L’escrime est souvent perçue comme un sport sûr, surtout comparé à de nombreuses disciplines populaires impliquant des contacts physiques importants. Une étude menée sur cinq ans par le professeur de sciences du sport Peter Harmer a démontré que ce sport est particulièrement sécurisé pour les enfants et les jeunes. Dans une lettre adressée à la Washington Fencing Academy, Harmer, membre des commissions médicales de la Fédération internationale d’escrime et de l’association américaine, expliquait que le football est 14 fois plus dangereux que l’escrime, tandis que le basketball est 10 fois plus risqué. Parmi les 22 sports examinés, l’escrime et le golf sont ceux présentant le moins de risques pour les pratiquants. Entre 1995 et 2005, des centaines de décès ont été enregistrés dans d’autres disciplines universitaires, notamment 143 dans le football américain. Ces chiffres confirment la perception d’une activité très sûre, surtout pour les débutants encadrés par des entraîneurs expérimentés.
Cependant, malgré cette relative sécurité, le monde de l’escrime a été secoué par la mort tragique du fleurettiste olympique russe Vladimir Smirnov lors des Championnats du monde de 1982. Cet accident exceptionnel a marqué un tournant majeur en matière de sécurité dans la discipline.
Une défaillance de l’équipement fatale à Vladimir Smirnov
« Malgré les idées reçues sur les dangers de l’escrime, les données montrent que c’est une activité très sûre, particulièrement pour les novices encadrés dans des conditions rigoureuses avec un matériel de qualité », soulignait Peter Harmer. Cette précision sur l’équipement est essentielle, car les équipements d’escrime – fleuret, épée et sabre – disposent de règles et protections spécifiques visant à garantir la sécurité et le spectacle.
Vladimir Smirnov excellait dans les disciplines du fleuret et de l’épée et était sans doute le meilleur escrimeur mondial au moment de son décès. Lors des Jeux Olympiques de 1980 à Moscou, il remporta l’or en fleuret individuel, l’argent en fleuret par équipe et le bronze en épée par équipe. En 1981, il décrocha le titre de champion du monde au fleuret.
Cependant, lors des Championnats du monde 1982 à Rome, Smirnov fut victime d’un accident tragique. Mattias Behr, escrimeur olympique allemand, brisa sa lame de fleuret sur la tenue de Smirnov. L’inertie fit alors pénétrer la lame brisée dans l’orbite de Smirnov, perçant son cerveau. Dix jours plus tard, il succombait à ses blessures, dans un épisode qui fit l’effet d’un choc mondial au sein de la communauté de l’escrime.
Un tournant décisif pour la sécurité en escrime
La mort de Vladimir Smirnov a profondément transformé les protocoles de sécurité dans l’escrime. Selon Ioan Pop, représentant de la Fédération internationale d’escrime, cet accident a fait de la sécurité une priorité absolue. Les lames en acier carbure, comme celle qui brisa le masque de Smirnov, ont été remplacées par un acier appelé maraging, bien plus durable. Les tenues sont désormais conçues en Kevlar ou en nylon ultra-résistant, et les masques ont également été renforcés.
Ces innovations ont considérablement réduit le nombre de blessures graves dans ce sport, le classant parmi les activités compétitives les plus sûres au monde. Par ailleurs, les avancées technologiques ont aussi amélioré la précision et l’attrait visuel des compétitions. Des éclairages adaptés augmentent la visibilité et des systèmes électroniques intégrés dans les tenues informent les arbitres des touches valides. Le recours aux ralentis a ajouté de la transparence dans le contrôle des points, limitant l’impact des décisions subjectives.
Depuis cet accident, le nombre de décès en escrime à l’international est resté très faible, avec seulement sept cas recensés. Le sacrifice involontaire de Vladimir Smirnov a donc permis de faire évoluer un sport fondamentalement sûr, pour le plus grand bénéfice des générations futures.
