Sommaire
Avant la Révolution et la mutation du système carcéral

Pour situer cette période, il faut revenir avant la guerre d’indépendance (1775–1783) : le système judiciaire alors en vigueur aux futurs États-Unis privilégiait moins la réforme que l’humiliation publique. Les délits non capitales donnaient fréquemment lieu à des châtiments corporels et à des mises au pilori, visant à stigmatiser le contrevenant plutôt qu’à le réhabiliter.
Parmi les pratiques courantes, on trouve :
- le marquage au fer et les coups publics,
- les mutilations et autres punitions corporelles,
- la honte infligée par des cérémonies de réprobation collective.
Ces pratiques s’appuyaient largement sur le code pénal anglais importé en Amérique, mais les historiens notent une différence notable : dans de nombreuses régions des colonies, les peines les plus sévères — la mise à mort notamment — restaient moins fréquentes qu’en Angleterre, et une certaine clémence s’observait pour les infractions mineures.
Il est difficile de reconstituer précisément l’organisation carcérale avant 1775. Ce qui est cependant avéré, c’est que la plupart des prisons de l’époque n’étaient pas conçues pour l’enfermement permanent. Elles servaient d’endroits provisoires où l’on détenait les accusés en attente de jugement, tandis que les autorités décidaient de la sanction appropriée.
Au cours de la première moitié du XIXe siècle s’opéra un basculement majeur : deux modèles d’emprisonnement, proches mais concurrents et issus de prisons situées dans deux États différents, commencèrent à définir la manière dont la jeune nation traitait ceux qu’elle jugeait coupables. Ces évolutions, loin d’améliorer immédiatement les conditions, contribuèrent à faire des prisons américaines du 19e siècle des lieux souvent brutaux et inhumains — un thème qui se développe dans la suite de l’article.
Le système de Pennsylvanie (dit « système séparé »)

Dans la continuité des débats sur la peine et la réhabilitation au début du XIXe siècle, l’ouverture d’Eastern State Penitentiary en 1829 introduisit aux États-Unis le « système séparé ». Inspiré par des idées quaker visant à remplacer la peine capitale par le confinement pour punir et réformer, ce modèle marque une étape décisive dans l’histoire des prisons américaines 19e siècle.
Les caractéristiques principales du système séparé étaient rigoureuses et systématiques :
- Les détenus vivaient, travaillaient, mangeaient et faisaient de l’exercice seuls, chacun dans une cellule individuelle dotée d’une petite cour attenante.
- On leur interdisait de se promener ensemble ou de parler, sauf autorisation expresse.
- La surveillance était étroite et les règles strictes ; les activités productives (travaux simples, artisanat) se déroulaient à l’intérieur de la cellule.
- L’encadrement moral et religieux était délivré de manière individuelle par des aumôniers ou visiteurs autorisés, plutôt que par des assemblées collectives.
Le principe était d’obtenir la pénitence par la solitude plutôt que par le travail collectif. Mais cette isolement prolongé eut rapidement des conséquences graves sur la santé mentale des détenus. On sait aujourd’hui que la détention continue en cellule individuelle provoque des ruptures psychiques, des hallucinations et d’autres atteintes psychiatriques.
Des procédures accentuaient encore l’aliénation : les prisonniers étaient masqués ou cagoulés lors des déplacements pour empêcher toute reconnaissance et toute communication, tandis que l’architecture de l’établissement réduisait au minimum la vue et le son entre les cellules.
Comme l’a résumé Charles Dickens après sa visite d’une prison en Pennsylvanie en 1842, l’isolement était « infiniment pire que toute torture du corps ». Si le système séparé connut d’abord une certaine diffusion, son adoption diminua rapidement : dès 1833, seules trois régions — le Maryland, le New Jersey et la Pennsylvanie — continuaient de s’y conformer.
Cette expérience du confinement solitaire alimenta les controverses et prépara le terrain pour d’autres modèles pénitentiaires et pour un questionnement accru sur les effets humains des pratiques carcérales.
Le système d’Auburn (dit aussi « système du rassemblement »)

Dans la continuité des évolutions pénitentiaires du début du XIXe siècle, le modèle d’Auburn occupe une place centrale dans l’histoire des prisons américaines 19e siècle. Ouverte en 1816 pour remplacer une première maison d’arrêt jugée insuffisante, la prison d’Auburn se distingua par une règle simple et implacable : isolement la nuit, travail collectif strictement silencieux le jour, dans des ateliers aux allures d’usine.
Les débuts marqués par des usages prolongés de l’isolement avant 1821 donnèrent des résultats que le gouverneur de New York qualifia lui‑même de « très sinistres », poussant les administrateurs à adopter, dès 1823, le format dit « congregate » (rassemblement le jour, isolement la nuit). Ce modèle devint rapidement une référence copiée par plusieurs États du nord-est et par le District de Columbia.
- Principales caractéristiques : isolement nocturne, travail collectif diurne en silence, discipline stricte et organisation quasi militaire.
- Sanctions et « rédemption » : les infractions à la discipline étaient punies dans l’idée d’une « souffrance rédemptrice » — fouet multi‑lanières (cat‑o’-nine‑tails), puis pratiques d’humiliation et d’immersion de la tête dans l’eau froide sur une chaise de torture.
- Contrôle des mouvements : marche au pas serré (lockstep), formation rigide, uniformes rayés ; toute parole ou rupture de rang pouvait entraîner des passages à tabac.
- Exploitation économique : le travail silencieux des détenus permettait de générer des revenus, rendant l’établissement rapidement autosuffisant malgré une surpopulation croissante.
- Diffusion du modèle : au cours de la première moitié du XIXe siècle, le système d’Auburn servit de modèle à des établissements dans le Connecticut, le Maine, le Massachusetts, le New Hampshire, le Vermont et à Washington, D.C.
Si le système vantait l’ordre et l’efficacité, il suscita aussi des critiques virulentes pour sa sévérité — un contraste qui alimenta durablement les débats sur la réforme du système pénitentiaire.
La tristement célèbre prison d’État de Virginie

Poursuivant l’examen des pratiques carcérales au XIXe siècle, la prison d’État de Virginie illustre à elle seule les excès et les défaillances des prisons américaines 19e siècle. Ouverte en 1800 et inspirée des principes du « Separate System », elle commença comme un bâtiment semi-circulaire unique avant de s’étendre au fil des ans par l’ajout de nouvelles constructions.
Son rôle central dans le système pénitentiaire de l’État et sa longue durée d’exploitation en firent un point focal des politiques d’incarcération. À un moment donné, elle se forgea une réputation noire, qualifiée par certains observateurs de « la prison la plus honteuse d’Amérique ».
Les conditions de vie y étaient décrites comme épouvantables, résultat d’une infrastructure défaillante et aggravées par la surpopulation. Parmi les problèmes majeurs :
- Des portes de cellules sans fenêtres empêchaient toute surveillance visuelle sans ouverture de la porte, créant des occasions d’émeutes, de tentatives d’évasion ou d’agressions contre les gardiens.
- L’absence initiale d’un mur extérieur facilitait la contrebande d’objets proscrits.
- En hiver (décembre à février), l’absence de système de chauffage adéquat rendait la vie quasi insupportable pour les détenus.
- Faute d’installations sanitaires intérieures, un étang voisin servait de dépotoir communautaire pour les excréments, entraînant des étés moites et nauséabonds.
Sur le plan des peines capitales, l’installation d’une chaise électrique en 1908 mit fin aux exécutions par pendaison dans l’État. Au total, 247 personnes furent exécutées dans l’enceinte de la prison, dont une seule femme.
La prison resta en activité près de deux siècles ; elle survécut à un séisme et à quatre incendies avant d’être finalement désaffectée et démolie en 1991. Ces épisodes témoignent des tensions constantes entre architecture pénitentiaire, conditions humaines et évolutions des méthodes de punition — thèmes récurrents de l’histoire des prisons américaines au XIXe siècle.
Sing Sing

Poursuivant le modèle du système d’Auburn, Sing Sing ouvrit ses portes en 1828. Dans le contexte des prisons américaines 19e siècle, son nom devint si associé à la sévérité de l’établissement que la localité qui l’abritait prit plus tard le nom d’Ossining pour se démarquer de cette réputation.
La construction du pénitencier fut réalisée par des détenus transférés depuis Auburn — les mêmes hommes qui allaient ensuite occuper ses cellules. Les travaux durèrent trois ans et impliquèrent l’extraction et la pose de marbre issu d’une carrière voisine. Les cellules étaient exiguës et rudimentaires : 7 pieds de long sur 3 pieds de large, sans système d’égouts.
Au fil du XIXe siècle, le régime de travail évolua vers des contrats industriels, employant des centaines de détenus dans la production. Les caractéristiques suivantes résument l’expérience carcérale à Sing Sing à cette époque :
- travail forcé organisé en ateliers sous contrat ;
- usage fréquent de l’isolement : des cellules sombres surnommées « coolers » servaient de punition.
Outre ces conditions inhumaines, la notoriété de Sing Sing repose surtout sur son rôle dans l’application de la peine capitale par l’État. Entre 1891 et 1963, 614 exécutions par chaise électrique — surnommée « Old Sparky » — y furent réalisées, un total record pour un établissement unique aux États‑Unis. Malgré des tentatives de réformes au XXe siècle, Sing Sing demeura une prison de haute sécurité et garda une fonction d’exécution jusque dans les années 1960.
Le destin de Sing Sing illustre les tensions du système pénitentiaire américain du XIXe siècle entre punition, production industrielle et contrôle social, thèmes qui se retrouvent dans d’autres établissements contemporains.
Prisons pour débiteurs

Poursuivant l’examen des prisons américaines du 19e siècle, les prisons pour débiteurs constituent un exemple frappant de la manière dont la pauvreté pouvait se traduire par une privation de liberté. Souvent gérées au niveau du comté ou de la municipalité, ces établissements enfermaient des personnes pour des dettes civiles, parfois dans des espaces conçus ou adaptés spécialement à cet usage. On peut citer, parmi d’autres, l’« appartement des débiteurs » (Debtors’ Apartment) de la Moyamensing Prison à Philadelphie et la Debtors’ Prison du comté d’Accomack en Virginie.
Dans les petites juridictions, les débiteurs étaient parfois isolés des criminels, mais restaient soumis aux routines carcérales et à des restrictions sévères de mouvement. Le caractère civil de leur détention — sans condamnation pénale — rendait leur sort particulièrement précaire : la libération dépendait souvent d’un créancier ou d’une intervention judiciaire.
Les conditions matérielles aggravent encore cette injustice. Parmi les problèmes fréquemment rapportés :
- pièces exiguës et surpeuplement ;
- hygiène déplorable favorisant la propagation des maladies ;
- nourriture insuffisante ou de mauvaise qualité ;
- obligation de payer des « frais de prison » ou le pensionnat, rendant la sortie impossible pour ceux qui n’avaient aucun moyen.
Au cœur du système, la logique était vaine : enfermer une personne pauvre pour dettes renforçait sa précarité. Progressivement, l’opinion publique et les tribunaux jugèrent ces institutions « inhumaines et inefficaces ». Selon un article paru dans PLOS One, le Congrès abolira l’emprisonnement pour dettes au niveau fédéral en 1832, et les différentes juridictions mettront fin à la pratique à des rythmes divers — la Virginie ayant, par exemple, cessé d’incarcérer pour dettes autour de 1849.
Cette évolution juridique et sociale prépare le terrain pour les réformes pénitentiaires ultérieures et éclaire la manière dont la justice du 19e siècle traitait question de la pauvreté et de la dette.
Camp d’Elmira

Poursuivant l’examen des prisons américaines du 19e siècle, le camp d’Elmira, installé dans d’anciennes casernes le long de la rivière Chemung, reste l’un des épisodes les plus tragiques de la guerre de Sécession. Ouvert comme camp de prisonniers de guerre de l’Union de 1864 à 1865, il gagna rapidement le surnom de « Hellmira » en raison des conditions jugées inhumaines.
On y détenait environ 12 122 prisonniers confédérés, et plus de 2 900 d’entre eux y trouvèrent la mort — un taux de mortalité d’environ 24 %, sans équivalent parmi les camps du Nord. Ces chiffres illustrent la brutalité et la précarité des institutions pénitentiaires de l’époque.
Les autorités du camp avaient estimé que les structures existantes pouvaient accueillir 5 000 détenus, mais en l’espace de deux mois la population avait presque doublé. Des baraquements supplémentaires furent construits pendant six mois, mais l’urgence imposa des solutions temporaires : de nombreux prisonniers durent vivre sous des tentes pendant l’hiver.
Les causes de mortalité furent multiples et combinées :
- le froid intense et les engelures pendant un hiver particulièrement rigoureux ;
- la faim et la malnutrition ;
- les maladies infectieuses favorisées par l’insalubrité ;
- les inondations provoquées par la rivière Chemung, qui détériorèrent encore les conditions d’hygiène.
Le système sanitaire défaillant et le surpeuplement expliquent en grande partie l’ampleur du bilan. Les défunts furent inhumés au cimetière de Woodlawn, aux côtés de 119 soldats de l’Union.
Ce récit du camp d’Elmira éclaire un aspect sombre des prisons américaines du 19e siècle et prépare la lecture des sections suivantes consacrées aux autres établissements et aux répercussions humaines de ces politiques pénitentiaires.
Groupes enchaînés

Poursuivant l’exploration des prisons américaines du 19e siècle, les « chain gangs » désignent des groupes de détenus entravés — généralement par des chaînes aux chevilles — contraints d’effectuer des travaux extérieurs. Ces corvées comprenaient le travail agricole, la construction et l’entretien de routes, ainsi que le creusement de fossés.
Après la guerre de Sécession, la pratique s’est largement étendue dans le Sud, où États et comtés utilisaient la main-d’œuvre carcérale pour mener à bien des chantiers publics sous une discipline stricte et une surveillance permanente.
- La loi de certains États, comme la Caroline du Nord, autorisait la création de ces groupes.
- On y envoyait aussi bien des condamnés pour petits larcins ou vagabondage que des hommes en bonne santé condamnés jusqu’à dix ans.
Le système était présenté comme une solution double : fournir gratuitement la main-d’œuvre nécessaire aux travaux publics et prétendument favoriser la réhabilitation par le dur labeur. En pratique, il exposait de nombreux détenus — beaucoup d’entre eux Afro-Américains — à des conditions extrêmes.
- Exposition aux intempéries et à des installations sanitaires déplorables.
- Sommeils imposés parfois dans des cages et infections sévères autour des chevilles provoquées par le frottement constant des menottes métalliques.
- Soins médicaux et nourriture réduits au strict minimum ; travail forcé sous la menace d’armes à feu et châtiments corporels en cas de relâchement.
Cette forme de travail carcéral, si elle paraissait économiquement efficace, renforçait des violences physiques et institutionnelles. Il fallu près d’un siècle après la guerre civile pour que la pratique soit abolie dans l’ensemble des États-Unis.
Location de condamnés (« convict leasing »)

Poursuivant l’examen des pratiques pénales du XIXe siècle, la « location de condamnés » désigne un système par lequel les États et les comtés mettaient leurs détenus à la disposition d’entreprises privées. Dans la pratique, la main-d’œuvre ainsi louée était majoritairement noire et soumise à une servitude involontaire au titre de contrats liant les administrations publiques à leurs preneurs.
De nombreuses entreprises qui recouraient à ce dispositif avaient été durement touchées par la guerre de Sécession : plantations cotonnières, chemins de fer, mines, entre autres. Les lois de Jim Crow dans les États du Sud favorisèrent l’arrestation pour des infractions mineures de nombreux Afro-Américains, alimentant le vivier de prisonniers disponible pour la location. Le système était lucratif pour les administrations : certains États en tirèrent des revenus considérables (les contrats du Tennessee représentaient ainsi 10 % du budget de l’État, et la Géorgie aurait encaissé plus de 35 000 dollars en un an et demi).
En réalité, il s’agissait d’une forme d’esclavage déguisée. Les condamnés étaient exposés à des conditions extrêmes :
- jours de travail excessifs et imposés ;
- privation de nourriture et conditions d’hygiène médiocres ;
- exposition aux intempéries et aux risques industriels ;
- châtiments corporels, abus physiques et tortures menant souvent à l’épuisement ou à la mort.
Les chiffres témoignent de cette brutalité : dès 1870, plus de 40 % des prisonniers d’Alabama loués aux camps miniers étaient « travaillés à mort ». Au niveau national, on estime qu’entre 16 % et 25 % des détenus loués mouraient chaque année. Il est probable que ce système ait contribué à la formation de fosses communes de grande ampleur.
La pratique fut progressivement abolie à travers les États-Unis, l’Alabama étant officiellement le dernier État à y mettre fin, en 1928. Cette réalité historique rappelle que de nombreux ouvrages et infrastructures du pays reposent en partie sur le travail forcé issu de ces prisons américaines 19e siècle, laissant des traces matérielles et mémorielles durables.
Nourriture et malnutrition dans les prisons américaines

Pour mieux comprendre les conditions des prisons américaines au 19e siècle, il faut évoquer l’alimentation — un reflet direct de la philosophie pénitentiaire de l’époque. Inspirés des modèles anglais, les établissements américains appliquaient des régimes souvent austères, destinés autant à punir qu’à contrôler.
Comme l’exprimait un observateur de l’époque : « Il n’existe pas de châtiment corporel plus cruel que la faim… ce sentiment implacable et rongeant qui torture l’esprit en faisant penser aux souffrances du corps. » La privation alimentaire était utilisée comme sanction : le pain et l’eau constituaient parfois la punition pour un comportement jugé répréhensible, tandis que la viande ou le fromage servaient de « récompense » pour l’obéissance.
La malnutrition touchait particulièrement les détenus astreints aux travaux forcés — chaînes de forçats, délinquants « loués » à des entreprises, ou prisonniers de camps comme ceux d’Elmira — qui n’obtenaient pas un apport calorique suffisant pour compenser l’effort physique imposé.
Même les prisonniers restés en cellule souffraient d’un régime peu nourrissant. Les archives du siècle montrent des menus répétitifs et monotones :
- Petit‑déjeuner : mélange de pain et de bouillie de maïs (« Indian mush ») accompagné d’une tasse de cacao, de café ou de thé vert.
- Déjeuner : viande bouillie, potage, source de glucides et thé.
- Dîner : à nouveau de la bouillie de maïs et du thé.
Un détail saillant de cette période tient aux perceptions alimentaires : des produits aujourd’hui prisés, comme le homard, étaient alors considérés comme de la « nourriture de pauvres » et servis aux couches marginalisées — détenus, personnes asservies et domestiques — du 18e siècle jusqu’à la fin du 19e siècle.
Ce tableau alimentaire illustre combien la malnutrition faisait partie intégrante du quotidien carcéral et contribua à l’affaiblissement physique, à la propagation des maladies et à la dégradation des conditions de vie dans les prisons américaines du 19e siècle.
Maladies dans les prisons américaines

Dans les prisons américaines du 19e siècle, l’entassement, la mauvaise ventilation et des installations sanitaires défaillantes créèrent un terrain propice aux épidémies. Ces conditions expliquent pourquoi les infections se propageaient rapidement parmi les détenus, transformant les établissements pénitentiaires en foyers de maladie. Comprendre cet aspect est essentiel pour appréhender la brutalité quotidienne du système carcéral de l’époque.
Les archives sanitaires de la période mettent en lumière quelques données frappantes :
- La tuberculose (TB) représentait plus de 10 % des décès annuels dans plusieurs pénitenciers d’États comme New York et dans des établissements tels qu’Auburn.
- Dans certains établissements, notamment la prison d’État du Minnesota, la tuberculose expliquait une part très élevée des mortalités enregistrées à la fin du XIXe siècle.
Les grandes flambées épidémiques qui touchaient les villes atteignirent naturellement les prisons. Les États‑Unis connurent de fortes épidémies de choléra en 1832, 1849 et 1866, et les détenus n’en furent pas épargnés. Face à la contagion, certaines autorités prirent des mesures désespérées — par exemple la libération de condamnés pour de petits délits —, une décision qui, faute d’approche sanitaire cohérente, risqua d’étendre la maladie aux comtés voisins.
Au-delà des maladies respiratoires et des épidémies urbaines, les camps pénaux militaires firent aussi les frais d’une mortalité liée aux infections gastro‑intestinale : diarrhées, dysenterie et autres affections liées à la nourriture et à l’hygiène furent imputées à une proportion considérable des décès, jusqu’à un tiers dans certains contextes du XIXe et du XXe siècle. Ces chiffres soulignent combien l’insalubrité et l’absence de soins transformèrent la détention en condamnation sanitaire.
En reliant ces éléments à l’histoire plus large des prisons américaines au 19e siècle, on perçoit comment la gestion pénitentiaire et la santé publique furent étroitement imbriquées — souvent au détriment des détenus.
L’Île du Diable : la colonie pénitentiaire la plus redoutée

Pour situer cette page dans le contexte plus vaste des pratiques pénales du 19e siècle (y compris les prisons américaines 19e siècle), il faut comprendre que l’Île du Diable incarnait une logique de punition extrême et d’isolement.
Établie en 1852 sur ordre de l’empereur Napoléon III, la colonie avait pour objectif de désengorger les prisons métropolitaines et de dissuader la criminalité par la sévérité. Rapidement, elle devint synonyme de brutalité : l’île accueillait principalement des détenus de haute importance politique — parmi eux le capitaine Alfred Dreyfus, accusé à tort de trahison en 1894 — tandis que les autres condamnés étaient envoyés sur les îles voisines ou sur le continent.
Les conditions de détention combinaient plusieurs facteurs mortels :
- climat tropical et isolement extrême, rendant la vie quotidienne pénible ;
- maladies véhiculées par les moustiques, comme le paludisme et la fièvre jaune, causant de nombreux décès ;
- rations alimentaires insuffisantes et de mauvaise qualité, entraînant malnutrition et faiblesse ;
- soins médicaux quasi inexistants et traitements disciplinaires sévères, dont l’isolement cellulaire appliqué par des gardiens réputés sadiques ;
- travail forcé intense : construction d’infrastructures, défrichage et corvées épuisantes sous une chaleur accablante.
Tentatives d’évasion et survie étaient rarement couronnées de succès en raison des courants puissants, de la présence de requins et de la grande éloignement des îles. Tout au long de son existence, la colonie reçut entre 50 000 et 80 000 prisonniers et resta en activité jusqu’en 1953.
Cette page s’insère dans la série d’analyses consacrées aux systèmes carcéraux du 19e siècle et prépare la transition vers d’autres exemples illustrant comment le travail forcé, les maladies et l’isolement ont façonné l’expérience des détenus à cette époque.
