Aux États-Unis, le principe selon lequel une personne ne peut être arrêtée et détenue sans explication est largement acquis. Même ceux qui ne sont pas spécialistes du droit ont conscience de certains droits fondamentaux grâce à la représentation juridique assurée en cas d’accusation, ainsi qu’à l’examen judiciaire des accusations portées. Ce cadre garantit la protection des droits des accusés.
Imaginez un monde où une personne pourrait être arrêtée et maintenue en détention indéfiniment, sans que les autorités aient à justifier cette privation de liberté. L’habeas corpus est une procédure juridique qui protège contre de telles détentions arbitraires. Littéralement, l’expression latine signifie « vous avez le corps », mais sur le plan légal, elle implique l’obligation de prouver que la détention d’une personne est conforme au droit.

Origines de l’habeas corpus
L’habeas corpus est une notion juridique qui précède même l’existence des États-Unis. Son origine remonte à 1215, lors de la rédaction de la Magna Carta au Royaume-Uni. Ce document fondamental contenait la clause : « Nul ne sera arrêté ou emprisonné… sauf par le jugement légal de ses pairs ou selon la loi du pays. » La Magna Carta avait pour but de protéger les populations contre un pouvoir arbitraire, assurant que des garanties légales existaient pour défendre les droits et les biens, en cas de violation injustifiée.
Les Pères fondateurs américains se sont largement inspirés de la Magna Carta lors de la rédaction de la Constitution, conscients des dangers qu’un pouvoir tyrannique pouvait représenter. Le cinquième amendement garantit que « Nul ne sera privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens, sans une procédure légale régulière. » Bien que l’habeas corpus ne soit pas explicitement détaillé dans la Constitution, l’article I, section 9 stipule que « Le privilège du droit de l’habeas corpus ne pourra être suspendu, sauf en cas de rébellion ou d’invasion où la sécurité publique l’exige. »
Ainsi, l’habeas corpus est une protection constante, sauf circonstances exceptionnelles. De plus, seule la Chambre des représentants est habilitée à suspendre ce droit. Cette suspension n’a eu lieu que quatre fois dans l’histoire des États-Unis : en 1941 après l’attaque de Pearl Harbor, en 1905 lors d’une rébellion militaire aux Philippines, en 1871 durant l’ère de la Reconstruction face aux violences du Ku Klux Klan en Caroline du Sud, et pendant la Guerre de Sécession.

La suspension de l’habeas corpus : un risque majeur
Le débat autour de la suspension de l’habeas corpus a refait surface en mai 2025, lorsque le président Donald Trump a évoqué cette possibilité sous l’argument d’une « invasion ». Selon son administration, l’invasion concernerait les personnes présentes illégalement sur le territoire américain, dans le cadre d’une politique de fermeté contre l’immigration clandestine. Plusieurs tribunaux fédéraux ont cependant rejeté la qualification d’invasion.
Il appartient en effet au Congrès de décider d’une telle suspension. Des voix s’élèvent pour mettre en garde contre ce risque, car la suspension de l’habeas corpus menace directement les droits fondamentaux sur lesquels les États-Unis sont fondés. Le sénateur Chris Murphy a exprimé cette préoccupation lors d’un rassemblement démocrate : « Le pouvoir qu’on ne peut confier à l’exécutif est celui d’emprisonner arbitrairement des opposants. Aujourd’hui ce peut être un immigrant salvadorien ou un étudiant étranger, demain ce sera n’importe qui. La pente vers la despote peut être rapide et glissante. »

