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Parmi les récits historiques des États-Unis devenus mythes nationaux, l’expédition menée entre 1804 et 1806 par Meriwether Lewis et William Clark occupe une place centrale. Au cœur de ce récit se trouve Sacagawea, une femme amérindienne souvent célébrée pour son rôle dans ce périple d’environ 12 900 kilomètres aller-retour, du Missouri jusqu’au Pacifique en Oregon, puis retour. Elle a figuré sur une pièce de monnaie américaine et est l’objet de nombreuses statues honorant une femme née sur le sol américain. Mais nos connaissances actuelles sur Sacagawea restent limitées et même l’orthographe et la prononciation de son nom varient selon les sources. L’erreur la plus marquante pourrait résider dans la nation tribale à laquelle elle appartiendrait, d’après de nouvelles preuves. Traditionnellement, Sacagawea est décrite comme Shoshone et aurait été enlevée par les Hidatsa, mais des éléments suggèrent qu’elle serait née Hidatsa et aurait été retenue captive par les Shoshone.

Rôle de Sacagawea dans l’expédition Lewis et Clark
En 1803, le président Thomas Jefferson lança ce qui serait appelé le Corps de la Découverte. À l’hiver 1804-1805, Meriwether Lewis, William Clark et leur équipage de plus de quarante hommes atteignirent l’actuelle Dakota du Nord, où ils firent construire un fort près de villages Mandan et Hidatsa sur le Missouri. C’est là qu’ils rencontrèrent le marchand de fourrures canado-français Toussaint Charbonneau et sa jeune épouse Sacagawea. Elle n’avait entre 15 et 17 ans et était enceinte lorsque Charbonneau les convainquit d’emprunter le chemin de l’ouest.
Avant le voyage, elle donna naissance à un fils, Jean Baptiste, qu’elle emmena avec elle, tout en assumant le rôle d’interprète et de guide. Sacagawea démontra sa valeur à plusieurs égards, notamment en sauvant des objets précieux tels que des instruments et des documents lorsque l’un des bateaux du Corps faillit chavirer en mai 1805. Ce que nous savons d’elle provient des journaux de Lewis et Clark et des récits de Charbonneau, mais certains éléments restent discutables. Charbonneau parlait peu anglais et tout était filtré par un traducteur, ce qui compliquait la fidélité des récits, y compris l’histoire de son enlèvement.

La version traditionnelle de la vie de Sacagawea
La version traditionnelle situe Sacagawea comme une Shoshone née dans les Rocheuses, dans l’actuel Idaho. Les Hidatsa l’auraient enlevée vers l’âge de 12 ans et lui auraient ensuite été vendue à Toussaint Charbonneau. Mais, comme pour d’autres questions entourant son nom — orthographe, prononciation et signification — ses origines restent entourées de mystère. Tout ce que nous savons de son enfance vient de Charbonneau, qui se montrait peu fiable: sa langue principale, l’Hidatsa, était peu maîtrisée, et son anglais l’était encore moins. Pour communiquer avec Lewis et Clark, il fallait passer par un membre du Corps qui parlait le français et l’anglais.
Pendant l’expédition, le Corps visita les Shoshone et, selon les journaux publiés, Sacagawea dansa et célébra sa réunion avec son peuple, notamment avec son frère. Or cette scène n’apparaît pas dans les notes originales de Lewis ou de Clark; elle ne figure que dans la version officielle publiée en 1814, près d’une décennie après l’expédition et cinq ans après la mort de Lewis dans des circonstances mystérieuses. Lewis nota aussi qu’il ne décelait aucune émotion chez Sacagawea lors de ce retour. Après l’expédition, elle regagna le village Hidatsa où Lewis et Clark l’avaient rencontrée pour la première fois.

La version Hidatsa de sa vie
La tradition Hidatsa présente une identité différente. Dans le livre Our Story of Eagle Woman, Sacagawea: They Got It Wrong, rédigé par le Sacagawea Project Board du Mandan, Hidatsa & Arikara Nation, Sacagawea serait née Hidatsa et connue sous le nom d’Aigle-Femme. Selon cette version née d’une histoire orale, ce serait les Shoshone qui l’auraient enlevée plutôt que les Hidatsa. Elle vécut aux côtés de ses ravisseurs à l’ouest jusqu’à ce qu’elle parvienne à s’échapper et à rejoindre son peuple dans le nord-est. Son père l’aurait même accompagnée lors de visites chez les Shoshone, où elle se rapproche de plusieurs membres de cette nation.
Dans la version Hidatsa, Sacagawea ne serait pas morte en 1812 d’une maladie — comme on le croit communément — mais aurait vécu jusqu’à 82 ans et serait décédée en 1869 lors d’une razzia Sioux. Outre l’histoire orale, l’ouvrage s’appuie aussi sur des preuves ADN reliant Sacagawea à des descendants Hidatsa vivants. Quelle que soit la vérité, Sacagawea est devenue un symbole de courage, de maternité et d’unité, et une part indélébile de l’histoire du pays.
Quoi qu’il en soit, Sacagawea demeure un symbole durable de la capacité de coopération et d’espoir au cœur de l’histoire américaine.
