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Rivières, Mythes et Réalités Mortelles
L’eau est l’une des forces les plus puissantes de notre planète, et il ne faut jamais l’ignorer. Bien qu’on puisse considérer les océans comme particulièrement menaçants, les rivières portent aussi leur lot de dangers, un fait que nos ancêtres semblaient bien comprendre. Dans les traditions populaires britanniques, par exemple, on trouve une créature nommée Jenny Greenteeth. Cette entité, également connue sous le nom de grindylow, attend dans les rivières pour attraper les enfants imprudents.
D’autres figures mythologiques telles que Peg O’Nell, qui habitait la rivière Ribble, nécessitaient des sacrifices réguliers pour éviter qu’elle ne prenne une vie humaine. Les rituels sacrés à l’intention des esprits des rivières de Sheffield étaient également courants. Le Rhin, en Allemagne, avait même une sirène nommée Lorelei, qui attirait les voyageurs vers leur perte. Enfin, dans la mythologie grecque, les rivières de l’au-delà comme le Styx, l’Achéron, le Cocytus, le Phlégon et le Léthé ajoutent une couche de mystère et de danger autour des cours d’eau.
Si ces histoires relèvent de la mythologie, prenons le temps d’examiner certaines rivières bien réelles qui s’avèrent encore plus meurtrières que les légendes.
La rivière bouillante du Pérou : un écosystème mortel
Les croyances anciennes entourant la rivière bouillante de Mayantuyacu, dans les profondeurs des jungles péruviennes, ont souvent été considérées comme des mythes. Pourtant, le géophysicien Andres Ruzo a démontré que cette rivière, véritable phénomène naturel, existe bel et bien. Malgré les moqueries des experts, Ruzo a persévéré et a découvert que les températures d’eau pouvaient atteindre près de 93 degrés Celsius, suffisamment pour cuire les animaux malheureux qui s’y aventurent.
Cette rivière, affluente de l’Amazone, est alimentée par des sources thermales. Le fait que des chercheurs aient été sceptiques s’explique par l’ignorance des réalités locales, connues depuis longtemps des communautés amazoniennes. Au-delà de la science, la mythologie locale joue un rôle essentiel. Chaque site le long de la rivière est censé être un foyer pour un esprit, tels que Yacumama, une entité lumineuse associée à des eaux chaudes et froides, ou l’Esprit de la Vapeur, qui porte les prières des fidèles au créateur de l’univers.
Le fleuve le plus toxique du monde est mortel pour ceux qui l’entourent
Environ neuf millions de personnes vivent à proximité du fleuve Citarum en Indonésie, une cohorte importante qui dépend de ce cours d’eau pour des besoins essentiels tels que l’eau potable, la pêche et l’irrigation. Malheureusement, ce fleuve est également l’un des plus pollués au monde, et l’ampleur de cette pollution est presque inimaginable.
Selon The Guardian, quiconque s’approche des rives du fleuve doit affronter une odeur si puissante qu’elle semble palpable — un mélange de déchets pourrissant sous le soleil ardent et de résidus chimiques. Ces déchets chimiques proviennent des plus de 2 000 installations industrielles situées le long du fleuve, ainsi que des habitants qui n’ont d’autre choix que de jeter leurs ordures dans l’eau. Ce triste constat se traduit par des niveaux choquants de métaux lourds tels que le fer et l’aluminium, ainsi que des bactéries fécales présentes en milliers de fois au-delà des limites permises par les agences de protection environnementale.
Cette situation a logiquement entraîné de nombreux problèmes de santé, avec des taux anormalement élevés de tumeurs, de bronchites chroniques, de tuberculose, de problèmes intestinaux et rénaux, de dermatites, ainsi que de retards de développement chez les enfants. Bien qu’il existe des efforts pour nettoyer le fleuve, la tâche est colossale, entravée par des difficultés telles que le manque de coopération des entreprises qui continuent de déverser leurs déchets dans le fleuve, ainsi qu’un système de corruption qui leur permet de le faire sans conséquence.
La rivière la plus dangereuse d’Angleterre semble trompeusement tranquille
Le Bolton Strid, qui est un tronçon de la rivière Wharfe, mesure en moyenne environ deux mètres de large et, à travers les forêts du Yorkshire, s’écoule paisiblement… en apparence. Selon les habitants, les panneaux d’avertissement le long de la rivière sont là pour une raison bien précise : certains affirment que cette rivière a un taux de mortalité de 100 %.
Alors, que se passe-t-il réellement ici ? La rivière passe d’une largeur d’environ neuf mètres, plutôt peu profonde, à seulement deux mètres de large et extrêmement profonde. Sous la surface se cache un gouffre profond, rempli de cavernes, de roches accidentées et de surplombs où les nageurs imprudents peuvent facilement se retrouver emportés — et piégés.
Il n’est pas clair combien de vies la rivière a réellement fauchées, mais ou une mention dans un poème de William Wordsworth au début des années 1800 en témoigne, et des décès continuent de se produire : en 2020, un article du Yorkshire Post a signalé la mort d’un jeune homme de 18 ans. Les services de secours patrouillent régulièrement la zone et tentent de dissuader les nageurs qui sous-estiment les forts courants sous-marins, les rochers mortels et la froideur potentiellement choquante de l’eau.
En 1896, Gertrude Atherton décrivait la rivière ainsi : « Il n’y avait pas d’endroit plus solitaire en Angleterre, ni un qui ait le droit de revendiquer tant de fantômes, s’il y en avait. »
Les chutes ne sont pas les seules chutes mortelles le long de la rivière Niagara
Selon des estimations, plus de 5 000 corps ont été récupérés à la base des chutes Niagara depuis 1850, et ce chiffre ne cesse d’augmenter, partiellement à cause des chutes elles-mêmes. Cependant, la rivière Niagara est remplie de phénomènes mortels, dont le célèbre Vortex de Niagara, qui s’est formé il y a environ 4 200 ans et atteint une profondeur de 38 mètres, l’équivalent d’un immeuble de 11 étages. L’histoire est jalonnée de récits tragiques de personnes ayant péri près du Vortex et des rapides voisins. En 1913, deux jeunes garçons, âgés de 9 et 11 ans, furent emportés pour ne jamais revenir, tandis que des témoins rapportaient qu’« les garçons réalisèrent que tout espoir était perdu… et l’un d’eux fit un signe d’adieu aux personnes sur la rive ».
Certains avancent que quelque chose d’encore plus mystérieux se joue à Niagara. En 1678, le premier homme blanc à voir les chutes écrivit : « La tentation de se jeter dans ce précipice incroyable est presque irrésistible ». Depuis des siècles, des témoignages similaires émergent. Selon des recherches modernes, la combinaison de la hauteur, du bruit et de l’eau en furie provoque un court-circuit dans le cerveau. Les signaux de peur s’alertent avec tant d’intensité que nous n’arrivons plus à les interpréter correctement, poussant des individus à sauter dans le fleuve, qu’ils le veuillent ou non.
L’un des rivières les plus sacrées de l’Inde est aussi l’une des plus polluées
La rivière Ganga, également connue sous le nom de Ganges, est considérée comme sacrée par de nombreuses personnes en Inde. Elle représente une source vitale pour près de 500 millions de personnes, servant non seulement pour les bains rituels et les funérailles, mais également comme source d’eau potable, d’irrigation et d’approvisionnement pour de nombreuses usines en Inde. Cependant, cette rivière emblématique fait face à un défi majeur : elle est l’une des rivières les plus toxiques au monde.
La pollution de la Ganga est insidieuse et ne se remarque pas au premier abord. Chaque jour, des millions de tonnes d’eaux usées brutes, ainsi que des déchets animaux et des ruissellements agricoles chargés de fertilisants et de pesticides, sont déversés dans ses eaux. Ce phénomène a été identifié comme l’une des causes majeures des problèmes de santé chronique en Inde, notamment des maladies comme le choléra, qui entraîne la mort d’environ 1,5 million d’enfants chaque année.
Mais ce n’est pas tout. Avec le temps, la Ganga est devenue un véritable foyer pour les bactéries, y compris celles résistantes aux antibiotiques. Des études récentes indiquent que jusqu’à 70 % des bactéries présentes chez les patients hospitalisés montrent une résistance aux médicaments les plus couramment utilisés. Les scientifiques cherchent activement à identifier l’origine de cette résistance, et l’afflux de centaines de milliers de touristes pendant la saison annuelle de pèlerinage pourrait en être un facteur significatif.
Des prédateurs aquatiques aux dangers environnementaux
En 2013, Louis Greeff a réalisé l’impensable en parcourant les 2 900 kilomètres du fleuve Zambèze sur son bodyboard. Son aventure, relatée dans un article, dévoile une liste impressionnante de dangers. Au-delà des mythiques 90 000 hippopotames et 188 000 crocodiles qui peuplent ses eaux, s’ajoutent des mines terrestres non explosées, des courants puissants et même des requins d’eau douce. Les habitants locaux ont jugé cet exploit fou, et une mise de 22 000 dollars a été mise sur le fait qu’il arriverait à destination. Trois mois plus tard, il a réussi.
Pour ceux qui vivent à proximité du Zambèze, la situation est tout aussi périlleuse. Selon des rapports, les effets du changement climatique bouleversent rapidement le quotidien des riverains, transformant leurs vies en lutte constante pour la survie. La baisse du niveau de l’eau affecte la pêche, qui représente une source de protéines essentielle pour la population locale. En 2019, d’immenses zones de terrains de pêche étaient asséchées. Dans d’autres régions, des conditions climatiques imprévisibles ont provoqué des inondations tragiques, entraînant la mort de centaines de personnes au Mozambique et la destruction de près de 122 000 hectares de cultures.
Un pêcheur, Abraham Kasenga, résume bien cette incertitude : « Sans le Zambèze, je suis pauvre. Je n’ai pas de travail. Je n’ai rien. »
Une rivière colombienne sous domination des trafiquants de drogue
En 2018, un reportage du Guardian a révélé les réalités accablantes le long de la rivière San Juan, où les membres de la communauté se rassemblaient pour rendre hommage à ceux qui avaient « disparu », été assassinés, réduits au silence ou déplacés. Loin d’être simplement une voie navigable, la San Juan est l’une des principales routes de trafic de drogue en Colombie, entrainant une lutte complexe pour le contrôle entre divers groupes armés.
Parmi ces groupes figurent l’Armée de libération nationale et les Forces auto-défense gaitanistes de Colombie. Selon Human Rights Watch, ces organisations emploient des méthodes violentes telles que le recrutement d’enfants, l’intimidation, les tueries de vengeance, les enlèvements, la propagation de mines terrestres et la violence généralisée, forçant ainsi des milliers de personnes à fuir leur foyer.
Un voyage le long de la San Juan est également parsemé de checkpoints militaires réguliers et du danger d’une violence imprévisible. En outre, la cocaïne transportée sur cette rivière de 386 kilomètres est utilisée pour financer un conflit civil qui, en 2018, avait déjà coûté la vie à environ 220 000 personnes, tandis que 80 000 autres étaient portées disparues.
Une rivière semblable à la surface de Mars utilisée pour des expériences scientifiques
Lorsque l’humanité a commencé à travailler avec divers métaux, cela a marqué un tournant important dans notre histoire. Les régions riches en métaux et minéraux, aujourd’hui connues sous le nom d’Espagne, sont considérées comme l’un des premiers lieux d’exploitation minière, une activité qui a perduré depuis environ 3000 av. J.-C. jusqu’en 2001.
Cette exploitation intensive a rendu un tronçon de 30 miles du Rio Tinto extrêmement acide et chargé en métaux lourds. Malgré l’impossibilité de s’y baigner, cette rivière a trouvé une autre vocation fascinante : simuler la surface de Mars. Elle renferme en effet des composés, tels que le sulfate de fer et de potassium, ainsi qu’une quantité importante de méthane, similaires à ceux trouvés sur la planète rouge. Cela a suscité l’intérêt des astrobiologistes, qui cherchent à comprendre comment identifier la vie extraterrestre.
Des chercheurs de l’Université de Hull mettent en lumière les conséquences environnementales des rivières rouges comme le Rio Tinto. Ces rivières, ou d’autres qui prennent cette couleur à cause de déversements chimiques, sont liées à des problèmes sérieux, comme la mort de la faune locale et l’accélération des processus naturels comme l’érosion. De surcroît, le relargage de métaux lourds toxiques dans les eaux compromet gravement la santé publique.
Des hommes armés de machettes, un fléau redoutable
En 2012, Phil Harwood relatait un périple incroyable dans The Guardian ; il était devenu la première personne à descendre en canoë les 3 000 miles du fleuve Congo. Cette aventure était pleine de dangers, parmi lesquels on trouvait des hommes armés de machettes, des crocodiles, des hippopotames, d’énormes rapides, des cascades, des serpents, des poissons redoutables, des rebelles armés, ainsi que des araignées aux toiles aussi grandes que des maisons. Henry Morton Stanley, en 1877, avait également emprunté le Congo et, après la noyade du dernier membre de son équipe, avait exprimé son épuisement face à cette « incessante histoire de malheurs et de morts ».
Le fleuve Congo regorge de dangers. Parmi eux, deux zones particulièrement inquiétantes : d’abord, les « Portes de l’Enfer ». Selon MongaBay, cette section du fleuve s’étend sur 75 miles à travers un canyon, rendant l’évasion de cette partie du fleuve extrêmement risquée, en plus de créer des « rapides infranchissables ». Pour ajouter à l’angoisse, il existe un tronçon de 60 miles de rapides près des chutes Stanley, et une autre portion de 220 miles qui laisse sans voix.
Ensuite, une zone du bas Congo est surnommée « l’abattoir ». Ce nom n’est pas anodin, car cet endroit a été le théâtre d’activités cannibales et est aujourd’hui un foyer d’activités criminelles.
Inondations dévastatrices du fleuve Niger
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2012 et 2017, environ 2,5 millions de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers en raison d’inondations sévères du fleuve Niger. Ces crues records ont non seulement causé la mort de centaines d’individus, mais ont également détruit d’énormes superficies de terres agricoles et fait disparaître de nombreux animaux de ferme.
La situation résulte d’une combinaison complexe de problèmes, notamment des pluies exceptionnellement abondantes, des barrages incapables de contenir les débits d’eau, et une urbanisation mal planifiée plaçant des zones résidentielles directement dans des zones inondables.
Malheureusement, cette crise semble s’aggraver. En 2020, des rapports mentionnent que les inondations ont de nouveau forcé 226 000 personnes à quitter leurs maisons, alors que des infrastructures dans tout le pays se sont effondrées sous la pression des eaux. En outre, la pollution représente une préoccupation majeure, accompagnée de la propagation de plantes envahissantes comme le jacinthe d’eau, le déclin continu des populations de poissons et des épidémies de choléra qui tuent des centaines de personnes chaque année.
Le fleuve au nom bien choisi : le Fleuve de la Souffrance en Chine
Le Fleuve Jaune, connu pour sa riche terre fertile qu’il transporte grâce à son limon jaune, est le deuxième plus long fleuve de Chine. Cependant, ce limon est aussi à l’origine de nombreux désastres. Depuis des milliers d’années, les habitants des rives ont tenté, sans succès, de maîtriser ses crues dévastatrices.
La région du fleuve a été colonisée autour de 2100 av. J.-C., et bien qu’il soit impossible de déterminer avec précision le nombre de victimes causées par ses inondations récurrentes, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Da Yu, une figure mythologique, est célèbre pour avoir protégé les villages et les cultures des inondations, permettant ainsi l’établissement de communautés dans cette vallée.
Aucun effort n’a véritablement réussi à contenir le fleuve. Entre 608 av. J.-C. et 1938, plus de 1 500 inondations ont été enregistrées, et le fleuve a changé de cours pas moins de 26 fois. Ces vicissitudes ont entraîné des millions de décès, le plus grave des cataclysmes ayant eu lieu en 1887. À cette époque, plus de 15 000 kilomètres carrés se sont retrouvés sous les eaux à la suite d’une montée brutale et de ruptures de barrages. Les inondations combinées aux épidémies qui s’ensuivirent ont causé la mort d’environ deux millions de personnes pendant cet événement tragique. Selon le Portail Environnement et Société, les inondations du Fleuve Jaune ont coûté plus de vies humaines que toutes les autres inondations de la planète réunies.
Cahills Crossing en Australie
À Cahills Crossing, situé sur la rivière East Alligator, l’insouciance de certains visiteurs met leur vie en danger. En 2019, une femme australienne a défrayé la chronique après qu’une photo d’elle assise dans l’eau, un verre à la main et ignorant la présence de crocodiles à proximité, ait été partagée en ligne. Sa réponse à la critique fut : « Oui, j’ai vu les panneaux, mais il y en a partout ici. » Cette anecdote illustre bien la nécessité d’effectuer des recherches : connaître le terrain peut sauver des vies.
Selon un rapport, Cahills Crossing est l’un des points d’eau les plus dangereux du pays, avec deux menaces principales : une population importante de crocodiles mangeurs d’hommes et le comportement imprudent de certains individus. Une étude menée en 2016 a révélé la présence d’une moyenne de 120 crocodiles sur une distance de 6,4 kilomètres de la rivière. Malgré cela, des personnes continuent de s’y aventurer pour pêcher, conduire ou même se baigner avec leurs enfants, ignorant les dangers évidents.
Des incidents tragiques ont eu lieu, comme celui d’un homme de 47 ans tué en 2017, ou d’un autre victime d’une décapitation par un crocodile en 1987. La leçon est claire : il vaut mieux rester à l’écart de cette dangereuse étendue d’eau.