L’incroyable histoire de la mutinerie sur le Bounty

par Zoé
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L'incroyable histoire de la mutinerie sur le Bounty
Royaume-Uni, Tahiti

Quand la légende et la réalité de la mutinerie sur le Bounty se rencontrent

Mutiny on the HMS Bounty

En évoquant la mutinerie sur le Bounty, l’image frappante d’un commandant rejeté à la mer revient souvent à l’esprit. Sur le retour de Tahiti, les méthodes autoritaires du lieutenant William Bligh auraient poussé son équipage à la révolte : Bligh fut jeté dans un canot et le navire pris en main par ses marins. Fletcher Christian, présenté par le cinéma comme un chef animé par l’amour et la protection de ses camarades, est devenu une figure emblématique de cet épisode.

Toutefois, la réalité se montre plus floue et moins romantique que les versions populaires. L’affaire ressemble davantage à un drame complexe qu’à une simple histoire d’amour, et plusieurs aspects surprenants rendent le récit plus difficile à résumer :

  • Les rôles de «héros» et de «méchants» ne sont pas clairement définis et prêtent à interprétation.
  • S’emparer d’un navire ne prépare en rien à établir une société stable ou une autorité légitime.
  • De nombreux détails de l’événement restent méconnus et échappent aux récits scolaires classiques.

La suite de cette section examine ces nuances et revient sur les éléments moins connus de la mutinerie sur le Bounty, afin de mieux saisir pourquoi cet épisode continue de fasciner les passionnés d’histoire, de science et de culture. Ces révélations permettent de comprendre comment une révolte en mer a donné naissance à une légende aux contours incertains.

Le voyage initial du Bounty vers Tahiti fut loin d’être une partie de plaisir

Mutinerie sur le Bounty

En 1787, la Couronne britannique chercha à introduire l’arbre à pain, découvert à Tahiti par James Cook en 1769, pour nourrir les colonies des Antilles et de la Jamaïque après la perte des pêcheries américaines. C’est dans ce contexte que le lieutenant William Bligh reçut le commandement du Bounty, chargé de se rendre à Tahiti pour rapporter des plants d’arbre à pain.

Le Bounty appareilla d’Angleterre le 23 décembre 1787, avec à son bord, parmi les premiers recrutés, Fletcher Christian, compagnon de navigation de Bligh. La traversée vers Tahiti devait passer par le cap sud de l’Amérique, mais la mer se déchaîna alors qu’ils approchaient du cap Horn en mars : vagues après vagues malmenèrent le navire.

Face à la tempête, Bligh dut modifier la route et imposa au Bounty un détour de plus de 10 000 milles, longeant l’Afrique puis l’Australie. Contre toute attente, aucun incident majeur entre l’équipage et l’officier n’est signalé avant la halte à Adventure Bay, en Tasmanie, à la fin du mois d’août.

Là, une altercation opposa Bligh au charpentier William Purcell : Bligh critiqua la qualité du travail de Purcell, qui répondit en accusant l’officier de chercher la moindre faille. La première mort du voyage survint aussi en Tasmanie, lorsqu’un matelot, James Valentine, développa une infection après une saignée pratiquée par le chirurgien Thomas Huggan.

  • Départ : 23 décembre 1787
  • Objectif : rapporter des plants d’arbre à pain de Tahiti
  • Détour imposé : près de 10 000 milles, via l’Afrique et l’Australie
  • Premiers signes de tension : Adventure Bay, Tasmanie (août)
  • Première victime : James Valentine, suite à une infection post-saignée

Bligh mit la responsabilité de cette mort sur le chirurgien et certains officiers, mais la décision fut prise de poursuivre la route vers Tahiti — épisode marquant dans la série d’événements qui mèneront plus tard à la célèbre mutinerie sur le Bounty.

Bienvenue au paradis

Tahiti, Mutiny on the HMS Bounty

Dans le récit de la mutinerie sur le Bounty, l’escale à Tahiti représente un moment clé. Le 24 octobre 1788, après plus de 28 000 milles parcourus, le Bounty atteignit enfin l’île. En quelques minutes, la routine austère du bord laissa place à la fête, lorsque des pirogues tahitiennes accueillirent l’équipage.

William Bligh nota plus tard qu’il avait du mal à reconnaître ses marins : « je pouvais à peine retrouver mon équipage. » Le navire était arrivé bien plus tard que prévu, et le début de la saison des pluies obligea l’équipage à rester ancré près de l’île pendant environ cinq mois, le temps que les plants d’arbre à pain soient prêts.

Une pépinière fut installée pour les jeunes plants, et, pour un temps, chacun — y compris Bligh — s’installa volontiers durant cette halte paradisiaque.

  • Les premiers mois furent harmonieux : l’équipage apprécia la chaleur et la générosité des Tahitiens.
  • Les relations entre marins et habitants, et notamment avec les femmes de l’île, furent intenses, modifiant profondément la vie sociale du bord.
  • Fletcher Christian, en particulier, tomba amoureux d’une femme nommée Mauatua, ce qui renforça ses liens avec l’île.

Pourtant, la situation bascula progressivement. Fidèle à sa réputation d’homme autoritaire, Bligh réagit avec sévérité lorsque, en janvier, trois marins et une cache d’armes disparurent. Il menaça de « faire souffrir tout le pays » si les hommes n’étaient pas retrouvés.

Retrouvés trois semaines plus tard, les hommes furent fouettés et enchaînés. Parallèlement, Bligh s’emporta au sujet de voiles de rechange pourries et dénonça, dans ses journaux de bord, une perte de discipline à bord — ses notes se transformant en longues listes de griefs, réels ou supposés.

Ces incidents, mêlant convivialité et autoritarisme, jetèrent les premières bases des tensions qui allaient précipiter la mutinerie sur le Bounty.

Christian faillit déserter le Bounty après Tahiti

Mutinerie sur le Bounty

Poursuivant la traversée en avril 1789, le Bounty quitta Tahiti lourdement chargé : plus de 1 000 plants d’arbre à pain furent embarqués, une perspective qui déplut profondément à l’équipage. Dès lors, les tensions à bord s’accentuèrent, et la relation entre le capitaine et son premier lieutenant se détériora rapidement. Ce climat lourd posa les fondations de la mutinerie qui allait suivre.

La rupture entre William Bligh et Fletcher Christian fut particulièrement marquée : le commandant se montra plus dur envers son ancien ami qu’envers les autres membres d’équipage. Christian, vraisemblablement aux prises avec des fragilités psychologiques, confia bientôt qu’il se sentait « en enfer depuis des semaines » à cause de cette conduite. Les humiliations se multiplièrent, notamment après un incident d’approvisionnement en eau douce à Anamooka, où Christian se vit traiter de « vaurien lâche » par son supérieur.

  • Début avril 1789 : embarquement de plus de 1 000 plants d’arbre à pain.
  • 21 avril : Christian se plaint de l’attitude du capitaine et évoque son profond mal-être.
  • 24 avril : insultes publiques après la perturbation d’une collecte d’eau douce.
  • 27 avril : accusation de vol de noix de coco, menaces et réduction des rations.

La situation dégénéra au point que Christian envisagea d’abandonner le navire sur une embarcation de fortune, un acte proche du suicide compte tenu des risques. Le 27 avril marqua le point de rupture : accusé publiquement d’avoir volé des noix de coco, il fut témoin de menaces proférées par le capitaine — jusque-là prêt à forcer des marins à sauter par-dessus bord — et de la décision de réduire de moitié les vivres. Sorti de l’altercation en larmes, Christian fut rapidement persuadé par neuf de ses camarades de prendre la tête d’une révolte.

Ces événements montrent comment une accumulation d’humiliations, de menaces et de décisions impopulaires transforma des griefs personnels en une mutinerie majeure, préparant le terrain pour les épisodes suivants de cette histoire fascinante de la mer.

Les mutins jetèrent Bligh à la mer à moitié nu

Mutiny on the HMS Bounty

Dans le silence précédant l’aube du 28 avril, William Bligh se réveilla pour trouver Fletcher Christian et trois autres hommes armés dans sa cabine. Ils le traînèrent sur le pont, presque nu, seulement vêtu de sa chemise de nuit, tandis que les marins encore fidèles avaient déjà été confinés dans leurs quartiers et surveillés.

Les mains liées dans le dos, Bligh réclama des explications et se heurta à des menaces de mort s’il parlait. Christian donna l’ordre de mettre une embarcation à la mer : dix-huit hommes loyaux furent poussés à l’intérieur, et Bligh comprit alors l’ampleur de la révolte.

  • Avant le départ, les mutins laissèrent aux hommes de l’embarcation des vivres et du matériel : eau, pain, voiles et outils.
  • La demande de Bligh pour des armes fut tournoyée en dérision et refusée.
  • Quatre sabres furent finalement lancés aux occupants avant que la barque ne soit détachée.

Bligh tenta une dernière supplique en évoquant son ancienne amitié avec Christian. Selon le récit, Christian, visiblement atteint, murmura « je suis en enfer, je suis en enfer » et proposa à Bligh le choix entre la barque ou la mort. Au final, dix-neuf hommes se retrouvèrent ainsi livrés à leur sort sur l’océan.

Ce départ forcé, brutal et humiliant, marque un tournant clé de la mutinerie sur le Bounty : la rupture définitive entre mutins et loyalistes, et le début d’une lutte de survie qui allait marquer les mémoires.

Image : Robert Dodd / Wikimedia Commons

Le premier établissement des mutins tourna au désastre

Mutiny on the HMS Bounty

Après la mutinerie, Tahiti apparut d’abord comme un refuge, mais Fletcher Christian craignait que d’autres Anglais ne viennent chercher les mutins. Il décida donc de rallier l’île de Tubuai à bord du Bounty.

À l’arrivée, la scène sembla prometteuse : quelques hommes autochtones conduisirent à bord 18 jeunes femmes pour saluer les visiteurs. Cette hospitalité tourna cependant au piège : des pirogues armées attendaient à proximité et une embuscade fut déclenchée.

Pour se défendre, les mutins ripostèrent au canon et au mousquet, faisant onze morts parmi les insulaires. L’endroit fut depuis surnommé « Bloody Bay ».

  • Inquiet pour la sécurité, Christian retourna brièvement à Tahiti avant de revenir à Tubuai.
  • Sur place, il dissimula la réalité de la mutinerie en prétendant, entre autres, que le capitaine Bligh se trouvait sur une autre île en compagnie du célèbre capitaine Cook.
  • Les mutins rassemblèrent vivres et bétail, et embarquèrent plusieurs Tahitiens — hommes, femmes et enfants — pour renforcer leur groupe.

Le retour à Tubuai se passa d’abord plus calmement, mais les projets de fortification échouèrent : aucun des hommes présents ne maîtrisait véritablement l’art de l’ingénierie. Les relations personnelles se détériorèrent rapidement lorsque des marins cherchèrent la compagnie des femmes tubuaiennes, provoquant de nouveaux affrontements.

Après environ deux mois sur place, les mutins votèrent le retour à Tahiti. Avant de partir, ils livrèrent cependant une ultime bataille contre les Tubuaiens qui fit soixante morts.

Cet épisode de la mutinerie sur le Bounty illustre combien la quête d’un refuge loin de la loi pouvait se heurter à la réalité violente et complexe des rencontres entre cultures.

Christian n’était pas un héros

Mutinerie sur le HMS Bounty

Nous sommes en septembre 1789, de retour à Tahiti après la mutinerie sur le Bounty. Sur les trente-deux hommes de l’équipage, seize choisirent de rester sur l’île, tandis que Fletcher Christian et huit de ses partisans souhaitaient trouver un refuge plus sûr ailleurs.

Les vivres du navire furent alors répartis, et la seule embarcation restante transporta jusqu’à la côte la part de ceux qui restaient. Les hommes demeurés à bord ne suffisaient guère à manœuvrer le navire en toute sécurité, ce qui poussa Christian à prendre une décision drastique pour tenter de pallier ce manque d’équipage.

Dans la nuit qui suivit, alors que des visiteurs tahitiens se trouvaient à bord, le Bounty leva l’ancre sans prévenir. Plusieurs hommes et femmes tahitiens—dont un bébé—se trouvèrent ainsi retenus à bord contre leur gré. Parmi eux se trouvaient six hommes, dix-neuf femmes et un enfant.

Les témoignages indiquent toutefois que le nombre de captifs diminua rapidement : une femme, apercevant le navire s’éloigner de sa terre natale, se jeta par-dessus bord et regagna la rive à la nage. Par ailleurs, six femmes plus âgées furent débarquées à Moorea, mais la majorité des Tahitiens resta avec Christian et ses hommes.

  • Sept hommes (y compris Christian) cherchaient un refuge loin de Tahiti.
  • Seize membres de l’équipage décidèrent de rester sur l’île.
  • Plusieurs Tahitiens furent transportés contre leur volonté lors du départ nocturne.

Cette étape de la mutinerie sur le Bounty illustre la nature désordonnée et moralement ambiguë des décisions prises après le soulèvement, et prépare le terrain pour la suite des événements qui mèneront à des conséquences dramatiques pour l’équipage et les insulaires.

Le Bounty fut incendié

Île Pitcairn, mutinerie sur le HMS Bounty

Poursuivant leur fuite après la mutinerie sur le Bounty, les mutins et les Tahitiens à bord cherchèrent un lieu isolé pour s’installer. Ils parcoururent les environs des îles Cook, de Tonga et de l’est des Fidji pendant plusieurs mois, tentant de dénicher un refuge sûr et éloigné.

À court d’options, Fletcher Christian consulta les récits consignés par William Bligh et tomba sur une mention de Philip Carteret : en 1767, celui-ci avait repéré une île qu’il nomma Pitcairn. Comme James Cook n’avait pas réussi à localiser l’île lors de deux voyages, Christian en déduisit que la longitude avait été mal reportée.

En se plaçant sur la bonne latitude et en avançant vers l’est, ils découvrirent finalement Pitcairn en janvier 1790. Le mauvais temps retardant d’abord tout débarquement, l’équipage put toutefois aborder quelques jours plus tard et constata que l’île correspondait exactement à ce qu’ils cherchaient : isolée, inhabitée et au climat clémente.

  • Ils déchargèrent sur la côte tous les objets de valeur et les approvisionnements du navire.
  • Le Bounty fut ensuite délibérément échoué dans l’anse qui deviendra plus tard Bounty Bay.
  • Environ une semaine après l’échouage, le navire fut incendié — un geste attribué par certains récits à Matthew Quintal, l’un des mutins, apparemment sans consultation collective.

Ce geste scella la rupture avec le passé : ni Christian, ni les mutins, ni les Tahitiens ne revinrent chez eux. Le brûlement du Bounty marqua la fin de leur ancien monde et le début d’une existence isolée sur Pitcairn.

Pitcairn fut aussi un désastre

Mutinerie sur le Bounty

Poursuivant le récit de la mutinerie sur le Bounty, les mutins se répartirent les terres de l’île et bâtirent leurs maisons à l’abri d’écrans de végétation, pour échapper aux regards des navires de passage. Fletcher Christian, qui avait épousé Maimiti à Tahiti, vit chaque membre de l’équipage se lier à une femme tahitienne.

Les six hommes tahitiens se retrouvèrent en position d’asservissement et des conflits apparurent rapidement autour des trois femmes restantes. La situation dégénéra lorsque deux des compagnes des mutins moururent : chaque homme revendiqua alors une nouvelle partenaire, ce qui envenima encore les tensions.

Deux des hommes tahitiens conçurent un complot visant à éliminer les mutins, mais l’un des projets fut trahi par une femme. Les conspirateurs furent eux-mêmes exécutés, marquant le début d’une spirale de violences qui allait secouer la communauté naissante.

En 1793, quatre autres hommes tahitiens menèrent une rébellion plus vaste : Fletcher Christian et quatre mutins furent abattus. La tuerie acheva de désorganiser la petite colonie, et les survivants — désormais en plus petit nombre — se retrouvèrent entraînés dans une succession de vengeances sanglantes.

  • Des querelles entre Tahitiens et mutins conduisirent à plusieurs meurtres successifs : un homme tua un autre, fut lui-même abattu par les mutins, puis un troisième rebelle fut assassiné.
  • Le dernier des hommes rebelles fut finalement abattu par l’une des femmes de l’île.

La communauté connut ensuite une brève accalmie, rompue à nouveau en 1799 : William McCoy se suicida, tandis que Matthew Quintal, dont les menaces s’étaient accrues, fut assassiné par Edward Young. Ce dernier succomba l’année suivante à une crise d’asthme.

Au terme de ces années tragiques, John Adams (connu aussi sous le nom d’Alexander Smith) resta seul, entouré des femmes tahitiennes et des enfants — vestiges humains et émotionnels de la mutinerie sur le Bounty. Ces événements transformèrent profondément la société insulaire et préparèrent le terrain pour la suite de son histoire.

Après la mutinerie, le périple de Bligh vers la terre ferme frôla l’extrême

William Bligh, Mutiny on the HMS Bounty

Suite à la mutinerie sur le Bounty, William Bligh, malgré sa réputation difficile comme supérieur, fit preuve d’une grande compétence maritime. Déterminé à ramener son équipage fidèle en sécurité, il entreprit de diriger une embarcation de 23 pieds, surchargée, vers un port sûr — un défi colossal dans le contexte de la mutinerie sur le Bounty.

Ils n’avaient de vivres que pour cinq jours et s’arrêtèrent d’abord à Tofua pour se réapprovisionner. D’après le récit de Bligh (Bligh’s account), environ 200 insulaires attaquèrent les loyalistes, qui durent s’enfuir. Lors de la fuite, des habitants saisissant la corde du bateau poussèrent John Norton à plonger pour libérer l’embarcation ; Norton parvint à dégager le bateau mais fut ensuite battu à mort avec des pierres (Finding Dulcinea, archive).

Après cet épisode, Bligh choisit de mettre le cap directement sur Timor, à plus de 3 600 milles nautiques. Selon des sources historiques comme le Queensland Museum, la traversée fut éprouvante : mers démontées, froid pénétrant et vivres imbibés d’eau salée mirent à mal le moral et la santé des hommes.

Ils poursuivirent ainsi pendant environ un mois jusqu’à atteindre la côte australienne, où ils purent temporairement se ravitailler en eau et en nourriture fraîche. Cette répit fut de courte durée : menacés à nouveau d’une attaque locale, ils durent reprendre la mer presque aussitôt.

  • Durée du voyage après la mutinerie : 48 jours avant d’atteindre Timor.
  • Distance parcourue vers Timor : plus de 3 600 milles.
  • Consommation estimée par homme : environ 345 calories par jour pendant plusieurs semaines.
  • Perte de poids moyenne : près de 20 kg (environ 45 livres) par loyaliste.

Ce périple, au cœur de la mutinerie sur le Bounty, demeure un exemple extrême de survie en mer et illustre combien les décisions humaines, les conditions naturelles et les rencontres avec les populations locales ont façonné le destin de ces hommes.

Crédit image : Alexander Huey / Wikimedia Commons

La traque des mutins tourne elle-même au désastre

Mutinerie sur le HMS Bounty

Poursuivant la mutinerie sur le Bounty, William Bligh regagna l’Angleterre en mars 1790 et dut immédiatement comparaître devant une cour martiale pour la perte du navire. Il fut finalement déclaré innocent, acclamé comme un héros et obtint rapidement un nouveau commandement. Ironiquement, sa carrière serait marquée par d’autres soulèvements à son encontre.

L’été suivant, le navire Pandora, commandé par Edward Edwards, prit la mer pour capturer les mutins. Arrivé à Tahiti en mars 1791, l’équipage vit trois mutins, prenant la mer par nostalgie pour l’Angleterre, nager jusqu’au vaisseau pour se rendre volontairement. Malgré leur reddition, ils furent enchaînés, et c’est d’eux que le capitaine Edwards apprit le départ de Fletcher Christian ainsi que le meurtre de deux mutins restés sur l’île.

  • Dix jours après l’arrivée, les 11 mutins encore présents à Tahiti furent embarqués.
  • Ils furent enfermés dans une cellule spéciale à bord, surnommée « la boîte de Pandora ».
  • La capture sur place sembla rapide, mais n’allait pas tenir ses promesses.

Après ce rassemblement apparemment facile à Tahiti, le Pandora passa plusieurs mois à fouiller des îles en quête de Christian et de ses hommes, sans succès. Ce n’est qu’après la découverte de mâts de rechange provenant du Bounty près de l’île Palmerston qu’une piste fut suivie, mais la recherche se solda par de lourdes pertes : cinq hommes et un canot perdus dans une tempête. Un mois plus tard, une autre goélette fut perdue à Tofua, et face aux ravages du voyage, Edwards renonça finalement et prit la route du retour vers l’Angleterre.

Cette expédition manquée, marquée par des captures hâtives puis des pertes tragiques, illustre à la fois la détermination des autorités et les aléas mortels des missions en haute mer, thèmes que la suite de l’histoire éclairera davantage.

Le naufrage de la Pandora

Mutiny on the HMS Bounty, sinking

Peter Heywood / Wikimedia Commons

Poursuivant le récit de la mutinerie sur le Bounty, la Pandora arriva fin août 1791 près de la Grande Barrière de Corail. Alors que le soleil déclinait, le capitaine Edwards fit cap vers ce qui semblait être une ouverture franchissable dans la barrière ; en réalité ce ne l’était pas.

Vers 19h20, la Pandora s’échoua. La marée la libéra autour de minuit et le navire jeta l’ancre pour évaluer l’étendue des dégâts. Le bordé était criblé d’entailles : l’eau s’engouffrait, et l’équipage travailla frénétiquement aux pompes.

Dans l’urgence, trois mutins furent provisoirement libérés de leurs fers pour prêter main-forte ; deux d’entre eux périrent tragiquement, écrasés par une passerelle qui s’effondra. Lorsque l’une des pompes céda, l’espoir s’amenuisa et le capitaine ordonna l’abandon du navire ainsi que la remise en liberté des prisonniers restants.

Tandis qu’un membre d’équipage retirait les fers aux détenus, la Pandora coula plus rapidement qu’on ne l’aurait cru. Deux mutins finirent par sombrer avec elle, et les autres se précipitèrent dans les canots de sauvetage, à l’exception de 31 membres de l’équipage et de quatre mutins qui ne furent pas sauvés.

De retour en Angleterre en mars 1792, les dix mutins survivants furent jugés lors d’une cour martiale. Les décisions rendues furent variées :

  • Quatre furent acquittés au motif qu’ils avaient été maintenus à bord du Bounty contre leur gré (certains témoins attestèrent en leur faveur).
  • Trois reçurent une grâce.
  • Trois furent condamnés à mort et exécutés — pendus, sous la pluie, depuis la vergue d’un navire.

Ces événements illustrent la brutalité et l’incertitude des jugements rendus après la mutinerie sur le Bounty, et préparent le terrain pour l’examen des répercussions humaines et politiques qui suivirent.

Les descendants du Bounty vivent encore à Pitcairn

Adamstown Pitcairn Island, Mutiny on the HMS Bounty

Pour prolonger le récit de la mutinerie sur le Bounty, il convient de suivre le destin des hommes et des femmes qui firent de Pitcairn leur refuge. En 1808, un navire baleinier américain aperçut sur l’île la fumée d’un feu de cuisine : la première indication qu’une communauté y avait pris racine.

Le commandant qui aborda fut accueilli par John Adams, devenu le chef d’un petit groupe composé des Tahitiens restants et de leurs enfants. Adams montra le chronomètre du Bounty comme preuve de leur origine et raconta comment ils avaient accosté sur l’île. Bien que l’Angleterre lui ait accordé l’amnistie en 1825, il choisit de rester à Pitcairn jusqu’à sa mort quelques années plus tard.

Aujourd’hui, l’île est toujours habitée par une poignée de personnes, presque toutes issues des mutins et des Tahitiens qui les accompagnaient. Quelques caractéristiques marquent cette communauté :

  • une population très réduite, estimée à une cinquantaine d’habitants ;
  • une langue locale résultant du mélange du tahitien et de l’anglais ;
  • une culture façonnée par l’isolement et l’héritage de la mutinerie.

Malgré son isolement, Pitcairn a connu des épisodes tragiques qui ont projeté son nom sur la scène internationale. En 2004, plusieurs hommes de l’île, dont le maire — descendant direct de Fletcher Christian — furent poursuivis pour des infractions sexuelles impliquant des mineures, ajoutant une page sombre à l’histoire déjà complexe des descendants des mutins.

Ainsi, la présence continue d’une communauté à Pitcairn prolonge la mémoire vivante de la mutinerie sur le Bounty : un récit où l’héritage familial, le métissage linguistique et les tensions sociales se combinent pour offrir une perspective unique sur les conséquences à long terme de cet épisode maritime.

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