Histoire
L’expérience menée en 1920 par le psychologue de Johns Hopkins, John B. Watson, visait à démontrer que même un nourrisson pouvait être conditionné à éprouver de la peur envers un objet jusque-là neutre. Dans cette démarche, Watson exposait un bébé à divers animaux, sans susciter de réaction de crainte initiale. Puis, en associant l’observation d’un animal à un bruit soudain et effrayant – produit par le martèlement d’un tuyau en métal –, l’objectif était de créer une réaction de peur systématique.
Le sujet, un nourrisson de neuf mois identifié à l’époque sous le pseudonyme de Little Albert, fut initialement confronté à un singe, un lapin, un rat blanc ainsi qu’à divers masques. Ces premières interactions ne suscitaient aucune appréhension, hormis la réaction instinctive de peur en présence du bruit assourdissant. Lors d’une seconde phase, deux mois plus tard, le petit Albert fut de nouveau exposé à un rat blanc. Malgré une réaction modérée sans le bruit, l’association répétée – réalisée sept fois – du cri aux présences du rat amena le bébé à manifester une peur intense comprenant pleurs et tentatives d’évasion.
Les expérimentations ultérieures montrèrent que la peur conditionnée ne se limitait pas à l’animal initial : d’autres objets et animaux possédant des caractéristiques similaires, comme un manteau en fourrure ou même un masque de Père Noël, provoquaient également une réaction de frayeur chez l’enfant. Bien que l’effet ait semblé diminuer au bout de dix jours, il ne se dissipa jamais complètement, et il n’exista pas de tentative suffisante pour inverser cette crainte imposée.
Dans la foulée, l’expérience souleva de vives controverses. Les critiques se firent entendre quant aux conséquences psychologiques induites par les manipulations sur un nourrisson, qui développa par la suite une peur généralisée de divers stimuli autrefois anodins. Des interrogations s’élevèrent également autour du suivi post-expérimental, car le sujet avait été retiré de l’étude par sa mère sans que l’on prenne de mesures pour atténuer ses angoisses conditionnées.
Les investigations menées plus tard permirent d’identifier le véritable Little Albert sous le nom de Douglas Merritte, fils d’Arvilla Merritte, une nourrice travaillant dans un hôpital pédiatrique. Bien que les recherches ne permettent pas de statuer sur une éventuelle guérison de ses peurs, elles indiquent que Douglas souffrait de graves troubles neurologiques et est décédé à l’âge de six ans, emporté par une hydrocéphalie, un excès de liquide dans le cerveau. Ces révélations soulèvent de nouvelles questions sur l’éthique et les conséquences des expériences menées à l’époque.