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Les règles que les sujets de Toutankhamon devaient suivre
Quand on évoque les pharaons de l’Égypte ancienne, il est fort probable qu’on pense immédiatement à Toutankhamon. Son nom, souvent abrégé en « Tut », est non seulement facile à prononcer, mais il attire aussi l’attention des amateurs d’histoire. Pourtant, malgré sa renommée, la découverte de sa tombe ne date que de 1922, il y a environ un siècle. Toutankhamon est l’un des 170 pharaons ayant régné pendant une période de 2 600 ans. Sa sépulture restée intacte se trouve dans la Vallée des Rois, au sein de l’ancienne ville thébaine, où reposent des dirigeants ayant gouverné pendant près de 450 ans.
Ce qui rend Toutankhamon particulièrement mémorable, ce sont ses trésors funéraires et l’extraordinaire état de conservation de sa tombe. Parmi les objets retrouvés, on trouve des murs ornés d’hieroglyphes, un jeu de société à damier, des sandales en or, 413 figurines de serviteurs destinées à l’accompagner dans l’au-delà, une chapelle en or contenant ses organes momifiés, son célèbre masque en or, ainsi qu’un sarcophage à trois couches avec son corps dans la plus petite des unités. Toutankhamon est monté sur le trône à l’âge de neuf ans et est mort adolescent après un bref règne d’environ neuf ans, en 1323 avant notre ère.
Bien que son règne ait été bref, Toutankhamon a réussi à marquer son époque. Il a renversé le radical monothéisme instauré par son prédécesseur, Akhenaton, qui avait éliminé des milliers d’années de traditions religieuses au profit d’un nouveau culte dédié à un seul Dieu, Aton. Les règles de son règne visent à rétablir l’équilibre social, tout en suivant des préceptes communs à tous les pharaons de l’époque.
Pharaon : arbitre de la loi et de la justice
Les sources concernant les détails du règne de Toutankhamon sont relativement rares. En tant que jeune roi, il a accédé au trône en épousant sa sœur pour des raisons dynastiques. Il est mort dans la fleur de l’âge, vers 17 à 19 ans, sans que la cause de sa mort ne soit clairement établie ; les théories vont d’un accident à une maladie. De plus, il est notable qu’il ne figure pas dans les listes de rois, ce qui soulève des interrogations sur ses origines familiales. La connaissance que nous avons de son règne est principalement issue des événements survenus en Égypte après sa mort, ainsi que des informations concernant le rôle des pharaons dans la société égyptienne.
Le concept central autour duquel s’articule ce rôle est celui de « maat », qui désigne l’ordre cosmique définissant le juste et l’injuste, ainsi que la justice et la loi au sein de la société égyptienne.
Selon la revue Fundamina: Journal of Legal History, les pharaons égyptiens étaient perçus comme des intermédiaires entre les divinités et l’humanité, tout en agissant comme arbitres de la justice au sein de la société. Leur devoir principal consistait à maintenir la maat en tant que représentants des dieux, servant d' »juge suprême et législateur ». Ainsi, la religion égyptienne et le droit égyptien étaient intrinsèquement liés.
Cependant, contrairement à d’autres civilisations, la loi égyptienne n’était pas gravée dans la pierre. Le pouvoir était exercé par le pharaon vivant, qui tirait son autorité de la situation présente et qui avait le dernier mot. Les jugements du pharaon, fondés sur la maat, étaient considérés comme fluides et évolutifs, adaptés aux réalités du moment, comme le souligne National Geographic. Par essence, cela implique que les règles pharaoniques – celles de Toutankhamon incluses – étaient dictées par le bon sens plutôt qu’une législation rigide. Quelle que soit sa décision, celle-ci était considérée comme incontestable.
Le retour aux racines égyptiennes sous Toutankhamon
L’héritage architectural de l’Égypte ancienne, ses temples majestueux et ses statues monumentales transmettent une grandeur impressionnante qui témoigne de l’importance de la culture égyptienne, tant pour les nobles que pour les paysans. L’Égypte se percevait comme un royaume éternel, en harmonie avec les dieux et l’ordre cosmique. Il est intéressant de noter qu’il est difficile d’appliquer le concept moderne de « religion » à la compréhension de ce que signifiait la vie en Égypte ancienne ; pour les Égyptiens, la spiritualité était tout simplement intégrée à leur existence quotidienne.
Le règne du pharaon Akhenaton a cependant bouleversé cet équilibre. En un clin d’œil, il a supprimé les traditions égyptiennes, introduisant un monothéisme centré sur le dieu Aton (le soleil), en déplaçant la capitale vers Akhetaton et en changeant son nom pour symboliser cette nouvelle ère. Akhenaton a même modifié le nom de sa femme, Nefertiti, en Neferneferuaten, illustrant la portée de ses réformes. En tant que pharaon, sa volonté était sans appel, et aucun prêtre ou citoyen ne pouvait s’y opposer.
Ce fut un autre pharaon, Toutankhamon, qui renversa ces changements radicaux. Avec une rapidité surprenante, il a rétabli les anciennes traditions égyptiennes, recouvrant le panthéon des dieux. Né sous le nom de Tutankhaten, signifiant « L’image vivante d’Aton », il a modifié son nom pour refléter ce retour aux pratiques d’antan, rappelant à tous que l’harmonie avec les croyances traditionnelles devait être restaurée.
Les rôles cléricaux traditionnels rétablis par Toutankhamon
Les décrets des pharaons étaient considérés comme des lois, fondés sur le bon sens et en accord avec le concept de maat, qui représente l’ordre cosmique et la justice. Ces décrets n’étaient pas standardisés au fil du temps, ni systématiquement consignés par écrit. Par exemple, voler des sandales pouvait entraîner une amende. En parallèle, la vie spirituelle égyptienne était intrinsèquement liée au quotidien, nécessitant une propitiation constante des dieux pour maintenir l’équilibre cosmique. Ainsi, les prêtres et prêtresses égyptiens étaient chargés de réaliser de nombreux rituels d’entretien quotidien, veillant à la satisfaction des divinités, pendant que les citoyens menaient leur vie de famille, d’agriculture, de commerce et de loisirs.
Bien que des pharaons tels que Toutankhamon n’aient pas inventé de règles pour le clergé égyptien, son renversement des lois instaurées par Akhenaton a permis un retour aux anciennes fonctions cléricales. En effet, ces derniers avaient dû abandonner leurs tâches habituelles pour suivre la nouvelle religion d’Akhenaton entre 1353 et 1351 av. J.-C. Seventeen ans après la mort d’Akhenaton, les prêtres ont repris leurs anciennes responsabilités.
À travers ses décrets, Toutankhamon a rétabli les anciens dieux et les fonctions traditionnelles des prêtres, y compris celles du personnel de nettoyage, des cuisiniers, des scribes, des porteurs, des musiciens, des danseurs, des astronome, des devins, des médecins et diverses autres catégories de clergé responsables des festivals, des funérailles, de la préparation des corps, des discours publics et de l’enseignement. Ces individus observaient des règles strictes élaborées au cours de milliers d’années, antérieures à 3000 av. J.-C. Cependant, il est essentiel de noter que ce ne sont pas les pharaons qui ont créé ces règles ; ces derniers agissaient en tant que grands prêtres, interprétant la volonté des dieux, tandis que d’autres prêtres exécutaient cette volonté divine.
Toutankhamon n’a pas persécuté les adeptes d’Aton
Bien que peu d’informations spécifiques sur le règne de Toutankhamon soient disponibles, nous savons qu’il s’est éloigné de la religion d’Akhenaton, axée sur le dieu soleil Aton. Son approche n’était pas seulement un retour aux traditions, mais celle de sa générosité et de sa clémence. Il a notamment **ordonné la restauration des anciens temples tout en veillant à ce que les adeptes d’Aton ne soient pas victimes de persécutions**. Lorsqu’un pharaon s’exprimait, son peuple lui obéissait.
Durant les 17 ans de règne d’Akhenaton, de nombreux temples consacrés aux anciens dieux étaient tombés en désuétude. Toutankhamon a décrété leur restauration, conforme à son penchant pour le retour aux traditions religieuses égyptiennes. De plus, il a commandé la construction de nouveaux édifices, dont un palais à Karnak et une colonnade au Temple de Louqsor, ce dernier décoré de scènes représentant les dieux traditionnels pour renforcer le message de cette réconciliation religieuse.
Toutankhamon a choisi de ne pas interférer avec les personnes qui adoraient Aton, leur permettant de pratiquer librement leur foi. Cela illustre l’esprit des religions polythéistes. S’il existait une volonté de réconcilier un peuple divisé, cela reste supposé. Il a même décidé de ne pas changer le nom de certains éléments de l’administration égyptienne portant le nom d’Aton, tels que les vignobles royaux et certaines régiments de l’armée.
La tombe inhabituelle de Toutankhamon
L’ancienne croyance égyptienne en l’au-delà est une thématique incontournable, intimement liée à la vie de Toutankhamon et aux pharaons en général. Pour les Égyptiens, la vie terrestre n’était pas qu’un passage : elle était préparatoire à l’éternité. Ainsi, leur existence était souvent perçue comme une porte qui menait à un jugement ultime, fondé sur leurs actions sur Terre. Cela explique les pratiques de momification, visant à préserver le corps physique pour faciliter le voyage vers l’au-delà.
Toutankhamon, comme tous les pharaons de son temps, devait croire en cette tradition. Bien que nous n’ayons pas de preuves concrètes concernant des instructions spécifiques laissées par Toutankhamon pour son corps après sa mort, il est certain que des règles implicites auraient été suivies en tant que pharaon. Fait intéressant, sa tombe a été découverte dans un emplacement qui ne semblait pas prévu pour lui, indiquant qu’elle avait peut-être été adaptée à un autre usage. Cela dit, la taille modeste de cette chambre, ainsi que son emplacement discret, ont contribué à sa préservation pendant près de 3 000 ans, depuis la mort de Toutankhamon en 1323 av. J.-C. jusqu’à sa redécouverte en 1922.
C’est grâce à cette intégrité que de nombreux artefacts ont été retrouvés, comme son célèbre masque en or, ses pantoufles dorées et le sanctuaire spécial pour ses organes. Si nous ne savons pas si Toutankhamon a directement requis ces objets, il est indéniable que l’élaboration de sa chambre funéraire suivait les rites standards de l’époque.