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La vérité cachée sur Johnny Appleseed
En février 1846, un article intitulé « Johnny Appleseed » a été publié dans le Magazine de l’horticulture, décrivant un arboriculteur itinérant qui voyageait à travers le Midwest pour planter des graines de pomme. Considéré par ses semblables avec « un degré d’admiration presque superstitieuse », cet article marque la naissance d’un héros populaire américain. Comme d’autres figures légendaires telles que Davy Crockett ou John Henry, les récits autour de Johnny Appleseed n’ont cessé de croître au fil du temps.
Johnny Appleseed, de son vrai nom John Chapman, était un homme singulier : il portait des haillons, circulait souvent pieds nus, menait une vie ascétique et plantait des vergers de pommiers dans trois États. Mais au-delà de cette image romancée, sa véritable histoire est bien plus complexe. **Chapman était un homme d’affaires avisé, ses pommes servaient à produire de l’alcool, et non à être dégustées**. Spécialiste d’une branche marginale du christianisme, son image populaire a été façonnée par l’industrie pomologique, qui était sous pression de la part du mouvement de tempérance.
Origines massachusetts
Bien que Johnny Appleseed soit surtout connu pour ses voyages à travers la Pennsylvanie, l’Ohio et l’Indiana, il est né à Leominster, dans le Massachusetts, en septembre 1774. Sa mère, Elizabeth, est morte alors qu’il était encore jeune. Son père, Nathaniel, un agriculteur, a combattu durant la guerre d’indépendance américaine à la bataille de Bunker Hill et a ensuite servi sous les ordres du général George Washington.
Après la guerre, le père de Chapman s’est remarié et, en 1804, la famille a déménagé en Ohio, où John a commencé sa formation d’arboriculteur. Dès 1817, il entamait déjà son habitude de planter des vergers à chaque nouvel endroit. Un médecin de l’Ohio, le Dr Willam Bushnell, est devenu ami avec Chapman. « C’était un homme petit et élancé, au visage sombre et aux lèvres fines », a-t-il décrit. Les visites de Chapman incluaient toujours un volet religieux, avec des livres et des prêches inspirés du suédois Emanuel Swedenborg.
Johnny Appleseed l’évangéliste
John Chapman était un adepte des enseignements d’Emanuel Swedenborg, un mystique et théologien suédois du XVIIe siècle, qui prônait l’amour comme message fondamental de la Bible. Après sa mort, ses disciples ont fondé l’Église de la Nouvelle Jérusalem, qui a diffusé ses idées aux États-Unis, bien qu’elle ne rassemble qu’un petit nombre de croyants.
En plus de ses croyances religieuses, Chapman était végétarien, avait un profond respect pour toutes les créatures vivantes et ne portait jamais d’arme. Vêtu de manière extrêmement humble, il portait parfois un sac grossier avec des trous pour les bras et la tête, et se chaussait rarement. Toutefois, ses convictions ne l’ont pas empêché de planter des vergers exclusivement destinés à la production d’alcool, et de bâtir ainsi une véritable entreprise interétatique.
Des pommes pour le cidre
La représentation actuelle de Johnny Appleseed le montre cultivant des pommes sucrées et savoureuses, mais la réalité est tout autre. **Les pommes de John Chapman étaient des « pommes à cidre », connues pour leur goût amer et acide, riches en tanins.** Les fruits étaient destinés à la production de cidre, car à une époque où l’eau et le lait étaient souvent contaminés, les colons buvaient principalement de l’alcool, considéré comme un élément de leur régime alimentaire.
Il savait que les pommes cultivées à partir de graines ne donnaient pas le même fruit que celui des arbres parents. Habituellement, les arboriculteurs greffent une bouture de l’arbre mère sur un porte-greffe. En semant ses vergers à travers la frontière, Chapman a préparé le terrain pour que ses pommes soient transformées en alcool.
Un homme d’affaires terrien
Contrairement à l’image d’un Johnny Appleseed semant des graines au hasard pour aider ses pairs, John Chapman avait un plan. **Bien qu’il donnait souvent des graines et des arbres, il les vendait aussi et possédait de nombreuses parcelles où il cultivait ses pommes.** À l’époque, les pionniers pouvaient réclamer 100 acres de terre s’ils plantaient au moins 50 pommiers dans les trois ans suivant l’acquisition.
Chapman choisissait habilement des terrains favorables à l’occupation alors qu’il avançait vers l’ouest avant l’arrivée des colons. Lorsqu’ils arrivaient, il était là pour vendre les vergers, tout en maintenant certains d’entre eux grâce à des employés. En 1845, l’année de sa mort, il possédait environ 1 200 acres de terres et avait une chaîne de pépinières dans trois États. Une autre de ses stratégies fut de récolter ses semences gratuitement dans les cidreries.
Une image façonnée par les médias
Dès les années 1820, le surnom de Johnny Appleseed avait pris de l’ampleur. Son apparence unique, son comportement paisible et ses habitudes singulières ont contribué à le faire devenir un héros populaire de son vivant. Après sa mort à Fort Wayne, Indiana, à 71 ans, Johnny Appleseed est devenu une icône grâce à une presse nationale qui mettait souvent en avant sa force et sa détermination. **Un article de 1871 dans Harper’s New Monthly a particulièrement influencé l’image que nous avons aujourd’hui de lui, la présentant comme un saint excentrique et l’introduisant au reste du pays.**
La méprise courante sur les types de pommes cultivées par Chapman provient de l’industrie du cidre. Avec la montée du mouvement de tempérance dans les années 1900, les cultivateurs de pommes ont tenté de minimiser le lien entre leurs fruits et le cidre. Au milieu du XXe siècle, les relations de Johnny Appleseed avec la production d’alcool, son talent commercial, et ses croyances suédoises avaient presque entièrement disparu, aidées par le court-métrage animé réalisé par Walt Disney en 1948. John Chapman a alors été éclipsé par la légende de Johnny Appleseed.