Sommaire
L’essentiel
Un internaute a partagé sur X une étude affirmant que le Giec aurait surestimé ses projections sur la hausse du niveau de la mer. Des climatologues pointent plusieurs problèmes méthodologiques dans cette publication. Les auteurs n’ont pas pris en compte les données satellites, ce qui conduit selon eux « à une sélection très biaisée ».
La publication et la diffusion
Le 30 août 2025, un compte X se présentant comme celui de « Marco Nius » a relayé une étude affirmant que le Giec aurait « fortement surestimé » l’élévation du niveau des mers dans 95 % des cas, évoquant une surestimation moyenne de « 1 à 5 mm par an » et une « multiplication par 2 » par rapport à l’élévation observée. Le message inclut un lien vers l’étude, publiée le 27 août 2025 dans le Journal of Marine Science and Engineering et accessible en libre accès : https://www.mdpi.com/2077-1312/13/9/1641#metrics.
Une nouvelle étude a comparé l’élévation mesurée du niveau des mers aux projections du GIEC. Le Giec les avait fortement surestimé dans 95% des cas. En moyenne surestimé de 1 à 5mm par an, ce qui correspond environ à une multiplication par 2 par rapport à l’élévation observée https://twitter.com/NiusMarco/status/1961657408154931315
Qui sont les auteurs et quelle est la méthode ?
Les deux auteurs de l’étude sont néerlandais : Hessel Voortman, présenté comme un « expert indépendant dans le contrôle des inondations » (profil LinkedIn : https://nl.linkedin.com/in/hesselvoortman), et Rob de Vos, décrit comme chercheur indépendant sur la page de la revue. L’article note qu’une précédente étude de Hessel Voortman avait déjà été entachée d’erreurs : https://journals.open.tudelft.nl/jchs/article/view/7068.
Les auteurs comparent les projections publiées par le Giec en 2021 et les observations locales. Pour cela, ils utilisent deux jeux de données de niveaux marins mesurés en plusieurs villes et n’acceptent que les séries chronologiques disposant d’au moins soixante ans d’observations via des marégraphes. Ce critère exclut les données satellites, disponibles depuis les années 1990 et jugées plus précises pour l’étalonnage.
Critiques scientifiques : biais de sélection et données manquantes
La climatologue Valérie Masson-Delmotte pointe que l’exclusion systématique des données satellitaires « amène à une sélection très biaisée, pas du tout globale ». Dans l’étude, les auteurs indiquent que seules « 15 % des données disponibles » satisfaisaient leurs critères, une proportion jugée faible par d’autres spécialistes. « Ce n’est pas une étude sérieuse », résume le climatologue Alain Mazaud.
Le rebond isostatique : une explication locale souvent oubliée
Une autre faiblesse méthodologique tient à la répartition géographique des stations retenues : la majorité se trouve « au nord de l’Europe », c’est‑à‑dire dans d’anciennes régions glaciaires affectées par le rebond isostatique. Anny Cazenave, climatologue spécialisée en géophysique et océanographie spatiale, rappelle que « c’est la réponse de la croûte terrestre à la dernière déglaciation » : la fonte des glaces libère la croûte qui remonte, ce qui peut donner l’impression que le niveau de la mer bouge moins à l’échelle locale.
Les auteurs de l’étude semblent avoir interprété cette remontée relative du sol comme une absence d’élévation du niveau marin, ce qui conduit à des conclusions erronées à l’échelle globale.
Contexte : évaluations antérieures et précision des prévisions
Par ailleurs, une étude publiée le 22 août 2025 montre que les prévisions du deuxième rapport d’évaluation du Giec, rédigé en 1996, « étaient remarquablement proches de ce qui s’est produit au cours des trente années suivantes », l’ampleur de l’élévation du niveau de la mer n’ayant été sous‑estimée que d’environ 1 cm sur trente ans. Cette étude sert de référence pour certains climatologues interrogés.
