Les écoles primaires sont censées être des lieux d’apprentissage variés. C’est là que les enfants américains assimilent les valeurs collectives et l’histoire large de la nation, tout en acquérant les compétences de base qui, en théorie, feront d’eux des membres productifs de la société. Pourtant, l’école primaire est aussi une véritable scène sociale.
Elle constitue le théâtre où les enfants façonnent leur identité et explorent le monde qui les entoure, s’appropriant les modes et les tendances du moment. Les élèves échangent, s’observent, et il ne faut pas longtemps pour qu’un nouveau jouet, un vêtement ou un gadget électronique devienne incontournable dès lors qu’il s’immisce dans ce microcosme dense et hiérarchisé.
Ces objets parfois très tendance deviennent souvent si populaires qu’ils perturbent l’environnement scolaire, phénomène particulièrement visible dans les années 1980, 1990 et 2000. Leur attrait est tel qu’ils détournent l’attention des cours et des devoirs, générant toute une série de problèmes additionnels.
Un paradoxe de l’école primaire, que l’on ne comprend pleinement qu’en devenant adulte, est la rapidité avec laquelle une mode peut échapper à tout contrôle. La seule réponse efficace mise en œuvre par les administrations scolaires, les directeurs ou les enseignants est alors l’interdiction pure et simple, accompagnée de la confiscation des objets problématiques.
C’est ainsi qu’un bon nombre d’articles, autant appréciés qu’agaçants, ont été bannis des établissements scolaires à travers les États-Unis.
Appelés aussi bracelets slap wrap en raison de la façon dont ils se replient autour d’une partie du corps, les bracelets slap furent une véritable mode au début des années 1990. Composés d’une fine bande flexible en acier inoxydable enveloppée dans une couche protectrice en plastique décorée selon les goûts, ils se présentaient initialement sous forme de longues bandes de 23 cm qui, à la différence d’un bijou préformé, se refermaient naturellement autour du poignet pour former un bracelet.
Leur principal effet était de produire un claquement sonore lorsqu’ils entraient en contact avec la peau, ce qui en faisait un objet à la fois bruyant et distrayant dans les salles de classe américaines à la fin des années 1990. Si cette popularité a favorisé l’apparition de nombreuses contrefaçons bon marché, celles-ci offraient souvent un revêtement de moindre qualité qui s’usait rapidement, exposant le métal potentiellement tranchant en dessous.
Cette caractéristique a entraîné de nombreuses blessures : coupures importantes chez les enfants qui finissaient souvent aux infirmeries scolaires ou dans les cliniques d’urgence. Face à ces risques persistants, plusieurs écoles élémentaires de l’État de New York ont banni les bracelets slap, suivies ensuite par des établissements en Pennsylvanie. Certains points de vente ont retiré les modèles imités de leurs rayons, tandis que le Département de la protection des consommateurs du Connecticut a lancé un rappel officiel. Rapidement, la mode s’est estompée sous la pression de ces interdictions.
Pogs

Phénomène emblématique des années 1990, les pogs tirent leur origine d’un jeu de retournement de cartes créé au XVIIe siècle au Japon. Ce divertissement est arrivé à Hawaii dans les années 1920, où il a été intégré plus tard dans une leçon de mathématiques par un enseignant local. La version moderne utilisait des capsules de lait ou des disques en carton issus de bouteilles populaires contenant un mélange de fruit de la passion, orange et goyave, appelées communément POG.
Entre 1994 et 1995, les pogs ont conquis le continent américain avec plus de 350 millions de disques imprimés, arborant des motifs variés et devenus objets de collection. Le jeu, accessible mais captivant, consistait à lancer un disque plus épais appelé slammer sur une pile de pogs de l’adversaire. Tout disque retourné appartenait au joueur lanceur, ce qui alimentait à la fois l’excitation du jeu et la compétition.
Ce succès phénoménal auprès des enfants américains a suscité l’inquiétude de certains responsables scolaires. Le caractère addictif et l’aspect “conservation” des pogs ont été mal perçus. Kathy Muelder, directrice d’une école élémentaire en Californie, expliquait en 1994 au Los Angeles Times que jouer aux pogs revenait à « perdre son argent sur une table de Las Vegas ». De nombreuses écoles en Californie, mais aussi dans le Connecticut, le Massachusetts et la Pennsylvanie, ont décidé d’interdire les pogs. Cette décision est notamment venue à la suite de disputes parfois violentes entre élèves liés au jeu. Ces interdictions ont joué un rôle déterminant dans le déclin rapide de la popularité des pogs dans les écoles américaines.
Au cœur des années 1990, « Les Simpsons » s’imposaient comme une série télévisée révolutionnaire et controversée. Bien que devenue une icône culturelle et l’une des séries les plus longues et acclamées, son début fut marqué par des débats intenses autour de la représentation franche de familles dysfonctionnelles et, surtout, de l’attitude rebelle de Bart Simpson. Ce personnage, provocateur et irrespectueux de l’autorité, a rapidement captivé des millions d’enfants à travers les États-Unis.
Des expressions cultes telles que « Mange mes shorts », « Je suis Bart Simpson. Et toi, qui es-tu ? », « Ne t’énerve pas, mec » ou encore « Sous-performant (et fier de l’être, mec) » ornaient des t-shirts à son effigie qui sont devenus des best-sellers. Ces messages audacieux, bien que populaires, furent rapidement perçus comme provocateurs dans le cadre scolaire.
Face à cette montée en puissance des slogans jugés trop subversifs, plusieurs institutions éducatives du Michigan, de l’Illinois et d’autres États imposèrent l’interdiction de ces t-shirts dans leur enceinte. Certains élèves furent même obligés de rentrer chez eux pour changer de tenue, afin de respecter un cadre plus « neutre » et moins « incendiaire ».
Au fil des années, malgré le scandale initial, la popularité des t-shirts Bart Simpson s’est estompée dans les écoles, ce qui a conduit à un recul de leurs ventes dès le début des années 1990.
Dans les années 1980 et 1990, avant la généralisation des téléphones portables abordables et omniprésents, les pagers figuraient parmi les rares moyens de rester en contact de manière semi-permanente lorsqu’on était éloigné de chez soi. Ces petits appareils sans fil, dotés d’un écran monochrome, étaient souvent appelés « beepers ». Chaque pager possédait son propre numéro de téléphone que l’on pouvait appeler pour laisser un message au destinataire, lequel devait ensuite rappeler depuis un téléphone fixe ou convenir d’un rendez-vous.
Si de nombreux parents offraient des pagers à leurs enfants pour mieux les localiser, un autre groupe américain plus discret s’est emparé de cet outil : les trafiquants de drogue. Des reportages issus de grandes villes à travers les États-Unis alertaient sur l’usage des pagers comme moyen de contacter les dealers et d’organiser des transactions illégales.
Cette association souvent infondée entre les adolescents utilisateurs de pagers et le trafic de drogue a conduit de nombreuses écoles à interdire ces dispositifs. Les enseignants et les administrateurs voyaient des jeunes recevoir des messages sur leur pager et suspectaient immédiatement des activités illicites. Face à cette suspicion et aux risques supposés, plusieurs juridictions ont instauré des restrictions sévères sur l’usage des pagers.
Par exemple, le New Jersey et la ville de Chicago ont adopté des lois rendant illégale la possession d’un pager pour toute personne de moins de 18 ans. Par ailleurs, dans une ville du Michigan, les enfants surpris avec un pager à l’école s’exposaient même à des sanctions pénales, dont la menace de prison.
Introduits au Japon dans les années 1980, les stylos gel, parfois appelés « stylos jelly », ont connu leur apogée de popularité aux États-Unis vers 1999-2000. Offrant une palette de couleurs vives, éclatantes et métalliques, ces instruments d’écriture ont permis aux élèves d’exprimer leur créativité au sein d’un univers scolaire souvent perçu comme rigide et monotone.
Au-delà du papier, les enfants ont rapidement découvert que l’encre gel à base d’eau pouvait s’appliquer sur la peau, transformant leurs mains, bras et visages en véritables toiles d’expression personnelle, marquées par des mots ou des dessins.
Pourtant, dès 2001, cet objet, à la frontière entre fournitures scolaires et accessoire ludique, a commencé à être interdit dans plusieurs établissements américains. En effet, les enseignants ont observé que l’encre gel laissait des taches permanentes sur les tapis et les bureaux, tandis que les traces laissées sur papier se révélaient souvent peu lisibles. Cette difficulté à assurer la clarté et la netteté des travaux – comme l’a rapporté un professeur de Virginie du Nord dans The Washington Post – se traduisait par de nombreuses copies et devoirs illisibles.
Par ailleurs, ces stylos s’étaient mués en symboles sociaux parmi les élèves, donnant lieu à des collections parfois encombrantes et distrayantes. Tous ces facteurs combinés ont conduit de nombreux enseignants à demander aux élèves de laisser leurs stylos gel à la maison.

Durant l’année scolaire 2016-2017, une mode centrée autour d’un objet destiné aux enfants s’est imposée comme une tendance majeure : le fidget spinner. Conçu initialement dans un but bénéfique, il est né de l’idée de Scott McCoskery, un informaticien qui cherchait à occuper ses mains pendant de longues conférences téléphoniques monotones. Il inventa ainsi un petit dispositif muni d’un roulement à billes au centre, permettant une rotation fluide et prolongée autour de trois branches. Destiné à améliorer la concentration des personnes souffrant d’anxiété ou de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), le fidget spinner était vanté comme un outil efficace pour canaliser l’énergie nerveuse et aider à se focaliser.
Avant même que le brevet de McCoskery ne soit finalisé, plusieurs entreprises lancèrent leur propre production en masse, rendant ces jouets très accessibles financièrement. Cependant, une ironie inattendue émergea : ce gadget, pensé pour favoriser l’attention, devint rapidement une distraction captivante pour les écoliers. Un jeune utilisateur de 11 ans confiait en mai 2017 à CBS News qu’ils s’amusaient à tester quelle machine pouvait tourner le plus longtemps, donnant naissance à de véritables compétitions.
Face à cette situation, une douzaine d’États américains interdirent l’utilisation des fidget spinners en classe pour éviter ces interruptions. En fin d’année scolaire, cet engouement s’estompa avec l’arrivée des vacances d’été, mais environ 32 % des lycées avaient déjà mis en place des mesures pour empêcher la présence de ces objets dans leurs établissements.
Raven’s Revenge

Dans la frénésie des bonbons acidulés et piquants des années 1990, parmi lesquels Sour Patch Kids et Warheads, le bonbon Raven’s Revenge s’est rapidement imposé auprès des enfants d’âge scolaire. Présenté sous une apparence presque illicite, ce bonbon en poudre aux saveurs aigres telles que la pomme acide était conditionné dans de petits tubes à essai ornés d’étiquettes noires au style gothique.
Peu diffusé dans les commerces traditionnels, Raven’s Revenge se trouvait surtout dans les camions de glaces ou vendu par des intermédiaires, souvent des élèves jouant les entremetteurs sur les cours de récréation.
Imaginé par Alexandra « Raven » Montalban, ancienne propriétaire d’un magasin de bonbons dans la région de Los Angeles, ce produit a connu un succès fulgurant avant de devenir un phénomène national. Toutefois, son essor a été brusquement freiné lorsque les établissements scolaires ont commencé à interdire cette friandise sur leurs terrains.
La principale raison : sa ressemblance avec certaines drogues, tant visuellement — la poudre contenue dans des tubes rappelant ceux utilisés pour la consommation ou le trafic — que par l’usage détourné que certains élèves en faisaient pour y dissimuler et distribuer de véritables substances illicites.

Pokémon, bien plus qu’un simple phénomène vidéoludique, s’est imposé à la fin des années 1990 et au début des années 2000 comme une véritable culture chez les jeunes Américains. Originaire du Japon, ce jeu de cartes, basé sur des créatures mignonnes et aux pouvoirs spécifiques telles que Pikachu, Jigglypuff, Bulbasaur et Squirtle, est rapidement devenu un incontournable dans les cours d’école.
La recette du succès ? Un mélange captivant de personnages attachants, de magie, de combats fantaisistes et d’un brin de compétition, puisque les joueurs conservaient souvent les cartes gagnées à leurs adversaires. Cette popularité grandissante s’est cependant retournée contre les enseignants et surveillants, pour lesquels les cartes représentaient une source majeure de distraction.
Commercialisées aux États-Unis dès janvier 1999, les cartes Pokémon ont rapidement dû faire face à des interdictions dans plusieurs états tels que New York, New Jersey ou Washington dès avril de la même année. Gerald Finelli, principal d’un établissement à Pelham, New York, déclarait alors : « Les enfants deviennent obsédés par ces cartes. Nous avons assisté à des situations où des élèves les perdaient et se retrouvaient très agités. » Avec la montée en flèche de la popularité du jeu, d’autres écoles en Floride, Californie et Montana ont également choisi de bannir ces cartes dans leurs enceintes.
À la fin des années 1990, une véritable obsession est née chez les enfants et préadolescents pour les fingerboards, ces mini-plaques de skateboard d’environ 10 centimètres de long. Parmi eux, les Tech Decks s’imposaient comme la marque phare, proposant plus de 200 modèles différents. Fabriqués dans des matériaux proches de ceux des skateboards grandeur nature, ces mini-skateboards sont rapidement devenus un jeu prisé. Les enfants s’amusaient à reproduire les figures de skateboard à l’échelle miniature, que ce soit à la maison, dans la cour d’école ou, plus problématique encore, directement sur leurs bureaux en pleine classe.
Cette popularité a vite souffert de son excès. Rapidement perçus comme une source de distractions et de nuisances en milieu scolaire, les Tech Decks ont été systématiquement confisqués par les enseignants. Larry Meyer, administrateur scolaire de Woodland Hills en Californie, expliquait en 1999 comment ces objets étaient traités : « Les enseignants les prennent et les remettent aux directeurs. Nous exigeons alors que les élèves apportent une note de leurs parents reconnaissant que ces objets perturbent la classe et s’engagent à les garder à la maison. »
Cet exemple californien n’est pas isolé. À travers les États-Unis, tout au long de la vogue des fingerboards, les établissements scolaires ont placé des interdictions semblables pour limiter, voire bannir, ces jouets miniatures. En parallèle, d’autres objets similaires, comme les Flick Tricks — de petites bicyclette miniature comparables aux fingerboards — faisaient aussi l’objet de confiscations répétées.
Les sweats à capuche, couramment appelés « hoodies », offrent un confort certain, notamment la chaleur et la possibilité de se fondre dans l’environnement à peine visible — capuche relevée, cordons serrés, les élèves dissimulent parfois leur visage. C’est précisément cette caractéristique qui a posé problème dans le district scolaire d’Erie en Pennsylvanie. Avant la rentrée scolaire 2018-2019, le conseil et l’administration ont décidé d’interdire les hoodies dans les salles de classe et sur les campus. Les enseignants et les directeurs se plaignaient en effet de devoir passer trop de temps à demander aux élèves de baisser leur capuche, suspectant que certains la portaient relevée pour cacher leur visage de manière suspecte.
Cette interdiction n’était pas unique. Dès 2015, des écoles à Worcester dans le Massachusetts avaient aussi banni les sweats à capuche, sous l’impulsion des forces de l’ordre locales, qui faisaient état d’une augmentation de la criminalité violente impliquant des jeunes. L’idée était que les propriétés masquant le visage du hoodie rendaient les jeunes plus difficiles à identifier et donc moins responsables de leurs actes. En Pennsylvanie, dans le district scolaire de Penn Hills, les élèves ont même été suspendus durant l’année scolaire 2016-2017 lorsqu’ils portaient des hoodies en classe.
Conçu en forme d’œuf et destiné à être porté comme un porte-clés, le Tamagotchi, fabriqué par Bandai, fut le premier animal virtuel jamais créé. Sur un écran LCD à matrice de points, un petit animal numérique apparaissait, et l’utilisateur devait manipuler trois boutons pour le nourrir et en prendre soin, sous peine de le voir disparaître. Lancé au Japon en 1996, il devint rapidement l’un des jouets les plus prisés lors des fêtes de Noël. Le Tamagotchi arriva aux États-Unis en 1997, d’abord à Hawaï, puis dans le reste du pays.
Sa conception même exigeait une attention constante tout au long de la journée, ce qui entraîna une fascination presque obsessionnelle chez de nombreux enfants. Cet attachement persistent au jouet provoqua rapidement l’agacement des enseignants.
Quelques mois seulement après son arrivée à Hawaï, ce gadget captivant et sonore fut interdit dans les écoles élémentaires de l’île d’Oahu. Au fil de l’année scolaire 1996-1997, alors que la mode du Tamagotchi se répandait à grande vitesse, les établissements scolaires imposèrent aux élèves de laisser leurs Tamagotchis à la maison ou à leurs parents, sous peine de confiscation. Les écoles de Californie et de New York furent notamment parmi les plus promptes à interdire ce jouet.
