Sommaire
Depuis l’aube de l’humanité, les relations humaines ont toujours été marquées par des histoires d’amour, parfois tragiques. Contrairement à l’idée reçue que les ancients étaient trop occupés à survivre, leurs écrits et histoires révèlent une richesse de sentiments complexes. En 2014, des graffitis anciens découverts à Astypalaia ont été datés du 5e ou 6e siècle avant J.-C. Ces inscriptions, qualifiées de « monumentales », témoignent d’un désir ardent, évoquant des émotions physiques et des relations intimes avec un humour saisissant.
Bien que l’on ne puisse en réalité savoir ce que Nikasitimos et Timiona auraient pensé de la pérennité de leurs messages, leur élan passionné, visible à travers le volume de graffitis, suggère qu’ils auraient pu considérer ces récits d’une manière positive. Leur relation, ayant laissé une empreinte durable, fait écho à la grandeur des histoires mythologiques, qui racontent non seulement les manifestations de la nature, mais aussi des récits d’amour emblématiques, souvent teintés de douleur et de désespoir.
Thésée et Ariane
Selon la mythologie, Ariane était la fille du roi Minos, connu pour exiger un lourd tribut d’Athènes sous la forme de jeunes hommes et femmes envoyés dans le Labyrinthe pour apaiser le Minotaure. Lorsque Thésée débarqua à Crète, il était déjà habitué à cette réalité tragique.
À l’instant où Ariane aperçut Thésée, elle tomba follement amoureuse de lui. Elle se rendit alors chez Dédale et le persuada de lui révéler les secrets du Labyrinthe, qu’elle offrit à Thésée avec une pelote de fil incassable, forgée par Héphaïstos. Ce fil lui permit de retrouver son chemin dans le Labyrinthe, après avoir tué le Minotaure.
Bien que la plupart des écrivains anciens s’accordent à dire que Thésée avait promis d’épouser Ariane avant de prendre le bateau pour Athènes, les événements qui suivirent varient selon les récits. La plupart avancent que leur relation prit fin lorsqu’ils firent escale sur l’île de Naxos, où Thésée abandonna Ariane pendant son sommeil. Certains, toutefois, tentent de le disculper, suggérant que ce n’était pas une trahison de sa part, mais que Dionysos lui aurait demandé de se retirer.
Dans ces versions, le destin souriant à Ariane, elle finit par épouser le dieu et acquiert l’immortalité. D’autres récits, en revanche, racontent qu’elle, désespérée par cette trahison, choisit de mettre fin à ses jours.
Hector et Andromaque
L’histoire d’Hector et d’Andromaque débute dans l’Iliade et se poursuit dans d’autres œuvres littéraires. Lorsque le public découvre ce couple, ils sont mariés heureux avec un nouveau-né. Hector est l’héritier du trône de Troie, et tout semble aller pour le mieux… jusqu’à ce que la guerre de Troie éclate et qu’Hector soit contraint de partir au front.
C’est là qu’il trouve la mort, tué par Achille après la perte de son ami Patrocle. En plus de cette tragédie, Achille refuse de rendre le corps d’Hector pour un enterrement digne. Cette tragédie est d’autant plus amère qu’Achille avait déjà tué le père et les sept frères d’Andromaque.
Une fois cet affront réparé et alors qu’Andromaque se retrouve à pleurer son mari, le sort s’acharne sur la veuve éplorée. À la suite de la victoire des Grecs, les femmes de Troie deviennent des dépouilles de guerre. Andromaque est offerte à Néoptolème, le fils d’Achille. Libre de disposer d’elle comme il l’entend, son premier acte est de jeter son fils, celui qu’Hector avait pris dans ses bras avant de partir, du haut des murs de Troie.
Contraint d’enfanter trois enfants pour Néoptolème, Andromaque fait face à la jalousie de son épouse, Hermione. À la mort de ce dernier, elle revient d’abord vers le frère de son mari pour retrouver son statut de reine, tout en continuant à pleurer son bien-aimé Hector.
Helios et Klytie
Comme la plupart des divinités grecques, Hélios avait une liste d’amants incroyablement longue. En tant que titan et dieu du soleil, il n’était guère préoccupé par les détails de ses passions, que ce soit avec la nymphe marine Klytie ou la princesse Leucothoé.
C’est Ovide qui a raconté qu’Hélios, amoureux, restait dans le ciel juste pour jeter un coup d’œil sur sa princesse perse. Parfois, il s’y attardait si longtemps qu’un jour passait bien plus lentement que d’ordinaire. Finissant par se déguiser en sa mère, il s’introduisit dans la chambre de Leucothoé et, après avoir révélé sa véritable identité, fit ce que l’on attendait de lui dans de telles circonstances.
Cependant, leur liaison ne passa pas inaperçue. La jalouse Klytie ne tarda pas à faire savoir à tout le monde ce qui se déroulait derrière les portes closes. Gêné par le scandale, le père de Leucothoé condamna sa fille à mort et ordonna qu’elle soit enterrée vivante. Hélios, désespéré, tenta de la ressusciter, mais échoua ; il décida alors de planter de l’encens sur sa dernière demeure.
Klytie, de son côté, était amèrement déçue que les choses n’aient pas tourné en sa faveur. Au lieu de se précipiter dans ses bras, Hélios l’ignorait : elle resta assise sous lui pendant neuf jours, observant son passage dans le ciel. Elle y est toujours, devenue désormais un tournesol.
Hero et Leander
Il est difficile de déterminer l’ancienneté de l’histoire tragique des amoureux malheureux, Hero et Leander. Selon les références éparses faites par de grands écrivains antiques tels que Virgile, cette légende était si bien connue qu’il n’était même pas nécessaire de mentionner les noms des protagonistes lorsqu’on parlait de leur amour maudit.
Le poème de Christopher Marlowe, inspiré de leur histoire, dépeint Hero comme une femme courtisée par les dieux, mais dont le cœur ne battait que pour son bien-aimé Leander. Bien qu’ils soient interdits de mariage, les deux amoureux jurèrent de ne laisser rien les séparer — pas même les eaux tumultueuses de l’Hellespont, ni la tour où Hero résidait. Chaque nuit, elle allumait une flamme au sommet de sa tour, guide lumineuse pour Leander qui nageait depuis la rive opposée pour la rejoindre, avant de regagner son domicile chaque matin.
Mais une nuit fatidique d’hiver, une tempête s’abattit sur le détroit. La flamme de Hero s’éteignit, et ce n’est que le lendemain matin qu’elle comprit ce qui s’était passé. En se penchant par la fenêtre de sa tour, elle aperçut le corps brisé de son bien-aimé sur les rochers en contrebas. Incapable de vivre sans lui, elle sauta de la tour pour le retrouver dans la mort.
Pyramus et Thisbé
Pyramus et Thisbé sont un autre couple d’amants malheureux, poussés à des extrêmes par des parents qui interdisent leur union. Ovide a raconté leur histoire dans ses « Métamorphoses », en décrivant comment ces deux jeunes avaient grandi côte à côte. En vieillissant, leur amitié de toujours s’est épanouie en un amour profond, mais leurs parents ont refusé de leur donner la permission de se marier. Déterminés à ne pas vivre séparés, ils décidèrent de s’enfuir ensemble.
Ils convinrent de se retrouver près d’un tombeau voisin, et Thisbé fut la première à arriver. Dans l’attente de Pyramus, une lionne s’approcha. Thisbé réussit à éviter la lionne, mais pendant sa fuite, elle laissa tomber son voile, que le lion découvrit rapidement. Lorsque Pyramus arriva, il ne trouva aucune trace de son amante … jusqu’à ce qu’il découvre son voile ensanglanté et les empreintes de la lionne. Supposant le pire, il se tua plutôt que de vivre sans elle.
When Thisbé revint, elle trouva son bien-aimé mort, le voile ensanglanté dans sa main. Réalisant qu’il avait cru qu’elle était morte, elle se pencha et s’aiguisant sur son épée pour le rejoindre dans la mort. Leurs corps furent plus tard découverts par leurs parents, qui leur permirent de partager un bûcher funéraire et enfin, une urne.
Apollo, le dieu du soleil, tomba amoureux d’un prince spartiate nommé Hyakinthos. Pourtant, leur romance ne fut pas exempte de tensions, car un autre prétendant, le dieu du vent d’ouest, Zephyros, s’éprit également du jeune homme d’une beauté saisissante. Cette jalousie exacerbée ne mena pas seulement à des disputes entre mortels, mais aussi à des tragédies parmi les divinités de la mythologie grecque.
Les récits de la destinée tragique de Hyakinthos sont évoqués par plusieurs écrivains antiques, tels qu’Hésiode, Bion et Pausanias. Leur histoire prend un tournant fatidique lorsque, jouant au disque, le vent d’ouest, emporté par la jalousie, interfère et provoque accidentellement la mort du prince. Bien qu’Apollo tente désespérément de sauver Hyakinthos, le destin était déjà scellé. Pour immortaliser son amour, Apollo transforma le prince en une fleur, le jacinthes, célébrant ainsi une passion tragique qui traverserait les âges.
Kadmus et Harmonia
L’histoire de Harmonia illustre à quel point les dieux peuvent être cruels, car elle a été maudite pour quelque chose qui n’était absolument pas de sa faute. Fille d’Ares et d’Aphrodite, c’est le mari d’Aphrodite, Héphaïstos, qui avait un ressentiment à son égard. Le jour de son mariage avec Kadmos, il lui offrit un magnifique collier… qui portait en fait un autre cadeau : une malédiction qui traverserait les générations, en guise de sanction pour être le produit de l’affaire d’Aphrodite.
Kadmus décrit la cruauté de cette malédiction dans « Les Bacchantes » d’Euripide : « Je ne trouverai aucun répit de cette malédiction ; je ne peux même pas traverser le courant descend à Achéron pour trouver la paix dans la mort. » Des fragments de leur malédiction sont dispersés dans divers écrits anciens, notamment des guerres incessantes, des membres de la famille mourants et le fait d’assister à la profanation de leur patrie. Ils furent harcelés par Aphrodite — qui tenta par tous les moyens de se mettre entre eux — et furent chassés de la ville que Kadmos avait fondée, Thèbes. Peut-être le pire de tout, ils vécurent pour voir la malédiction se transmettre à leurs enfants et petits-enfants.
Cependant, cette histoire a un brin de fin heureuse : les dieux finirent par intervenir pour dire qu’il était temps que cela cesse, et transformèrent d’abord le couple en énormes serpents, puis les envoyèrent vers les Îles Bienheureuses.
Hercule et Mégara
Hercule est sans conteste l’un des héros les plus célèbres de la mythologie grecque, mais l’histoire de sa première épouse, Mégara, est bien éloignée des adaptations que l’on retrouve dans les films. Mégara, princesse de Thèbes, a été offerte à Hercule en guise de reconnaissance pour avoir sauvé la ville.
Leur vie de couple était remplie de bonheur, avec plusieurs enfants, jusqu’à ce qu’Hercule soit appelé à l’étranger. Les raisons de son départ varient selon les récits. Pendant son absence, un homme nommé Lycus tue le père de Mégara et tente de la forcer à l’épouser. Mégara, fidèle à son mari, refuse et attend son retour.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, Hercule réussit à rentrer à temps pour abattre Lycus. Cependant, alors qu’il remercie les dieux, Héra, toujours furieuse de l’existence d’Hercule, décide de se venger. Sous l’effet de puissantes hallucinations, il devient convaincu que ses enfants appartiennent à Lycus et que sa femme bien-aimée est Héra elle-même, ce qui le conduit à tuer toute sa famille. Dans des versions antérieures du récit, Lycus est omis, mais le résultat tragique reste fidèle à l’essence de l’histoire.
Hercule et Déjanire
Déjanire, la seconde épouse d’Hercule, était une princesse de Calydon et la sœur d’un homme que ce demi-dieu avait rencontré lors de ses travaux. Après avoir promis à son frère, décédé à l’époque, qu’il veillerait sur Déjanire, Hercule l’épousa après plusieurs années d’aventures et d’exploits. Cependant, il s’est avéré qu’aucune promesse n’était réellement nécessaire, car Déjanire était une guerrière à part entière, peu intéressée par une vie tranquille… jusqu’à sa rencontre avec Hercule.
Ils vécurent un certain temps une existence paisible et heureuse, selon la World History Encyclopedia, jusqu’à ce qu’Hercule tue accidentellement un membre de leur foyer. Ils décidèrent de partir, mais après une rencontre fatidique avec le centaure Nessus, les choses prirent une tournure dramatique. Hercule tua Nessus qui tentait d’agresser Déjanire, mais alors qu’il agonisait, le centaure lui révéla que son sang était spécial. Un peu de ce sang garantirait qu’Hercule lui appartienne pour toujours… et il n’était certainement pas mortel.
Malheureusement, cela s’est avéré fatal pour tout le monde impliqué, le sang étant contaminé par le poison des propres flèches d’Hercule. Le temps passa, et Hercule décida qu’il serait judicieux d’avoir une maîtresse. Déjanire prit le flacon de sang, en versa quelques gouttes sur sa tunique, et il mourut lentement dans une agonie insupportable. Cette lenteur lui permit de construire son propre bûcher funéraire, et réalisant ce qu’elle avait causé, Déjanire se pendit.
Orphée et Eurydice
L’histoire d’Orphée et d’Eurydice commence tragiquement, dès le début. Profondément amoureux et sur le point de se marier, c’est le jour de leur mariage qu’Eurydice meurt après avoir été mordue par un serpent. Orphée, cependant, n’avait pas l’intention de laisser cela se produire, alors il prit sa lyre et se dirigea vers un endroit que peu osent explorer : le royaume des morts.
Une fois là-bas, il parvint au cœur même de l’au-delà et plaida auprès du roi et de la reine pour retrouver sa bien-aimée. Ils furent si touchés par ses supplications que même leur chien de garde à trois têtes, Cerbère, s’assit aux pieds du musicien. C’était un signe clair : sa mort n’était pas juste.
Orphée obtint la permission de ramener sa bien-aimée, mais avec une condition. Il devait la conduire hors du royaume des morts vers le monde des vivants, et s’il venait à se retourner pour la regarder, elle retournerait à sa place en enfer. Ils étaient à quelques pas de la sécurité lorsqu’il se retourna, et Ovide écrit : « Instantanément, elle s’est évanouie. »
Orphée implora le passeur de le mener à nouveau dans l’au-delà pour rejoindre sa chère épouse, mais cette fois, il fut complètement et fermement refusé. Il s’assit au bord du Styx pendant des jours, avant de finalement abandonner et retourner dans le monde des vivants. Il ne se remaria jamais : « … son serment d’amour était pour toujours. »
Echo et Narcisse
La tragédie d’Écho et Narcisse, racontée par Ovide, est particulièrement poignante. Narcisse était un homme d’une beauté incroyable, presque irréelle, et Écho n’était qu’une des nombreuses créatures à tomber amoureuse de lui. Nymphe bavarde, Écho avait été maudite par Héra pour avoir aidé Zeus dans ses infidélités, l’obligeant à répéter uniquement ce qui lui était dit. Incapable d’exprimer ses sentiments à Narcisse, elle tenta de le lui montrer par un câlin. Sa réaction fut dédaigneuse : « Enlève tes mains ! … Mieux vaut la mort que de devoir être caressé par un tel être ! »
Écho, horrifiée par le rejet de son bien-aimé, se retira dans la forêt et dépérit jusqu’à ne devenir qu’une voix, que l’on peut encore entendre aujourd’hui.
Cependant, l’histoire ne s’arrête pas là. L’âme brisée d’Écho attira l’attention de Némésis, la déesse de la vengeance. Celle-ci décida qu’il était temps de faire redescendre Narcisse sur terre. Elle l’attira vers une source, où il aperçut son reflet dans l’eau. Obsédé par son image, son amour-propre se transforma en une douleur analogue à celle qu’Écho avait ressentie, et lui aussi dépérit jusqu’à disparaître. Son dernier mot fut « Adieu », et Écho fut la seule à lui répondre.