Histoire
Poursuivant l’examen des mystères maritimes, l’affaire du SS Cotopaxi éclaire la façon dont mythes et faits se sont enchevêtrés autour du Triangle des Bermudes. Voici un exemple flagrant où la légende a pris le pas sur la réalité, avant qu’une identification scientifique ne restaure le contexte historique.
Le Triangle des Bermudes, cette étendue de mer réputée inquiétante entre la Floride, Porto Rico et les Bermudes, a engendré d’innombrables récits : disparitions de navires et d’avions, transmissions finales mystérieuses, et une profusion d’hypothèses. Parmi les explications proposées figurent :
- l’Atlantide ou une sorte de portail temporel ;
- des interventions extraterrestres ou des phénomènes atmosphériques invisibles ;
- des causes plus terre-à-terre, comme de fortes houles ou des éruptions de méthane sous‑marin ;
- et, pour les plus pragmatiques, la simple statistique : une zone très fréquentée verra proportionnellement plus d’accidents.
Des recherches récentes, rapportées notamment par Live Science, apportent des éléments solides en faveur d’une interprétation non surnaturelle des événements. La découverte et l’identification du SS Cotopaxi illustrent parfaitement ce basculement du mythe vers l’enquête rigoureuse.
Le nom Cotopaxi peut rappeler une scène célèbre du cinéma, où le vapeur disparu est retrouvé au cœur du désert de Gobi dans Close Encounters of the Third Kind. Mais la réalité historique est moins fantaisiste. En février 2020, le biologiste marin Michael Barnette a identifié le « Bear Wreck », un site de plongée au large de St. Augustine — donc bien à l’extérieur du Triangle des Bermudes tel que décrit par la légende — comme étant le véritable SS Cotopaxi.
Déjà suspect depuis plusieurs années, le naufrage a fait l’objet d’un examen approfondi après la découverte d’un navire fantôme par la garde côtière cubaine en 2015, qui avait relancé les spéculations. Barnette, en collaboration avec une équipe historique et audiovisuelle, a passé en revue des documents d’archives, les appels de détresse du Cotopaxi et les indices retrouvés dans l’épave elle‑même.
Les conclusions reposent sur des preuves matérielles et documentaires : caractéristiques du navire, correspondances des signaux de détresse et concordance des éléments trouvés sur le site. Autrement dit, le Cotopaxi s’avère être l’un des nombreux navires dont la disparition a été attribuée au Triangle des Bermudes alors qu’en réalité elle s’est produite hors de cette zone mythifiée.
Cette identification replace l’affaire dans une perspective historique plus rationnelle, et illustre comment l’enquête scientifique peut démêler la part de conte populaire de la réalité maritime.