Depuis 2013, Charles Taylor, ancien président du Liberia et, selon les rapports, le premier ancien chef d’État depuis la Seconde Guerre mondiale à être condamné pour crimes de guerre, est incarcéré au Royaume-Uni où il purge une peine de 50 ans. Cette fin tragique marque l’aboutissement d’une carrière politique débutée plus de trois décennies auparavant, qui a profondément marqué l’histoire de l’Afrique. Malgré ses déclarations, au moment de sa condamnation, affirmant qu’il ne représentait « aucune menace pour la société », les dizaines de milliers de vies sacrifiées ou détruites à cause de ses actes racontent une tout autre réalité.

Pour comprendre l’ascension et la chute de Charles Taylor, il est essentiel de saisir la singularité du Liberia au sein des nations africaines. Situé sur la côte ouest du continent et d’une taille légèrement supérieure à celle du Tennessee, le Liberia trouve ses origines en 1821 dans une alliance inattendue entre Quakers et anciens esclavagistes, désireux de « rapatrier » les Noirs libres et affranchis vers l’Afrique, comme le relate Britannica. La colonisation commença en 1822, et dès 1824, une petite colonie fut établie et officiellement rebaptisée République du Liberia.
Au cours du siècle suivant, plusieurs vagues de nouveaux colons venus des États-Unis et d’ailleurs s’installèrent, prenant possession des terres et instaurant une société à deux niveaux qui évoquait, selon PBS, le système des plantations du Sud américain. Vers la fin du XXe siècle, les tensions dans le pays étaient exacerbées. En 1980, Samuel K. Doe, un soldat, mena un coup d’État réussi, renversant le président en place pour s’emparer du pouvoir.

Charles Taylor, né en 1948 au Liberia, fit partie d’une génération de jeunes Libériens partis étudier aux États-Unis. En 1972, il arriva dans le Massachusetts pour suivre des études économiques au Bentley College. Selon ProPublica, il faisait partie d’un groupe d’étudiants activement engagés pour promouvoir des changements dans leur pays natal. Après le coup d’État de Doe en 1980, l’espoir d’une évolution politique s’intensifia, et Taylor saisit cette opportunité.
Doe lui confia la direction de la General Services Agency, chargée des achats pour le gouvernement. Taylor occupa ce poste jusqu’en 1983, quand il fut accusé d’avoir détourné 900 000 dollars, selon Al Jazeera. Face à une arrestation imminente, il s’enfuit aux États-Unis, où il fut néanmoins arrêté et inculpé. Emprisonné au Massachusetts en attente d’extradition, Taylor réussit à s’échapper de la prison de Plymouth en 1985. Les circonstances de sa fuite restent mystérieuses, mais des rumeurs lui attribuent une aide de la CIA, une allégation que Taylor n’a jamais rejetée, rapporte Foreign Policy Insider.

Taylor se réfugia d’abord au Mexique, puis en Libye, où il fut, d’après ProPublica, formé dans un camp militaire établi par le colonel Mouammar Kadhafi. C’est là qu’il entraîna son armée, attendant patiemment le moment propice pour renverser Doe, dont la popularité déclinait rapidement.
Le coup d’État lancé en 1989 déclencha une guerre civile sanglante qui ravagea le Liberia jusqu’en 1996. Sur la scène internationale, la rébellion de Taylor fut d’abord ignorée, tandis que Doe réagissait maladroitement, envoyant ses troupes commettre des massacres de civils, selon ProPublica. L’armée de Taylor grossit, recrutant même des enfants, formant une « Small Boys Unit » imposant un serment de loyauté sanglant, où les jeunes étaient parfois contraints de tuer leurs propres parents.
Au terme de ce conflit prolongé, plus de 150 000 Libériens avaient perdu la vie. En 1995, un accord de paix fut signé entre Taylor et Doe, avant que Taylor ne soit élu président lors d’une élection spéciale en 1997.

Taylor fut porté au pouvoir avec plus de 75 % des voix, ce qui semblait constituer un large mandat. Cependant, les critiques soulignèrent que sa victoire était en partie due à des distributions d’argent en échange de votes, comme l’indique Britannica. Malgré son accession au pouvoir, Taylor resta obsédé par ses opposants et remplit son gouvernement d’anciens membres de milices ayant combattu à ses côtés.
Par la suite, Taylor commença à vendre des armes aux rebelles de Sierra Leone, connus sous le nom de Front révolutionnaire uni (RUF). Ces derniers menèrent une guerre civile extrêmement violente, causant la mort ou la disparition de plus de 50 000 personnes, infligeant des mutilations et des violences sexuelles innombrables. Pourtant, Taylor prétendait, face à la Cour internationale de justice à La Haye, que ses actions visaient à instaurer la paix dans la région.
La Cour ne partagea pas ce point de vue, tout comme les nombreux témoins qui décrivirent les atrocités subies. Finalement, Charles Taylor fut reconnu coupable de 11 chefs d’accusation pour complicité avec les forces rebelles responsables de cette violence dévastatrice. Selon The Atlantic, lorsque la nouvelle de sa condamnation fut annoncée au Sierra Leone, la population réagit par des acclamations.
