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En 1945, dans les Philippines occupées par le Japon, une opération conjointe des Alliés permit de libérer plus de 2 000 prisonniers de guerre américains détenus au camp de Los Baños, au sud de Manille. Cette mission, menée en quelques heures, est souvent citée comme un exemple de compétence militaire et de coordination entre les forces américaines et les guérillas philippines.
Rapports de brutalité au camp de Los Baños

L’emprise sur les prisonniers occidentaux dans les Philippines, alors une colonie américaine, débuta peu après l’invasion japonaise de 1941. Los Baños, ouvert en 1943 et situé au sud de Manille, hébergeait en février 1945 plus de 2 147 prisonniers alliés. Les camps militaires japonais étaient connus pour leur dureté: abus, maladies, malnutrition, hygiène absente et rations réduites, tandis que les secours étaient systématiquement retirés.
Dans son journal, sœur Eleanor Francis Andrews, une religieuse Maryknoll internée depuis décembre 1941, nota le 21 février 1945: « Apparemment l’heure zéro est arrivée. Plus de nourriture dans le camp. Ce soir est notre dernier repas à moins que quelque chose arrive. Les Japonais autour de ce camp sont certainement bien nourris. » Personne ne pouvait alors imaginer que l’aide allait bientôt se manifester.
Les Alliés décidèrent d’intervenir

Les souffrances des détenus s’étaient aggravées après le retour des combats alliés dans la région et, lorsque les perspectives de contrôle japonais s’amenuisaient, des renseignements inquiétants sur le sort des prisonniers circulèrent. Des sources recueillies par des guérilleros philippins, en décembre 1944, indiquaient que 139 prisonniers américains avaient été exécutés après avoir été mis au travail forcé sur l’île de Palawan, et qu’un massacre des détenus restants semblait plausible pour éviter leur prise par les libérateurs. En réponse, le général MacArthur ordonna d’intervenir et remit la libération des prisonniers de guerre dans les Philippines à la 11e division aérienne, appuyée par le 11e régiment de planeurs, dirigé par le colonel Robert Soule.
Au cours des premières semaines de 1945, les Alliés commencèrent à libérer des prisonniers dans les Philippines. Même lorsque les populations des camps ne comptaient que quelques centaines de détenus, des résistances surgissaient. Los Baños, avec plus de 2 000 internés, représentait une opération à grande échelle et d’importance cruciale; un échec aurait pu coûter de nombreuses vies.
L’importance du renseignement guérillero

Qualifier la mission de libération de Los Baños comme l’ouvrage exclusif de l’armée américaine serait inexact: les guérilleros philippins, qui opéraient sur le terrain, jouèrent un rôle déterminant. Los Baños se trouvait profondément dans une zone contrôlée par les Japonais, et les informations locales étaient indispensables pour comprendre la situation sur place.
Environ 300 guérilleros aideront à la libération, soit par du renseignement soit en participant directement au raid. Ils connaissaient le terrain, fournissaient des détails sur le camp et servaient d’éclaireurs et de combattants. Leur contribution fut essentielle pour que les forces aériennes et terrestres puissent agir avec précision et discrétion.
Une structure de raid élaborée

Libérer un camp de prisonniers lourdement armé au milieu de la jungle est impossible avec une simple démonstration de force. Grâce au renseignement des évadés et des guérilleros, les Alliés prévoyèrent une opération complexe et audacieuse, capable de sauver tous les détenus et de les ramener en sécurité sans pertes massives. Le 11e régiment de planeurs confia la mission au 188e régiment de planeurs, sous les ordres du colonel Robert Soule.
Le plan prévoyait une action croisée: une unité d’assaut terrestre pour repérer le camp et affronter les gardes, neuf avions pour assurer la couverture aérienne et déposer des parachutistes, et cinquante amtracs pour ramener les prisonniers une fois libérés vers le territoire américain. Tout cela devait se faire en restant invisible afin d’éviter les renforts japonais et de préserver l’effet de surprise. C’était une démarche ambitieuse.
La préparation de l’équipe de raid

Le raid mobilisa 32 soldats américains et 80 guérilleros philippins, réunis pour franchir les plans côtiers et gagner l’île de Luçon, où se trouve Los Baños, à environ 80 kilomètres derrière les lignes ennemies. Après être arrivés sur l’île, ils avancèrent principalement de nuit pour échapper à la surveillance japonaise et se mettre en position stratégique près du camp.
Le camp se situait à cinquante milles des lignes ennemies; l’acheminement jusqu’au point d’attaque demanda plusieurs jours de déplacement ardu, par des voies maritimes et terrestres, afin d’éviter tout signalement nécessairement coûteux en ressources japonaises. Une fois la zone de rendez-vous atteinte, l’équipe se mit en retrait, prête à passer à l’offensive à l’heure choisie.
Le signal émis par l’équipe de raid

Pendant les jours qui suivirent, les troupes avancèrent en traversant marais, jungles et rizières, évitant les patrouilles japonaises. Le groupe utilisa des grenades fumigènes pour projeter d’épaisses panaches de fumée, visibles tant par les équipes aériennes que par celles opérant sur l’eau, afin de guider directement vers Los Baños. Certaines grenades marquèrent le camp même, d’autres indiquèrent les plages où les amtracs devaient rapidement monter sur l’île.
L’assaut sur le camp

Lorsque l’attaque commença, les parachutistes qui descendaient du ciel et les premiers amtracs arrivant sur la plage se mobilisèrent rapidement. Les prisonniers, surpris et terrorisés après des années d’épreuves, affluèrent vers leurs baraques. Les combats durèrent environ vingt minutes: les gardes furent tués ou contraints de fuir, pris au dépourvu par l’attaque surprise.
Les troupes parachutées et les éléments au sol se consolidèrent sur place, protégeant les arrières et évitant l’arrivée de renforts japonais. Le dispositif, conçu pour minimiser les risques, permit une action rapide et décisive.
Des prisonniers nécessitant des soins immédiats

Une fois le camp désarmé, les Alliés constatèrent l’état critique des prisonniers, principalement dû à une malnutrition extrême. Dans la dernière semaine de captivité, les détenus de Los Baños survivaient avec environ 70 g de riz non pilé par jour. Beaucoup avaient survécu en échangeant des objets précieux contre de la nourriture, mais ces jours-là étaient révolus pour la majorité. Certains avaient survécu en se nourissant d’animaux sauvages et d’insectes, et étaient exposés aux attaques de moustiques nocturnes dans les baraques. Les Japonais avaient commencé à quitter le camp en janvier, laissant les prisonniers une brève période de liberté avant l’invasion américaine.
Une fois libérés, les détenus furent aidés à marcher jusqu’aux amtracs, puis transportés vers la plage, où ils embarquèrent pour le rivage et la poursuite du trajet vers la sécurité; une nouvelle étape des secours commença.
Peu de pertes alliées

Les amtracs transportant les parachutistes et les anciens détenus furent probablement bombardés par l’artillerie et des mortiers japonais pendant la traversée, mais n’achevèrent aucune frappe directe et atteignirent en sécurité Mamatid, où les ambulances et le personnel médical étaient présents pour soigner les prisonniers. Malgré la nature audacieuse de l’opération et la présence de forces japonaises dans la zone, le raid connut un nombre de pertes étonnamment faible par rapport au nombre de vies sauvées. Une diversion militaire fit partie du plan pour attirer les renforts japonais et réduire les résistances au camp.
Deux soldats américains trouvèrent la mort au combat, et trois furent blessés. Une seule blessure survint réellement lors du raid principal, les autres étant dues à des combats de diversion. Deux guérilleros philippins furent également tués; côté japonais, les pertes s’élevèrent à 243 morts.
Après la libération pour les sauvés

Après la libération, les prisonniers souffraient encore de diverses affections et nécessitaient un long rétablissement. Le plan avait prévu leur évacuation depuis Luçon vers des installations comme New Bilibid, qui servait de camp improvisé pour la convalescence. Le premier soir, des repas étaient servis de 16 h jusqu’à tard dans la nuit, et des installations sanitaires et récréatives étaient mises en place pour leur permettre de se remettre. 107 personnes furent traitées pour malnutrition et beri-beri; parmi elles figuraient trois femmes enceintes. D’ici le 8 mars, la majorité des sauvés avait quitté l’île.
L’héritage de Los Baños

Le raid sur Los Baños est considéré comme l’une des opérations les plus réussies des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale, ayant sauvé plus de 2 000 vies et étant salué comme une démonstration majeure de compétence militaire. Il est souvent présenté comme une opération « modèle » et est opposé à d’autres tentatives américaines ayant échoué, comme l’opération Son Tay; près d’autres incidents, certains ont été entachés par des renseignements défaillants et une planification insuffisante. Tragiquement, le succès et la collaboration supposée des habitants locaux conduisirent à des répercussions horribles pour les populations voisines, environ 1 500 personnes étant exécutées par les occupants japonais en représailles, illustrant les atrocités qui ont marqué le conflit.
