L’Histoire Tragique des Guerres de la Banane
La guerre hispano-américaine a marqué un tournant majeur en géopolitique. En 1898, l’Espagne perdait Cuba, Porto Rico, Guam et les Philippines. Avec le recul des possessions européennes dans le Nouveau Monde – hormis quelques territoires comme la Guyane française – les États-Unis se retrouvaient en position de puissance incontestée. Le principe fondamental de la doctrine Monroe prenait ainsi tout son sens, signifiant que la colonisation européenne dans l’hémisphère occidental ne serait plus tolérée. Cette réalité a donné naissance à un impérialisme de facto, pratiqué tant par le gouvernement américain que par des entreprises privées.
Pendant la révolution industrielle, la popularité des bananes ne cessait de croître grâce aux nutriments qu’elles offraient aux ouvriers américains. En 1898, trois grandes compagnies américaines du secteur fruitier entamaient une campagne pour s’emparer des terres d’Amérique Centrale et du Sud, profitant de la fragilité politique de ces régions. Leurs actions, soutenues par les ambitions stratégiques des États-Unis, ont été le déclencheur de coups d’État, d’assassinats et de maladies, bouleversant à jamais le paysage politique et social de l’Amérique latine.
Le phénomène des Républiques Bananières
La situation en Honduras en est le parfait exemple. Pour optimiser l’exportation de bananes, ces entreprises privées ont :
- Formé des armées pour soutenir des politiciens favorables à leurs intérêts,
- Construit des infrastructures modernes pour accélérer le transport des produits,
- Abandonné des plantations affectées par la maladie du Panama.
Dans d’autres régions, leurs interventions étaient souvent corroborées par l’armée américaine, depuis le soutien à l’indépendance du Panama – indispensable à la construction du Canal – jusqu’aux occupations militaires à Cuba, en République dominicaine ou au Nicaragua.
L’absence de concurrence étrangère et locale a permis à ces entreprises de monnayer le commerce pendant des décennies. L’arrivée du communisme a accentué cette dynamique, condamnant leur modèle basé sur l’exploitation de travailleurs appauvris. Ainsi, en 1954, lorsque le gouvernement guatémaltèque élu, d’inspiration communiste, fut renversé par des insurgés soutenus par des intérêts externes, le modèle économique mis en place fut irrémédiablement entamé. Bien que leur influence ait progressivement diminué pendant la guerre froide, l’héritage des guerres de la banane demeure palpable dans l’histoire de l’Amérique latine.