Quand on évoque les civilisations anciennes des Amériques, on pense souvent aux innovations agricoles, aux danses cérémonielles ou à l’architecture mésoaméricaine. Cependant, le Nouveau Monde ne se limitait pas au travail et au culte. Les découvertes archéologiques tendent à privilégier les interprétations utilitaires ou religieuses des vestiges précolombiens, mais elles négligent une part essentielle des activités humaines : les loisirs et les jeux, comme le souligne Barbara Voorhies, professeure à l’Université de Californie à Santa Barbara.
De plus en plus, les archéologues reconnaissent que les peuples autochtones de l’Amérique préhistorique pratiquaient divers jeux, notamment des jeux de plateau. Sur l’île de Tlacuachero, au sud du Mexique, datant d’environ 5 000 ans, un sol en argile perforé de trous formant des motifs ovales a été découvert. Si certains trous servaient probablement à fixer des piquets pour sécher poissons et coquillages, d’autres, disposés en ovales, semblent avoir constitué un plateau pour un jeu ancestral.
Des millénaires plus tard, les Mayas inventèrent le Bul, un jeu de plateau combinant astucieusement éléments de jeux de course et stratégies rappelant les échecs. Le but était de capturer les pièces adverses pour les ramener à son camp. De leur côté, les Zuni, peuple établi dans l’actuel New Mexico, développèrent l’Awithlaknakwe, où six « guerriers de pierre » progressaient sur un vaste plateau de 168 cases. L’origine exacte de ces jeux reste incertaine, mais leur singularité suggère une création indépendante des influences européennes.

En plus des jeux de plateau, les sports compétitifs occupaient une place importante dans les sociétés amérindiennes. Les Iroquois, par exemple, jouaient dès le XIe siècle à une forme ancestrale de ce que nous appelons aujourd’hui la crosse. Ce sport, nommé baggataway ou tewaraathon, pouvait rassembler jusqu’à mille joueurs lors de parties qui s’étendaient sur plusieurs jours. Les colons français, observant les crosses filetées, les comparèrent à la crosse épiscopale, d’où le nom « lacrosse ».
Les civilisations maya et aztèque disposaient elles aussi de leurs propres disciplines sportives. On compte parmi elles un jeu de balle mésoaméricain, l’ulama ou tlachtli, considéré comme l’ancêtre d’une version régionale de la crosse. Ce sport millénaire utilisait une balle en caoutchouc natif du Nouveau Monde, pesant environ 7 kg. Plus qu’un simple divertissement, ce jeu revêtait un caractère rituel, étant souvent associé à des sacrifices humains : le perdant, voire parfois le gagnant selon les sources, pouvait être sacrifié par décapitation.

