Les Radium Girls et autres décès tragiques causés par la radiation

par Zoé
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Les Radium Girls et autres décès tragiques causés par la radiation
États-Unis, Japon, France, Russie, Palestine, Mexique

Les victimes méconnues de l’énergie radioactive

Cinq des Radium Girls après le règlement de leur procès en 1928

Si les noms d’Hiroshima ou de Tchernobyl évoquent immédiatement la mort par radiation, de nombreuses histoires tragiques restent moins connues. Les récits de décès radiation radium girls et d’autres victimes à plus petite échelle montrent que l’exposition mortelle n’a pas toujours pris la forme d’une catastrophe médiatisée.

Ces drames prennent des visages variés et souvent surprenants :

  • Accidents dans des laboratoires nucléaires, où des scientifiques ont été exposés à des doses écrasantes et irréversibles.
  • Ateliers d’horlogerie et usines, dont les ouvrières manipulaient du radium au quotidien et ont été victimes d’une lente agonie causée par l’irradiation.
  • Affaires d’espionnage et empoisonnements radioactifs, qui ont parfois confirmé les clichés cinématographiques d’assassinats par substance radioactive.

Au-delà des circonstances, ces histoires illustrent une leçon récurrente : la combinaison de l’orgueil humain et d’une technologie mal maîtrisée peut engendrer une souffrance immense. Chaque cas est à la fois une tragédie humaine et un avertissement sur les risques de jouer avec une puissance aussi destructrice.

En poursuivant la lecture, on découvrira comment ces épisodes, souvent passés sous silence, s’inscrivent dans une histoire plus large des usages et des abus de l’énergie atomique.

Les Radium Girls

Radium Girls travaillant dans une usine d'horlogerie

Wikimedia Commons

Poursuivant l’histoire des victimes de l’ère atomique, l’affaire des Radium Girls illustre tragiquement les conséquences du manque de connaissances et de la désinformation industrielle. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la société U.S. Radium Corporation utilisa une peinture au radium luminescente pour rendre lisibles les cadrans de montres et les instruments d’avion la nuit. Les ouvrières, souvent très jeunes, devaient peindre des chiffres extrêmement fins et humidifiaient leurs pinceaux avec la langue pour obtenir la pointe nécessaire — s’exposant ainsi quotidiennement à l’ingestion de radium, malgré les assurances de leur employeur que le procédé était sans danger.

Les effets furent progressifs et dévastateurs : perte des dents, atteintes osseuses et une dégradation caractéristique de la mâchoire connue sous le nom de « radium jaw ». Mollie Maggia fut la première à succomber en 1922 ; en l’espace de quelques années, le bilan s’alourdit et, vers 1927, plus de cinquante ouvrières étaient décédées. Ce cas est devenu l’un des exemples les plus frappants de décès radiation radium girls dans l’histoire industrielle américaine.

Les investigations médicales permirent de relier ces morts à l’empoisonnement radioactif. Le pathologiste Harrison Martland mit au point un test capable de mesurer le radium interne chez les travailleuses, établissant ainsi un lien scientifique entre leur état et l’exposition. Sur le plan juridique, cinq des ouvrières intentèrent un procès contre U.S. Radium ; les sommes finalement reçues, d’environ 10 000 dollars chacune, furent dérisoires au regard des dommages subis.

  • Origine du procédé : peinture au radium pour cadrans et instruments militaires.
  • Pratiques dangereuses : humidification des pinceaux avec la langue entraînant ingestion quotidienne de radium.
  • Conséquences médicales : perte dentaire, atteintes osseuses, « radium jaw » et décès.
  • Suite judiciaire et reconnaissance scientifique : test de Harrison Martland et actions en justice avec indemnités modestes.

Les récits et enquêtes publiés au fil du temps ont ravivé l’attention portée à ces victimes : un livre paru en 2017 a minutieusement documenté ces drames, et une adaptation cinématographique de 2018 a contribué à redonner visage et voix aux ouvrières. Cette affaire demeure un épisode marquant de l’histoire industrielle où l’ignorance des risques et la priorité donnée au profit ont conduit à des tragédies humaines.

Le Dr Sabin Arnold von Sochocky

Publicité pour montres illuminées au radium

Poursuivant le fil des victimes du radium, le scientifique à l’origine de la formule, le Dr Sabin Arnold von Sochocky, finit lui aussi par succomber aux effets terrifiants de la substance qu’il avait promue. Convaincu que le radium constituerait “l’éclairage de l’avenir”, il écrivait en 1926 dans un texte intitulé The Wonders of Radium que l’on verrait bientôt des pièces éclairées entièrement au radium.

Directeur au sein de la société qui produisait la peinture phosphorescente, il estimait que le radium ingéré par les peintres de cadrans finirait par se dissiper. La réalité fut cruelle : après des années d’exposition et d’inhalation du produit, il développa une aplasie médullaire (incapacité de l’organisme à fabriquer de nouveaux globules sanguins).

  • Conséquences physiques : nécrose radique des tissus — on rapporte «ses dents de devant disparues et ses doigts, jusqu’à la deuxième phalange, noirs».
  • Tentatives médicales : plus d’une douzaine de transfusions furent effectuées sans succès.
  • Décès : il mourut en 1928, chez lui dans le New Jersey ; la presse le compta alors comme la septième victime connue de la peinture phosphorescente qu’il avait contribué à créer.

Pour des détails et sources contemporaines, voir les notices et archives disponibles, notamment les descriptions biographiques et les articles de presse de l’époque (Find a Grave, compte rendu de presse via Press of Atlantic City).

Ce décès illustre, aux côtés des Radium Girls, l’ampleur humaine des décès radiation radium girls et la tragédie liée à l’essor prématuré d’une «révolution» technologique insuffisamment comprise.

Hisashi Ouchi

Tōkai Nuclear Power Plant
Wikimedia Commons

Poursuivant le récit des décès liés à l’exposition radioactive, le cas d’Hisashi Ouchi reste l’un des plus effroyables. Ouvrier dans une usine de traitement de l’uranium à Tokaimura (Japon), il fut l’une des 49 personnes exposées lors de ce qui fut, le 30 septembre 1999, l’accident nucléaire le plus grave du pays à l’époque.

La gravité de l’exposition d’Ouchi est difficile à mesurer : alors que 7 sieverts suffisent généralement à provoquer la mort, il reçut environ 17 sieverts — davantage que n’importe quelle autre victime sur le site et plus que ce qui avait été documenté auparavant. Ce chiffre place son histoire parmi les récits les plus tragiques de décès par radiation et rappelle la vulnérabilité humaine face aux erreurs industrielles.

  • Date : 30 septembre 1999
  • Lieu : Tokaimura, Japon
  • Dose estimée : ~17 sieverts
  • Durée d’exposition : émission de radiation pendant près de 20 heures
  • Décès : 21 décembre 1999

L’accident survint lorsque des opérateurs, au lieu d’utiliser le procédé habituel basé sur des pompes pour mélanger 2,4 kg d’uranium enrichi, travaillèrent manuellement 16 kg dans un seau en acier inoxydable. Penché au-dessus du réservoir sans protection adéquate, Ouchi fut témoin d’un éclair bleu de rayonnement de Tcherenkov — signal d’une réaction en chaîne —, puis d’une émission continue de radiation pendant près de vingt heures (voir compte rendu médical détaillé).

Transporté dans un centre spécialisé, ses analyses révélèrent une destruction quasi totale des globules blancs. Malgré de multiples transfusions et une greffe de cellules souches, son état se détériora inexorablement. Pendant les 83 jours de son agonie, il souffrit de symptômes proches de l’horreur : hémorragies, détérioration cutanée et souffrances extrêmes, jusqu’à son décès le 21 décembre 1999.

Ce drame illustre non seulement les conséquences immédiates d’une dose massive de radiation, mais aussi les limites des soins médicaux face à des expositions extrêmes. La mémoire d’Hisashi Ouchi demeure un avertissement puissant dans l’histoire des accidents nucléaires.

Eben Byers

Portrait historique d'Eben Byers

Poursuivant la série de drames liés aux usages précoces de la radioactivité, l’affaire d’Eben Byers illustre à quel point la confiance aveugle dans des «remèdes» radioactifs a pu se révéler mortelle.

Au début du XXe siècle, de nombreux médecins présentaient la découverte des éléments radioactifs comme une panacée capable de soigner toutes sortes de maux. Parmi les victimes de ces promesses figurait Eben Byers, ancien champion de golf. Blessé au bras en 1927, il se vit prescrire par le Dr C. C. Moyar un remède commercial appelé Radithor, composé d’eau distillée additionnée de radium et de mésothorium.

Convaincu d’en ressentir les effets «revigorants», Byers en fit largement usage : il en offrait à ses amis, en donnait à ses chevaux de course, et en buvait lui‑même jusqu’à trois bouteilles par jour pendant deux ans. Il pensait également que la boisson restaurait sa virilité et la partagea avec ses compagnes.

La détérioration fut rapide : en 1930 Byers commença par perdre ses dents. Très vite, l’atteinte devint systémique — il perdit la majeure partie de sa mâchoire inférieure puis la totalité de la mâchoire supérieure, ses os se décalcifièrent et une perforation se forma même au niveau du crâne. La Federal Trade Commission engagea une procédure contre Bailey Radium Laboratories, fabricant du Radithor.

Malgré les déclarations défensives du Dr Moyar — qui affirmait boire lui‑même le produit — Bailey Radium Laboratories reçut l’ordre de cesser ses activités pour ce produit en décembre 1931. Trop tard pour Byers : il succomba aux conséquences quelques mois plus tard, en 1932.

  • Produit : Radithor — eau distillée contenant du radium et du mésothorium.
  • Consommation : environ trois bouteilles par jour pendant deux ans.
  • Effets physiques : perte des dents, destruction des mâchoires, décalcification osseuse, perforation du crâne.
  • Conséquence juridique : action de la Federal Trade Commission contre le fabricant ; ordre de cessation en décembre 1931.

Ce chapitre illustre un épisode parmi les décès radiation radium girls qui ont marqué l’histoire et a contribué à alerter l’opinion publique sur les dangers des remèdes radioactifs.

Source de l’image : Wikimedia Commons

Harry Daghlian

Physicien nucléaire Harry Daghlian (à droite)

Dans le récit des décès liés à la radiation — des Radium Girls aux accidents de laboratoire — la mort d’Harry Daghlian reste l’une des plus frappantes. Physicien du projet Manhattan, Daghlian mourut après une exposition aiguë lors d’une expérience sur un noyau de plutonium qui devint brièvement supercritique.

L’accident eut lieu alors qu’il érigeait une “déflectrice” en blocs de carbure de tungstène autour d’une sphère de plutonium destinée à étudier les conditions de criticité. En laissant tomber par inadvertance un bloc sur le cœur, il provoqua une augmentation soudaine de la réaction en chaîne, s’exposant à un flux intense de radiation.

En tentant d’éloigner la brique tombée, Daghlian reçut une seconde dose. Plusieurs facteurs aggravèrent l’accident :

  • Il travaillait seul, en violation des protocoles de sécurité alors en vigueur.
  • La configuration du dispositif — plus tard connue sous le surnom de “Demon Core” — favorisait une montée rapide vers l’état supercritique.
  • Les secours sur place ne purent que limiter les dégâts ; l’exposition avait déjà été mortelle.

Malgré des soins d’urgence, Daghlian sombra dans le coma et décéda le 15 septembre 1945, vingt-cinq jours après l’accident. Son décès fut le premier cas documenté de mortalité due à un empoisonnement par radiation en laboratoire et entraîna des changements immédiats dans les procédures : à l’avenir, la présence d’au moins deux personnes devint obligatoire lors d’expérimentations à risque.

Cette tragédie illustre combien les incidents de criticité peuvent être fulgurants et mortels, et elle marque un tournant dans l’évolution des règles de sécurité nucléaire.

Wikimedia Commons

Louis Slotin

Le scientifique de Los Alamos Louis Slotin

Poursuivant les travaux du projet Manhattan après la guerre, Louis Slotin fut chargé d’assembler le cœur des premières bombes atomiques. Sa tâche la plus périlleuse consistait à disposer deux hémisphères de béryllium autour du noyau pour surveiller le taux de criticité — une procédure risquée surnommée « tickling the dragon’s tail » (titiller la queue du dragon).

Lors d’une expérience en mai 1946, Slotin utilisait un tournevis pour empêcher les hémisphères de se refermer. L’outil glissa : les deux moitiés se fermèrent, provoquant une intense émission de rayonnement accompagnée d’une flash bleuâtre. Slotin rompit immédiatement l’assemblage pour arrêter la réaction, mais il avait déjà reçu une dose extrêmement élevée.

  • Date : mai 1946.
  • Dose estimée reçue par Slotin : 2 100 rem (unité mesurant les dommages biologiques causés par la radiation).
  • Référence de létalité : environ 500 rem est généralement considéré comme mortel.

Bien qu’il ait protégé ses collègues de l’exposition et ait été salué pour cet acte, Slotin succomba aux blessures causées par la radiation neuf jours plus tard. Son décès, le deuxième attribué à l’empoisonnement radiologique au sein du projet Manhattan, entraîna des révisions et un renforcement des protocoles de sécurité dans les laboratoires nucléaires.

Cette tragédie illustre — dans le sillage des récits de décès par radiation — les dangers extrêmes affrontés par les pionniers de l’ère atomique et l’évolution des mesures de protection qui en ont découlé.

Marie Curie

Marie Curie avec ses filles

Pour prolonger la réflexion sur les victimes de la radiation, l’histoire de Marie Curie occupe une place centrale. Figure la plus emblématique des recherches sur la radioactivité, elle a accepté de mettre sa propre vie en jeu pour faire progresser la connaissance humaine.

Curie a choisi la radioactivité comme thème de thèse et a montré que l’uranium n’était pas le seul responsable de l’activité observée dans certains minerais. Elle et son mari Pierre ont isolé le polonium, substance beaucoup plus radioactive que l’uranium, puis découvert le radium, élément désormais indissociable de son nom.

  • Identification du polonium — environ 400 fois plus radioactif que l’uranium.
  • Découverte du radium, qui a profondément marqué la recherche en chimie et en physique nucléaire.
  • Récompensée par deux prix Nobel pour ses contributions scientifiques.

L’exposition répétée de Curie à des matériaux toxiques a entraîné des épisodes récurrents d’empoisonnement par radiation. Elle est morte en 1934 d’une anémie aplastique, probablement liée à ces expositions. Même ses papiers conservent un degré de radioactivité tel qu’ils doivent être conservés dans des boîtes en plomb, rappel tangible de l’héritage matériel et dangereux de ses recherches.

Dans le panorama des décès liés à la radiation — des Radium Girls aux victimes contemporaines — le parcours de Curie reste particulièrement symbolique, mêlant découverte scientifique, sacrifice personnel et conséquences durables.

Alexander Litvinenko

Alexander Litvinenko dans son lit d'hôpital

Dans la lignée des récits de victimes de la radioactivité, cet épisode mêle espionnage, vengeance et science mortelle. Lorsque l’ancien agent du KGB et militant des droits de l’homme Alexander Litvinenko est mort d’un empoisonnement radiologique en 2006, la frontière entre fiction et réalité s’est estompée.

On pense qu’une tasse de thé contaminée au polonium‑210 a provoqué son déclin. Peu après une rencontre au Millennium Hotel de Londres avec deux anciens agents, Litvinenko est tombé gravement malade et a été admis au Barnet General Hospital, où son état s’est rapidement détérioré.

Pendant son traitement, il a expliqué qu’il enquêtait sur la mort de la journaliste russe Anna Politkovskaïa et qu’il était un critique du régime de Vladimir Poutine. Ces éléments ont conduit certains à relier son empoisonnement au Kremlin — une conclusion que la Cour européenne des droits de l’homme a ensuite considérée comme fondée.

Fidèle à sa formation de renseignement, Litvinenko a largement contribué, de son vivant, à reconstituer les événements ayant précédé l’empoisonnement. Il est décédé le 23 novembre 2006, laissant derrière lui une enquête internationale et un avertissement glaçant sur les usages létaux des substances radioactives.

  • Agent impliqué : ancien du KGB, supposés liens avec le MI6.
  • Agent contaminant suspecté : polonium‑210, ingéré via une boisson.
  • Conséquences légales : la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu l’implication de services étatiques.

Dans la sombre lignée des décès radiation radium girls, l’affaire Litvinenko illustre combien la radioactivité peut devenir un instrument de mort discret et durable, mêlant science, politique et justice.

Douglas Crofut

Radiographie similaire à celle utilisée par Crofut

Wikimedia Commons

Dans la continuité des récits sur les victimes de radiations, l’affaire de Douglas Crofut illustre combien l’ignorance, l’alcool et l’absence de précautions peuvent transformer des appareils professionnels en instruments mortels.

  • Profession : radiographe industriel employé sur des chantiers pétroliers.
  • Matériaux impliqués : sources radioactives d’iridium ou de cobalt contenues dans des appareils d’inspection par rayons X.
  • Contexte : soupçonné de vol d’un appareil de radiographie en décembre 1980 ; l’appareil est rendu anonymement le 5 janvier 1981.
  • Conséquences : admission à l’hôpital deux semaines après avec de graves brûlures radioactives ; décès en juillet 1981 après six mois de traitement.

Crofut, technicien chargé d’évaluer des soudures par radiographie, manipulait des appareils renfermant des capsules fortement radioactives. Habitué à l’alcool et déjà connu des services de police — seize arrestations à son actif — il apparaît que son comportement imprudent, combiné à un manque flagrant de sécurité, a conduit à l’exposition prolongée.

Les médecins ont noté des brûlures localisées dont la disposition laissait penser qu’il transportait une capsule radioactive dans la poche de sa chemise. Au fil des mois, les tissus cutanés se sont nécrosés et la radioactivité a atteint les organes, provoquant des douleurs extrêmes et une détérioration progressive de son état.

La mort de Crofut fin juillet 1981 fut qualifiée de premier décès par empoisonnement radiologique aux États-Unis depuis le projet Manhattan près de quarante ans plus tôt. Cette tragédie s’ajoute à la liste des décès radiation radium girls et autres cas qui rappellent l’importance cruciale des protocoles de sécurité et du respect des règles de manipulation des sources radioactives.

Yasser Arafat

portrait de Yasser Arafat

Parmi les très rares personnalités dont la mort a été soupçonnée d’être liée à une intoxication radioactive figure le dirigeant palestinien Yasser Arafat. En 2004, une maladie soudaine provoquant d’importantes douleurs intestinales et une défaillance organique conduisit à son décès à l’hôpital de Percy, près de Paris.

Les autorités n’ayant pas établi de cause déterminante à l’époque, le décès fut officiellement attribué à un accident vasculaire massif et aucune autopsie n’avait été pratiquée. Des années plus tard, des analyses ont toutefois relancé les interrogations autour d’un possible empoisonnement au polonium-210.

En 2011, des spécialistes médico-légaux identifièrent des traces de polonium-210 sur des effets personnels d’Arafat (ScienceDirect), et son corps fut exhumé en 2012 pour des expertises complémentaires.

  • Les analyses ont révélé des activités de 210Po et de 210Pb sensiblement supérieures aux valeurs de référence, parfois jusqu’à 20 fois plus, dans des prélèvements osseux (côtes, crête iliaque, sternum).
  • Des concentrations anormalement élevées ont également été mesurées dans le sol du lieu d’inhumation, jusqu’à environ 18 fois la normale.

À la suite de ces résultats, l’épouse d’Arafat qualifia la mort de son mari d’assassinat. Des médecins ont toutefois souligné certaines divergences avec les symptômes classiques d’une intoxication au polonium, notamment l’absence d’alopécie chez le patient.

Bien que l’hypothèse d’un empoisonnement n’ait jamais été établie de façon irréfutable, ce dossier reste l’un des cas les plus controversés et médiatisés parmi les récits de décès par radiation, rappelant la complexité des enquêtes médico-légales sur les toxines radioactives et leur place dans l’histoire des « décès radiation radium girls ».

Cecil Kelley

Cuve où l'accident de Cecil Kelley a eu lieu

Wikimedia Commons

Dans un autre épisode tragique lié aux dangers de la radioactivité, en 1958 l’opérateur chimiste de Los Alamos, Cecil Kelley, manipulait une cuve de produits dangereux contenant des résidus de plutonium. Alors que ses collègues se trouvaient à l’extérieur de la salle, ils aperçurent un flash bleu ; quelques instants plus tard, Kelley réapparut, hébété et criant que sa peau brûlait.

La durée d’exposition ? À peine 200 microsecondes. Pourtant ce laps de temps suffit à lui faire perdre la coordination musculaire et à provoquer une sensation de chair en feu. Les témoins crurent d’abord à un accident chimique : Kelley fut conduit à la douche et pris en charge par le personnel médical en quelques minutes. Ce n’est que lorsque l’équipe de surveillance enregistra des lectures gamma élevées dans la salle des cuves que la vraie nature de l’événement fut découverte.

La détérioration fut rapide et inexorable. Les examens montrèrent une dose combinée de neutrons et de rayons gamma d’environ 3 600 rad, soit plus de trois fois la limite d’exposition fatale couramment évoquée de 1 000 rad. D’autres rapports estiment que le cœur aurait reçu une dose proche de 12 000 rad.

  • 6 heures après l’accident : disparition des lymphocytes dans le sang.
  • 24 heures : la moelle osseuse cesse de produire des cellules sanguines.
  • Environ 35 heures après l’incident : décès de Cecil Kelley.

Les analyses pratiquées sur son corps après la mort marquèrent le point de départ du programme d’analyse des tissus humains mené à Los Alamos, destiné à mieux comprendre les effets biologiques des expositions intenses aux radiations.

Le garçon de Mexico

capsule radioactive dans une bouteille

Dans un autre épisode tragique lié aux radiations, survenu en 1962, un jeune garçon de Mexico a ramené chez lui une capsule radioactive dont il ignorait la nature et les conséquences. En l’espace de quelques jours, ce geste anodin est devenu le point de départ d’un drame familial aux répercussions meurtrières.

Les circonstances exactes de la découverte de la capsule et la manière dont elle a été séparée de son blindage en plomb restent floues. Le garçon a gardé la capsule non protégée dans sa poche pendant plusieurs jours avant que sa mère ne la découvre et la place dans la cuisine. Bien que la mère ait observé que les verres de la famille noircissaient, elle n’avait aucun moyen de savoir que c’était un signe de contamination radioactive.

  • La capsule contenait du cobalt‑60, d’une activité de 5 curies (5 Ci), un isotope employé en radiologie.
  • Le garçon a ramené la capsule en mars ; elle n’a été retirée du domicile qu’au 22 juillet.
  • Entre ces dates, deux membres de la famille étaient déjà décédés, dont le garçon lui‑même.
  • Le 13 août, l’hypothèse d’un empoisonnement par radiation a finalement été évoquée.
  • Au 15 octobre, deux autres membres de la famille avaient succombé, rendant difficile la reconstitution précise des expositions individuelles.

La lenteur de la détection et la méconnaissance des signes ont rendu extrêmement complexe l’évaluation de qui avait été exposé, et dans quelle mesure. Cet épisode illustre, à l’instar des décès radiation radium girls, combien les risques radiologiques peuvent être insidieux et dévastateurs pour des familles non averties.

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