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Le travail invisible : une réalité économique méconnue
Une partie significative du travail effectué quotidiennement échappe aux comptabilisations officielles, qualifiée de « invisible ». Ce type de travail, qui englobe diverses tâches non rémunérées et sans lien contractuel, n’est pas reconnu dans les statistiques économiques, malgré son impact considérable sur la richesse d’un pays.
Ce travail invisible, qui inclut des activités comme le bénévolat ou les stages, se concentre principalement sur la sphère familiale et domestique. Parmi les activités concernées, on trouve le ménage, la cuisine, la lessive, l’aide aux devoirs, le soutien psychologique et émotionnel, ainsi que l’assistance aux personnes dépendantes. En somme, toutes ces tâches font partie intégrante de l’organisation de la vie quotidienne et sont majoritairement effectuées par des femmes.
Comptabiliser l’invisible
Depuis plus de vingt ans, la journée internationale du travail invisible est célébrée le premier mardi d’avril, initiée par l’association féministe québécoise d’éducation et d’action sociale, l’Afeas. Cette association milite pour l’intégration du travail non rémunéré dans les mesures économiques, ainsi que pour la mise en place de politiques de soutien permettant de sécuriser économiquement ceux qui réalisent ce travail. Elle appelle également à une approche de genre pour contrer les violences et les inégalités systémiques affectant les femmes.
Les estimations concernant le travail invisible révèlent son ampleur. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), en 2010, environ 60 milliards d’heures de travail invisible représentaient un tiers du produit intérieur brut (PIB) de la France, si ces heures étaient valorisées financièrement, par exemple en tant qu’heures de ménage. L’Insee souligne que ce temps consacré à la production domestique peut représenter une à deux fois le temps de travail rémunéré. Les femmes effectuent 64 % des heures totales de travail domestique, et ce chiffre grimpe à 72 % pour les seules tâches ménagères.
Les mères de famille et l’impact sur leurs carrières
Des tâches quotidiennes telles que laver le plan de travail, changer les draps ou préparer le sac de sport des enfants s’accumulent et pèsent lourd sur les épaules de ceux qui les réalisent. Ces responsabilités consomment du temps et de l’énergie, pouvant aussi empiéter sur la vie professionnelle. Les études montrent que l’articulation entre vie familiale et professionnelle repose surtout sur les mères. En France, plus d’une mère sur deux d’enfants de moins de 8 ans a dû stopper son activité professionnelle ou réduire son temps de travail après la naissance de ses enfants, alors que seuls 12 % des pères ont modifié leur temps d’activité après leur congé de paternité.
Une étude de la Drees, publiée en mars 2024, révèle que parmi les couples avec de jeunes enfants, les mères sont deux fois plus souvent sans emploi que les pères (28 % contre 13 %). En 2021, dans 42 % des couples ayant un enfant de moins de 6 ans, la mère occupait une position professionnelle moins avantageuse que celle du père. Ces inégalités en matière de revenus ont des conséquences sur la retraite, car les femmes partent à la retraite après des carrières souvent fragmentées et plus tard que les hommes, en moyenne 10 mois. Les pensions de droit propre des femmes représentent 40 % de moins que celles des hommes, selon les chiffres de la Sécurité sociale de 2024.