Évasions de la Guerre froide : incroyables et audacieuses

par Angela
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Évasions de la Guerre froide : incroyables et audacieuses
Allemagne, Autriche, Tchécoslovaquie, Danemark, Australie, Slovaquie, Hongrie

La Guerre froide n’était pas une période propice au divertissement, mais les récits d’évasions vers l’Ouest restent parmi les plus captivants. Le monde de l’Ouest était synonyme de musique rock, de jean et de Coca‑Cola, tandis que l’Est se caractérisait par une architecture grisâtre, une surveillance omniprésente et la menace constante de répression — y compris la torture et l’emprisonnement pour ne pas être assez parmi les bons travailleurs socialistes. Dans l’URSS comme ailleurs, les distributeurs de boissons avaient remplacé le Coca par des machines qui servaient les boissons directement dans un ou deux verres partagés. Ces histoires illustrent l’ingéniosité et le courage de ceux qui, derrière le rideau de fer, cherchaient à changer leur destin.

Une famille a utilisé un char fait maison

Vaclav Uhlík Sr., passé par des camps pendant la Seconde Guerre mondiale, était déterminé à fuir le totalitarisme. Le coup d’État de 1948 en Tchécoslovaquie installa un gouvernement communiste, et Uhlík, mécanicien automobile, eut l’idée de renforcer un vieux véhicule blindé allemand qu’il utilisait pour transporter du bois afin de franchir le grillage frontière. Pendant des années, il renforça le véhicule et peaufinait son plan. Le 25 juillet 1953, chargé de sa femme, de leurs deux enfants et de proches, il écrasa les barbelés et, tous ensemble, parvint en Allemagne de l’Ouest sans blessures.

Un soldat allemand vola un char

Berlin était, après la division, une enclave de l’Ouest entourée par la RDA. En 1963, Wolfgang Engels, soldat est-allemand, déroba un véhicule blindé soviétique et le conduit à travers le mur d’alors. Le véhicule resta bloqué à mi-chemin et Engels, sorti pour s’extraire, se retrouva piégé dans des fils de barbelés. Les gardes est-allemands le tirèrent à deux reprises, mais des buveurs dans un bar voisin aidèrent à le mettre en sécurité malgré le tir croisé des gardes de l’Ouest. Engels survécut et vécut jusqu’à la chute du Mur en 1989.

Des objets creux et détournés

Bien que le Mur de Berlin fût imposant, il restait possible de s’y faufiler par l’extérieur. Des voitures furent équipées de compartiments secrets, certains passagers se glissant à l’intérieur après avoir enlevé les garnitures. L’un d’eux cachait sa petite amie entre deux planches de surf creuses attachées au toit, tandis que l’intérieur d’enceintes et d’un radio pouvaient être vidés puis remplis de réfugiés. L’un des cas les plus inattendus voit une vache artificielle, utilisée à des fins publicitaires, traverser à plusieurs reprises le poste de passage avec des réfugiés cachés dans son ventre.

Un premier détournement d’avion

Le statut de premier détournement d’avion reste débattu, avec plusieurs incidents à la fin des années 1940 et au début des années 1950. Le plan d’un briqueteur hongrois, Frank Iszak, consistant à s’emparer d’un avion en Hongrie et à le ramener vers l’Ouest, figure parmi les épisodes les plus lisibles et inspirants. Le 13 juillet 1956, Iszak, son épouse Anaïs et un groupe d’amis, dont un ancien pilote de chasse, montèrent à bord d’un petit avion en direction de Szombathely. Ils maîtrisèrent l’équipage et un policier secret présent à bord; entre les combats à bord et les secousses, tous furent blessés et l’appareil, avec peu de carburant, dut traverser les Alpes sous des conditions périlleuses et finir par atterrir sur une piste d’une base de l’OTAN en Allemagne de l’Ouest.

Un peu de panache

Les échanges entre les deux Berlins n’étaient pas interdits pour tous; les étrangers pouvaient se déplacer plus librement que les habitants de Berlin-Est. Heinz Meixner, citoyen autrichien et résident de Berlin-Ouest, rencontra Margarete Thurau lors d’un bal et imagina une fuite plus audacieuse. En traversant la frontière, il évalua la hauteur à laquelle les gardes laissent passer les voitures et loua la plus petite et la plus basse des voitures disponibles : une Austin Healey Sprite. Meixner fit semblant d’organiser le trafic jusqu’au passage, et, avec Thurau dissimulée dans le véhicule, ils franchirent la frontière et atteignirent Berlin-Ouest avec élégance.

Un tunnel sous le Mur de Berlin

La traversée par le dessous devint une solution pour ceux qui ne pouvaient pas rouler par-dessus ou par-dessus. Plusieurs tunnels furent creusés sous le Mur pour permettre l’évasion vers l’Ouest. Le plus célèbre est devenu Tunnel 57, par lequel 57 personnes purent sortir de l’Allemagne de l’Est le 3 et 4 octobre 1964. Les ouvriers louèrent une boulangerie abandonnée comme point de départ et un cabinet d’aisances transformé en remise comme arrivée. Le mot de passe était Tokyo, et les évadés passèrent par le tunnel avant que le plan ne soit trahi. La police ouvrit le feu, mais ne tua qu’un seul de ses propres agents; tous les fugitifs atteignirent l’Ouest.

Un petit sous-marin fait maison

Bernd Böttger, doté d’un esprit mécanique précoce, attira l’attention des autorités est-allemandes dès l’adolescence. Alors qu’il construisait une fusée artisanale, il attira la surveillance et fut emmené hors d’un programme d’ingénierie. Il imagina alors un moteur sous-marin à essence qui lui permettait de se déplacer sous les eaux jusqu’à l’Ouest. Le prototype, baptisé Aqua Scooter, fut saisi par les autorités et il en conçut une version plus discrète et efficace. Le 8 septembre 1968, habillé d’une combinaison et doté d’un matelas gonflable comme atelier humide, il s’enrôla dans l’océan Baltique, nagea jusqu’au Danemark et fut repêché par un navire de la garde côtière danoise, qui le déposa ensuite à Lübeck, en Allemagne de l’Ouest, où son appareil suscita l’admiration du public.

Un ballon à air chaud

Günter Wetzel, fasciné par le festival annuel de montgolfières à Albuquerque, décida de fabriquer son propre ballon pour aider sa femme et ses amis à quitter l’Est. Après des années de travail et deux échecs, le projet prit forme. Sans information technique détaillée, Wetzel et ses complices réunirent des matériaux clandestins, cousurent les ballons sur une vieille machine à coudre et renforcèrent les coutures. Le 14 septembre 1979, le troisième ballon fut prêt, et dans les heures qui suivirent, ils gagnèrent les cieux. L’atterrissage les mena en Bavière, en Allemagne de l’Ouest, après quelques péripéties en vol.

Une traversée jusqu’en Australie

Liliana Gasinskaya avait une motivation secrète lorsqu’elle s’est portée candidate pour travailler sur un navire de croisière soviétique reliant l’Australie au Royaume-Uni. Le 15 janvier 1979, alors que le navire approchait de l’Australie, elle enfila un bikini rouge, se glissa par une hublot et plongea à la mer. Après environ quarante minutes, elle parvint au port de Sydney et obtint l’asile en Australie, qui avait abandonné sa politique White Australia en 1975, mais fit encore sensation en raison de son statut et de certains choix publics. Elle devint rapidement une figure médiatique et finit par s’éloigner des feux des projecteurs à la fin des années 1980.

Un avion fait maison

Si l’on croit vraiment en soi, on peut construire un avion. Aux États‑Unis, on peut acheter un kit, mais en Tchécoslovaquie communiste, c’était une autre affaire. Ivo Zdarsky parvint tout de même à réaliser son rêve: un tricycle motorisé équipé d’ailes, suffisant pour quitter le sol tchécoslovaque. Le matin du 4 août 1984, Zdarsky prit son envol depuis un champ en Slovaquie, Vienne apparaissant au loin. Guidé par la Grande Ourse et une boussole simple, il franchit le fleuve Morava et la frontière sans incident. Une fois à Vienne, il prit de l’altitude au‑dessus de la ville, savourant la liberté, avant d’atterrir à l’aéroport international de Vienne. Plus tard, il émigra aux États‑Unis et construisit un autre aéro-trike, poursuivant ses aventures aériennes.

Une tyrolienne vers l’Autriche

La traversée libre entre Tchécoslovaquie et Autriche restait impossible, mais l’électricité franchissait les frontières. Des fils à haute tension reliaient une centrale du sud de la Tchécoslovaquie à des utilisateurs en Autriche; Daniel Pohl et Robert Ospald décidèrent d’en profiter en fabriquant des sièges et en transformant les câbles en tyroliennes, destinées à les hisser en Autriche. Ils se cachèrent deux jours dans un champ de maïs près de la frontière, attendant un orage qui masquerait les bruits. L’orage survint à l’aube du 19 juillet 1986; ils grimpèrent sur les pylônes, fixèrent leurs sièges aux fils les plus hauts et se laissèrent glisser vers l’Autriche. À leur arrivée, les Autrichiens leur offrirent notamment le Coca‑Cola, symbole de l’époque.

Le Pan‑European Picnic

En 1989, les signaux d’un changement politique en Europe de l’Est se faisaient sentir, et des organisateurs à Sopron, en Hongrie, préparèrent un pique‑nique à la frontière avec l’Autriche, ancienne ligne de partage des empires. Des Autrichiens souhaitaient se joindre à la fête et furent invités à traverser. Des Est-Allemands purent se rendre vers leur allié hongrois mais non vers l’Autriche. Le rassemblement attira des centaines d’Est‑Allemands, qui franchirent ensuite la frontière vers l’Autriche; la Hongrie ouvrit ses frontières en septembre, le Mur de Berlin tomba en novembre, et en 2007, Budapest adhéra à la zone de voyage à visa unique de l’Union européenne, rendant la frontière quasi symbolique.

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