaines qu’a duré la bataille.
Le 12 septembre 1944, Middleton adressa à Ramcke une lettre détaillée en sept paragraphes, exposant les raisons pour lesquelles les Nazis devraient se rendre. Il écrivait notamment : « Vos hommes ont bien combattu… c’est le consensus général que vous et votre état-major avez rempli votre devoir envers votre pays… Je vous exhorte, en tant que soldat professionnel à un autre, à cesser la lutte dès maintenant ». La réponse de Ramcke, célèbre pour son ton concis, fut simplement : « Général : je dois décliner votre proposition. »
Malgré ce refus catégorique, Ramcke fut rapidement capturé. Il fut alors découvert dans un bunker en compagnie de son chien, de sa maîtresse, de vingt uniformes militaires, d’un service de table complet et d’une grande quantité d’alcool. Sa reddition officielle, tout aussi surréaliste que la situation, fit sensation : Ramcke posa pour des photos, son chien à ses côtés, tandis que Middleton lui indiquait où se placer. Un journaliste présent ce jour-là rapporte qu’à un moment donné, Ramcke déclara en anglais : « Je me sens comme une vedette de cinéma. »
Après sa capture, Ramcke fut interné dans un camp de prisonniers de guerre nord-américain dédié aux officiers allemands. Curieusement, il continua à correspondre avec son adversaire Middleton, et leur échange épistolaire se poursuivit pendant quinze années, témoignant d’un respect mutuel rare entre ennemis de guerre.
Général Archibald Wavell

Il n’est pas rare que des hommes, y compris des militaires, révèlent une sensibilité artistique ou littéraire. Cependant, il est particulièrement étonnant que le général Archibald Wavell ait nourri une telle passion pour la poésie qu’il ait collecté et édité une anthologie, et ce alors même qu’il était en service actif en pleine Seconde Guerre mondiale.
Ce général, qui deviendra plus tard maréchal de camp, était un fervent amateur de poésie. Pourtant, il était trop réservé pour en réciter à voix haute, sauf lorsqu’il se trouvait seul. Pendant la guerre, alors qu’il était stationné en Birmanie, Wavell a compilé un manuscrit de 200 poèmes classiques dont il connaissait parfaitement le texte par cœur, accompagné de ses notes personnelles, qu’il envoya à un éditeur.
Malheureusement, malgré son enthousiasme, Wavell manquait de formation littéraire approfondie, ce qui n’impressionna guère le monde éditorial. L’éditeur qui reçut son manuscrit lui adressa une réponse sévère, critiquant le choix trop classique des poèmes et signalant plusieurs approximations, dues au fait que Wavell avait retranscrit les œuvres de mémoire. Toutefois, un autre éditeur reconnut le potentiel de l’ouvrage, et Other Men’s Flowers fut publié en 1944, devenant un immense succès commercial.
Le célèbre poète T.S. Eliot dira plus tard au sujet du général : « Je ne prétends pas juger Wavell comme soldat… Ce que je sais par expérience personnelle, c’est qu’il était un grand homme. Ce n’est pas une expression que j’emploie à la légère. »
General Nathan Twining

Le général Nathan Twining, que l’on voit ici à l’extrême droite, n’aurait jamais pu anticiper la tournure étrange que prendrait sa carrière. Après la Seconde Guerre mondiale, il a poursuivi une trajectoire exemplaire, devenant chef d’état-major de l’Armée de l’air américaine de 1953 à 1957, puis président du Comité des chefs d’état-major interarmées jusqu’en 1960. Cependant, c’est dans son rôle à la tête du Commandement technique de l’Armée de l’air qu’il a laissé une empreinte inattendue, liée à des phénomènes mystérieux.
Le 23 septembre 1947, Twining apposa sa signature sur un mémo top secret intitulé « Opinion AMC concernant les disques volants », dans lequel il affirmait que les objets volants non identifiés (OVNIs) rapportés par les pilotes de l’Armée de l’air étaient bien réels et méritaient une étude approfondie. Le texte précisait : « Il est notre avis que le phénomène observé est quelque chose de réel et non une vision ou une fiction. » Ce document lança une série de programmes d’enquête successifs : le Projet SAUCER, rapidement renommé Projet SIGN, puis Projet GRUDGE, avant de devenir le célèbre Projet BLUE BOOK en 1952.
Il est important de souligner que Twining ne suggérait pas que ces engins provenaient d’une origine extraterrestre. Néanmoins, ce mémo et les projets qui en ont découlé fournirent aux ufologues un socle d’arguments considérables, alimentant durablement les théories du complot sur une supposée dissimulation gouvernementale de la présence d’extraterrestres. La note signée par Twining devint ainsi une pièce incontournable dans la mythologie des OVNIs.

Le général Henry « Hap » Arnold, pionnier de l’aviation, dégageait une apparence affable, toujours marqué par un demi-sourire permanent. Ce sourire, loin d’exprimer une sérénité d’esprit, résultait en réalité d’un trouble similaire à la paralysie faciale de Bell. Cette expression trompeuse masquait un tempérament explosif : Arnold était une véritable boule de rage, réputé pour ses accès de colère déchaînés depuis ses années de formation à West Point.
Surnommé ironiquement « Hap », diminutif de « happy » (heureux), il se montrait prompt à se disputer avec quiconque, sans égard à leur rang. Sa réputation de tempérament volatile était légendaire, et il était notoirement dépourvu de sens de l’humour. Rigoureux et exigeant, il exerçait un contrôle minutieux sur son personnel, gagnant un second sobriquet, « Do-it-yesterday Arnold » (« Arnold-fais-le-hier »), illustrant son impatience et son besoin constant d’efficacité.
Le stress lié à sa nature intense eut de lourdes conséquences sur sa santé : à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il avait déjà subi cinq crises cardiaques. Sa carrière exemplaire, marquée par son engagement exceptionnel, fait de lui le seul aviateur américain à avoir atteint le rang de général à cinq étoiles. En 1946, épuisé, il prit sa retraite pour tenter de trouver un peu de repos.
Malgré son comportement parfois agressif et abusif, ceux qui travaillaient à ses côtés semblaient tolérer sa personnalité difficile. Un officier de son état-major, habitué à ses éclats, confiait avec humour : « Comment peut-on haïr un homme qui vous sourit toujours ? » Cette dualité entre son apparence souriante et son caractère impitoyable incarne parfaitement la complexité des généraux de la Seconde Guerre mondiale.
Il serait facile de penser que l’homme séduisant représenté ci-dessus n’est pas un militaire, mais plutôt un acteur hollywoodien incarnant un général dans un film épique sur la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, il s’agit bien du général Hoyt Vandenberg, dont l’allure remarquable suscitait autant d’admiration que d’étonnement à son époque, et continue de fasciner aujourd’hui.
Surnommé « l’homme le plus incroyablement séduisant de toute la scène washingtonienne » par le Washington Post, Vandenberg faisait tourner bien des têtes, même au Pentagone où les secrétaires n’hésitaient pas à se pencher hors de leurs bureaux pour l’observer passer. Un témoin rapporte l’avoir vu assister à un match de baseball du Congrès et s’être exclamé : « On n’avait jamais vu une telle beauté ! Les femmes perdaient complètement la tête pour l’apercevoir ».
Sa réputation allait jusqu’à inspirer Marilyn Monroe, qui aurait, lorsqu’on lui demanda avec quels trois hommes elle aimerait être échouée sur une île déserte, choisi son mari Joe DiMaggio, Albert Einstein, et… le fascinant général Vandenberg. Ce dernier ornait d’ailleurs plusieurs couvertures de magazines prestigieux, dont Life.
Il est intéressant de noter que cette beauté exceptionnelle joua un double rôle dans sa carrière militaire : si elle contribua indéniablement à sa progression fulgurante, certains le considéraient aussi comme un simple « beau gosse » profitant de son charme plutôt que de ses compétences.
Major General Curtis LeMay

Le général Douglas MacArthur est notamment célèbre pour avoir été démis de son commandement en plein milieu de la guerre de Corée, en grande partie à cause de son insistance sur l’utilisation d’armes nucléaires contre le pays. Pourtant, cette idée, aussi extrême qu’elle paraisse aujourd’hui, pâlit face à l’image que se forgeait à la même époque le major général Curtis LeMay.
Après son rôle actif durant la Seconde Guerre mondiale, LeMay devint une figure emblématique de la Guerre froide, reconnu pour son attitude brutale et sa paranoïa. Son profil fut même l’inspiration du général Jack Ripper, personnage dérangé de la satire noire « Dr. Strangelove ». À la tête du Strategic Air Command, LeMay était obsédé par la menace d’une attaque soviétique.
Il déclara un jour à un homme d’affaires en visite : « Si je vois que les Russes rassemblent leurs avions pour une attaque, je vais leur régler leur compte avant même qu’ils ne décollent. » Étonné, son interlocuteur fit remarquer que cette position allait à l’encontre de la politique officielle des États-Unis. Sans hésiter, LeMay répondit : « Je m’en fiche. C’est ma politique. C’est ce que je ferai. »
Certains témoignages précisent même que LeMay considérait son attitude comme un moyen de permettre au président de changer sa politique, en maintenant une posture ferme face à l’URSS. Cette agressivité ouverte fut perçue par beaucoup comme une tentative délibérée de pousser l’Union soviétique à un conflit à grande échelle.

Le Major Général Charles Gerhardt arriva au Royaume-Uni pour entraîner les troupes américaines avant l’invasion de la Normandie. Dès leur arrivée, ses soldats découvrirent rapidement son tempérament hors du commun. Si l’accord inattendu de leur accorder trois jours de permission fut bien accueilli, ses méthodes radicales de formation, comme jeter des grenades sur ses hommes depuis un avion lors des manœuvres, suscitèrent moins d’enthousiasme. Par ailleurs, les habitants locaux craignaient ce général impulsif, qui n’hésitait pas à dégainer son pistolet pour tirer sur des lapins, même en voiture en mouvement.
Gerhardt incarnait le « martinet », ce type d’officier rigoureux et colérique obsédé par la discipline, prêt à punir la moindre erreur. Il exigeait notamment que ses soldats gardent constamment la jugulaire de leur casque attachée, malgré l’inconfort que cela pouvait engendrer. Lui-même se distinguait par des bottes de cavalerie impeccablement cirées et un foulard soigneusement noué autour du cou. Ses cuisiniers, quant à eux, étaient souvent sollicités pour satisfaire ses caprices culinaires les plus inattendus.
La propreté était au cœur de ses préoccupations, surtout en ce qui concerne les véhicules militaires. Gerhardt n’hésitait pas à interrompre ses troupes pour qu’elles nettoient immédiatement la boue sur leurs camions et Jeep. Un épisode révélateur de sa rigueur extrême se produisit le lendemain du Jour J, quand il réprimanda un soldat ayant laissé tomber un morceau de pelure d’orange sur la plage de Normandie, au milieu des vestiges encore fumants de la bataille.
Général Lucian Truscott

En pleine guerre, la survie lors d’une attaque sous un feu nourri ne tient souvent qu’à un fil. Il n’est donc pas étonnant que certains soldats développent des superstitions, cherchant à reproduire à chaque bataille les conditions de leur survie précédente. Pour le général Lucian Truscott, cette croyance s’exprimait à travers une tenue « porte-bonheur » qu’il portait constamment.
Ce n’était pas une tenue militaire standard. Truscott optait pour une vieille culotte bouffante, des bottes de cavalerie usées et une veste en cuir. Une autre particularité était son écharpe blanche, qu’il confectionnait neuve avant chaque combat. Dessinée dessus, une carte d’évasion secrète servait de plan de secours si la situation tournait mal.
Ces vêtements n’étaient pas de simples accessoires symboliques : après le débarquement de Normandie, alors qu’il fut blessé par un obus, ses bottes épaisses jouèrent un rôle crucial pour limiter la gravité de ses blessures. L’influence du général s’étendait à ses troupes, qui adoptèrent à leur tour l’écharpe porte-bonheur.
Lors de la campagne d’Italie, blessé à la suite d’un accident de Jeep, Truscott ne put enfiler ses bottes. Cela causa une grande inquiétude chez ses soldats, qui vinrent à son chevet pour le supplier de faire tout son possible afin de les porter lors de la prochaine offensive. Même si le général ne participait pas directement à l’action, son port de ces bottes restait un symbole de chance et d’espoir pour ses hommes.
