L’Hôtel de la Mort : un symbole de la Corée du Nord

par Olivier
0 commentaire
A+A-
Reset
L'Hôtel de la Mort : un symbole de la Corée du Nord
Corée du Nord

Hôtel de la Mort, Pyongyang, 2011

Si vous cherchez une raison de ne jamais visiter la Corée du Nord, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) — tristement célèbre pour ses violations des droits humains d’après Amnesty International — cet imposant édifice est une illustration parfaite : l’Hôtel de la Mort. Ce n’est pas un lieu d’accueil chaleureux ni un refuge paisible, mais un symbole glaçant, une structure de près de 300 mètres de haut qui perce le ciel de Pyongyang telle une lance menaçante. Bien que ce nom ne soit pas celui donné par ses concepteurs, l’aspect sinistre du bâtiment lui a valu son surnom, devenu populaire à l’échelle internationale.

Au tournant des années 1990, alors que la guerre froide s’achevait et que l’économie soviétique s’effondrait, le leader nord-coréen Kim Il-Sung souhaitait préserver la place de son pays sur la scène mondiale. Pendant que la Corée du Sud s’illustrait comme un modèle de modernité et de dynamisme culturel, et que Singapour achevait en 1986 le Swissôtel The Stamford, alors le plus haut hôtel du monde avec ses 226 mètres, la RPDC se lança dans un défi architectural sans précédent : construire un hôtel encore plus haut. Ainsi naquit le projet Ryugyong, ou « l’Hôtel du Saule », qui deviendra bientôt le « Hôtel de la Mort » pour les observateurs extérieurs.

La construction débuta en 1987 sous la direction du bureau Baekdu Mountain Architects & Engineers. En 1992, la phase initiale de la structure fut achevée : un squelette en béton brut évoquant la pointe d’un missile. À ce stade, cependant, l’intérieur resta intégralement à l’abandon, laissant une coque creuse et inachevée, symbole tangible des espoirs déçus du régime.

Hôtel de la Mort au-dessus de Pyongyang

En 2012, le site d’information NK News publia des photographies saisissantes de l’intérieur déserté, révélées grâce aux guides touristiques de Koryo Group avec l’accord des autorités nord-coréennes. Depuis sa construction, l’Hôtel Ryugyong est devenu une énigme presque mythique au sein d’un pays lui-même mystérieux. Sa coque vide symbolise l’échec étatique et l’oppression pesant sur la population.

Après l’effondrement de l’URSS qui réduisit de 40 % le PIB nord-coréen, le chantier resta à l’arrêt jusqu’en 2008, année où le groupe égyptien Orascom investit dans le projet, et où l’extérieur commença à se parer d’écrans LED, lui conférant un aspect rétro-futuriste tout en servant de gigantesque support de propagande lumineuse.

Fait surprenant, la tour de 105 étages ne possède qu’un seul ascenseur, qui ne dessert que jusqu’au 99e étage. Simon Cockerell, responsable chez Koryo Group, relate que cet ascenseur de service fonctionnait avec un opérateur chargé de décider les arrêts, loin de la modernité habituelle.

Hôtel Ryugyong vu de nuit

Dans sa conception, l’Hôtel de la Mort incarne une ambition démesurée : une grandeur affichée à outrance, mais creuse, qui écrase ses visiteurs par des volumes intérieurs gigantesques, destinés à illustrer la puissance nord-coréenne. Pourtant, cette opulence n’est qu’une façade, révélée dans toute son arrogance par la démesure des espaces vides. Une photo du hall de réception montre des plafonds si hauts qu’ils paraissent hors de proportion, illustrant toute l’exubérance non achevée de ce projet.

Toutefois, une lueur d’espoir subsiste : depuis 2019, des travaux ont repris et la tour semble sur le point d’achever son aménagement. Une photographie partagée sur Twitter par Alek Sigley, diplômé de Stamford, montre la première enseigne officielle de l’hôtel ornée d’un logo étrange ressemblant à celui de l’Empire Klingon de Star Trek. La base est désormais accessible, bien que l’intérieur demeure fermé au public. L’Hôtel Ryugyong devrait accueillir des restaurants haut de gamme, des logements et des installations commerciales, permettant peut-être de transformer ce monument du passé en symbole de renouveau.

Jusqu’à récemment, la tour n’apparaissait même pas sur les photos officielles de Pyongyang, effacée par la censure, preuve que l’Hôtel de la Mort reste un reflet complexe et énigmatique de l’histoire et des aspirations contrariées de la Corée du Nord.

Suggestions d'Articles

Laisser un Commentaire