Le groupe The Bobby Fuller Four est principalement connu pour un seul titre, mais quel titre ! Leur version de « I Fought the Law », initialement interprétée par les Crickets, a inspiré de nombreuses reprises au fil des décennies, notamment par des figures emblématiques du punk comme The Clash et Dead Kennedys, ce dernier proposant une adaptation aux paroles plus acerbes et sarcastiques. Ce n’est pas le seul morceau du groupe qui continue de captiver : leur single « Let Her Dance » sorti en 1965 a même été utilisé lors du générique de fin du film de Wes Anderson, Fantastic Mr. Fox, en 2009. Ce groupe se démarquait également par son attachement aux influences du rock ‘n’ roll américain des années 1950, contrairement à beaucoup de jeunes formations des années 1960 qui s’inspiraient davantage des Beatles et d’autres groupes britanniques.
On peut légitimement penser que Bobby Fuller aurait pu atteindre une plus grande renommée s’il n’était pas décédé à l’âge de seulement 23 ans. Le 18 juillet 1966, son corps sans vie fut découvert dans la voiture de sa mère. Bien que la thèse officielle fût à l’origine celle d’un suicide, de nombreuses interrogations subsistent quant à la possibilité d’un meurtre.
La mort de Bobby Fuller reste aujourd’hui encore l’une des plus grandes énigmes du rock classique. Voici le récit de cette disparition prématurée ainsi qu’un aperçu des différentes théories qui entourent ses circonstances.
Avant sa mort, le groupe The Bobby Fuller Four nourrissait des différends avec leur manager. Originaire d’El Paso, Texas, Bobby Fuller et son groupe éponyme s’installent en Californie en 1964. Ils sont alors signés par Bob Keane, propriétaire du label Del-Fi Records, qui devient leur manager et producteur. Très vite, les Bobby Fuller Four s’imposent comme un groupe redoutable sur scène.
En 1966, leur titre « I Fought the Law » atteint le top 10 du Billboard, mais les tensions grandissent avec Keane. Alors que Fuller et ses compagnons préfèrent rester simples tant sur scène qu’en studio, Keane imagine une série de stratagèmes kitsch pour promouvoir le groupe : participation dans un film de série B à thème plage, un premier album axé exclusivement sur la mode des courses de dragsters de l’époque, et un single sous le pseudonyme « The Shindigs » dans le but d’apparaître dans l’émission télévisée du même nom.
Peu avant la mort de Fuller, Keane conclut un accord de distribution exclusive avec Roulette Records, détenu par Morris Levy, personnage controversé surnommé le « Parrain de l’industrie musicale américaine ». Dans ce cadre, le groupe devait sortir « The Magic Touch », un single influencé par la soul, tentant de surfer sur la popularité du style Motown.
Le matin du 18 juillet 1966, Fuller quitte son appartement d’Hollywood au volant de la Oldsmobile de sa mère après avoir reçu un appel. L’après-midi même, il est retrouvé mort sur le siège avant de la voiture, stationnée sur un parking proche de son domicile. On l’aurait aperçu tenant un tuyau en plastique relié à un bidon d’essence, ce qui a rapidement conduit les autorités à conclure à un suicide. Le dossier fut clos sans même qu’une enquête approfondie soit lancée ni qu’un témoignage de proches soit recueilli.
Cependant, certains éléments paraissaient incohérents avec la thèse du suicide. Son corps présentait un état avancé de rigidité cadavérique alors que la voiture n’était garée que depuis une trentaine de minutes au moment de sa découverte, suggérant que Fuller pourrait être décédé ailleurs auparavant. Des ecchymoses sur ses bras et son corps laissaient penser qu’il avait pu être battu ou traîné.
L’autopsie n’a pas suffisamment pris en compte ces signes ; le rapport indiquait que les hémorragies relevées pouvaient être dues aux vapeurs de gaz et à la chaleur estivale.
Depuis, diverses théories ont émergé pour tenter d’expliquer cette mort mystérieuse. En octobre 1966, la cause officielle est passée à une « asphyxie accidentelle », mais les zones d’ombre restent nombreuses. Si Fuller est décédé bien avant la découverte de son corps, où est-il mort, et qui a ramené la voiture au parking ? Était-il la cible de personnes souhaitant sa disparition, ou s’agit-il d’un tragique accident ?
Parmi les hypothèses non confirmées, certains suggèrent que son manager Bob Keane aurait pu être impliqué, peut-être pour toucher une importante assurance. Bob Keane avait déjà été manager de deux autres artistes célèbres, Ritchie Valens et Sam Cooke, dont les décès demeurent eux aussi empreints de mystère. D’autres pensent que Fuller est mort suite à une réaction allergique liée à la prise de LSD lors d’une fête, ou qu’il aurait été tué pour avoir eu une liaison avec la compagne d’un propriétaire de boîte de nuit lié à la mafia.
Des théories plus audacieuses ont même tenté de relier la mort de Bobby Fuller à Charles Manson. Un suspect a particulièrement retenu l’attention : Morris Levy, patron de Roulette Records, accusé d’avoir des liens avec la mafia et une réputation violente. Selon le livre I Fought The Law: The Life and Strange Death of Bobby Fuller publié en 2015 par Miriam Linna et Randy Fuller (le frère de Bobby), ce dernier aurait pu être éliminé pour tenter de se défaire d’un accord commercial avec Levy.