Histoire
La vie quotidienne des imprimeurs coloniaux en Amérique jouait un rôle aussi déterminant dans la communication que les médias actuels. La fabrication massive de documents imprimés demandait un travail intense, indispensable pour informer les citoyens et leur permettre de comprendre les affaires publiques ainsi que le fonctionnement de leur communauté.
La première presse à imprimer fut introduite dans le Massachusetts en 1638, à peine huit ans après la fondation de la colonie puritaine. Dans un établissement associé au Harvard College, elle fut utilisée pour produire divers documents : manuels scolaires, archives juridiques, almanachs, sermons et catéchismes. Outre ces ouvrages à forte teneur religieuse, la presse permettait également de diffuser des avis nécrologiques, des récits historiques, des narrations et des proclamations gouvernementales.
Quelques faits marquants de l’époque :
- Le Boston News-letter, lancé en 1704, demeura le seul quotidien des colonies jusqu’en 1719.
- En 1740, 16 journaux hebdomadaires étaient édités dans les colonies, et ce nombre atteignit 37 en 1775, juste avant la Révolution américaine.
- Les imprimeurs coloniaux, souvent considérés comme de simples artisans, jouirent progressivement d’un rôle déterminant dans la diffusion de l’information.
Les professionnels de l’imprimerie, qualifiés d’artisans, travaillaient en étroite collaboration avec les élites pour offrir divers types de publications. Le savoir-faire était transmis de génération en génération : certains imprimeurs européens émigraient vers le Nouveau Monde pour installer leur imprimerie, tandis que d’autres naissaient directement dans les colonies et reprenaient la tradition familiale.
Les premières éditions de journaux dépendaient presque exclusivement des informations fournies par des contacts ou des figures officielles, faisant de l’imprimeur un véritable relais des annonces gouvernementales. Malgré leur statut social précaire et leur dépendance envers les « gentlemen » influents, ces artisans imposaient souvent le secret sur leurs sources, protégés ainsi des représailles de ceux qui se méfiaient d’un journal parti pris.
Au début du XVIIIe siècle, la majorité des informations publiées provenait d’Europe, notamment de Londres, et des échanges entre imprimeurs coloniaux favorisaient la diffusion continue des nouvelles. Ces échanges contribuèrent, sur une longue période, à la montée d’un sentiment propice à l’indépendance américaine.
La décennie 1760 marqua un tournant. Face à la crise impériale, les imprimeurs optèrent de ne plus rester neutres. En adoptant des positions claires en faveur d’une rupture ou d’un maintien des liens avec la Grande-Bretagne, ils contribuèrent à polariser l’opinion publique. Ainsi, selon certains chercheurs, en refusant de relayer des informations jugées mensongères ou tyranniques, les imprimeurs coloniaux, acteurs clés de leur temps, protégeaient en même temps les droits du peuple et redéfinissaient les fondements de la liberté de la presse.
L’héritage de ces imprimeurs coloniaux réside dans leur capacité à transformer un simple métier en un véritable levier d’information et d’influence, confirmant ainsi leur rôle stratégique dans l’évolution de la communication et de la culture en Amérique.